Monika von Düring

Sous la forme du modèle en cire, l'illustration anatomique devient pour la première fois tridimensionnelle, et par là se rapproche beaucoup plus de la préparation originale que de la représentation plane. Le caractère fascinant des cires de la Specola tient à la précision avec laquelle sont restitués les détails des structures anatomiques. La représentation artistique, poussée à la perfection, fait percevoir le modèle cadavérique comme un sujet vivant. Cette impression résulte de la volonté de l'artiste de faire abstraction des stigmates de la mort ; à leur place sont évoqués des positions et des gestes de la vie courante laissant transparaître l'unicité des formes et des fonctions vitales.

Les archives nous indiquent [...] qu'il fallait réunir plus de deux cents cadavres ou parties de cadavres pour fabriquer une seule figure. Ce nombre incroyablement élevé s'explique pour la bonne raison que le formol et la réfrigération étant inconnus, il fallait constamment recourir à des cadavres ou parties de cadavres frais pour les dissections. Afin de recenser exactement les cadavres provenant des hospices de Santa Maria Nuova à deux kilomètres de là, on tenait un registre dans lequel étaient notées toutes les arrivées, mais aussi tous les départs pour le cimetière : " [...] à propos des cadavres de Santa Maria Nuova dont on ignore le nombre et parce qu'on ne peut pas faire mourir les gens pour les besoins des collections de cire, il a été décidé de placer un registre à la porte du musée afin de consigner les cadavres utilisés en ce lieu, dont le nombre semble considérable, et afin de noter la fréquence des envois au cimetière."