Les dernières heures avant la naissance sont belles et intenses, l'être y est sensible et à fleur de peau, l'ambiance est chaude avec des effluves d'excitation et d'appréhension qui enveloppent les futurs parents. Ils raconteront cette émotion en crescendo jusqu'au climax indicible, ils expliqueront à qui veut l'entendre que plus rien d'autre n'avait soudain d'importance, qu'autour d'eux tout avait disparu, que l'espace soudain s'était courbé, que le temps s'était figé, et qu'il ne restait rien d'autre que ces heures, ces minutes, ces secondes suspendues...
Alors oui d'aucuns pourraient t'avancer que les futurs pères font aussi une expérience singulière, qu'ils vivent une grossesse psychique, qu'ils portent cette future vie sans leur imaginaire, qu'ils la rêvent, la fantasment, la craignent et la désirent. Oui mais toi, toi, tu n'as rien vécu de tout cela. Tu as traversé cette grossesse en flottant. Tu étais là, mais tu flottais. Tu étais là à chaque échographie pour deviner la silhouette du fœtus dans le jeu des contrastes de gris. Tu étais là quand vous avez appris qu'il s'agissaient d'une deuxième petite fille, tu as activement participé au choix du prénom. Tu as été ému quand ta femme a pris ta main pour la poser contre son ventre ce soir d'automne quand pour la première fois "bébé" a donné quelques coups à "maman". Mais tout cela ne prend pas neuf mois, tout au plus quelques minutes, quelques heures pour ceux qui savent savourer l'instant. Et le reste n'est qu'attente.