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Critiques de Morgan Sportès (138)
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Tout, tout de suite

C'est un livre qui laisse estomaqué à chaque page, tant tout ça est à peine croyable et si proche de nous, tant on a peine à croire que ce soit vraiment arrivé. En 2006 un jeune homme se fait kidnapper ; séquestré pendant 24 jours, il sera torturé puis laissé pour mort à proximité d'une voie de RER. Motif : l'argent. A la manière d'un Truman capote, et comme il l'avait déjà fait dans "L'Appât", Morgan Sportès s'empare du fait divers, changeant simplement les noms des protagonistes, puis le livre à notre réflexion (et à notre effroi) à l'état brut, dans un travail de dissection ultra précis : récit détaillé à la seconde près, dates, lieux (là je frémis d'autant plus : c'est ma banlieue, je connais bien la plupart des endroits cités), heures, sans aucun commentaire superflu. Les faits, juste les faits, dans leur horreur.

Comment le chef présumé de cette bandes de gamins (dont certains mineurs à l'époque des faits) a-t-il pu embarquer autant de personnes (plus d'une vingtaine sera impliquée) dans son délire obsessionnel et sa folie criminelle ? Peur des représailles, totale inconscience, impression de vivre un épisode de série télé, simple bêtise ? Peu à peu le cercle des personnes qui "savent" s'élargit, et pourtant Ilan, pardon, Elie ne sera pas sauvé. On referme le livre l'estomac noué, un sale goût amer dans la bouche et une seule question en tête : pourquoi ?
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Si je t'oublie

Roman intimiste, bâti sur des prérequis, semble-t-il, incompatibles : l'amour entre une fille de SS et un fils de juif d'Afrique du Nord. Or, il s'agit surtout, pour lui, d'une incommensurable frayeur devant la vie, l'amour, la mort...jusqu'à ce que cette dernière lui révèle combien l'être qui s'en va, et qu'il ne verra plus, va lui manquer...

C'est l'occasion d'un regard arrière sur les années qu'ils auraient pu passer ensemble.

Ces pensées sont articulées autour de rencontres en des lieux évoqués avec précision, avec des références à la littérature, la musique... De quoi nourrir une vie posthume... "Roméo et Juliette de l'ère moderne, revu par Sigmund Freud" : mention de la 4ème de couverture ; c'est un avis un peu raccourci, mais qui ne manque pas de vérité.
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L'aveu de toi à moi

Ce « roman » nous conte l'itinéraire d'un dénommé Rubi, un « raté » (c'est son père qui le dit) dont la vie est une étonnante et incohérente trajectoire : il fut tour à tour Camelot du roi, partisan de la République espagnole, résistant, volontaire au STO, SS français, déserteur, interné à Dachau, planqué dans une famille allemande, arrêté après la guerre puis emprisonné par les autorités françaises, pour finir avec un flirt avec le PCF. Et pour couronner le tout poète.

Ce parcours tumultueux se mêle à celui du narrateur, tout aussi non exempt d'incohérences, qui eut une liaison avec la fille de Rubi.

Voilà un livre étonnant, un livre qu'on ne lâche pas, qui pose bien plus de questions qu'il ne donne de réponses, à commencer par celle-ci : ce Rubi a t-il existé ? J'ai cherché à y répondre avec l'aide du net, et je n'ai rien trouvé. Or on ne trompe pas Google. Je répondrai donc non ! Et pourtant j'ai un sacré doute. Mais je suis un « bon » lecteur, un lecteur qui joue le jeu et se laisse prendre volontiers. Diabolique ce bouquin !
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L'appât

Sportès Morgan – "L’Appât" – Seuil, 1990 (ISBN 978-2020228398)



Comme dans le cas de "Tout, tout de suite" (publié vingt-et-un ans plus tard, en 2011), l’auteur se livre à une reconstitution aussi précise et complète que possible d’un fait divers réel : début décembre 1984, un trio de jeunes gens (composé de Valérie Subra, Laurent Hattab et Jean-Rémi Sarraud) attire deux hommes censés être fortunés dans un guet-apens pour les assassiner après leur avoir soutiré l’argent liquide disponible ainsi que les quelques objets de valeur (briquets, montres, bijoux) facilement transportables. Dans les deux cas, le butin est dérisoire rapporté à la sauvagerie des deux assassinats froidement prémédités et organisés.

La jeune fille servant d’appât a tout juste 18 ans : vivant dans un milieu plutôt aisé, elle s’est exclue elle-même du circuit scolaire et rêve de devenir starlette ou mannequin ; uniquement soucieuse d’elle-même, elle ne montre aucune compassion envers les victimes.

Laurent Hattab est le fils d’un juif tunisien, nouveau riche ayant fait fortune dans la confection et installé dans "le sentier" ; le père ne refuse rien à son fils, qui dispose d’autant d’argent qu’il le veut, mais souhaite s’émanciper en "montant des coups" ; il n’a aucune culture, aucune éducation religieuse.

Jean-Rémi Sarraud est le pauvre paumé du groupe, le grand gaillard baraqué qui suit son copain Laurent aveuglément, qui n’entretient plus aucun lien familial (la famille n’assistera même pas au procès), qui sort d’un milieu défavorisé.



Leur procès s’ouvrira en janvier 1988, alors que se tient le procès des membres du groupe terroriste "Action directe" (qui avaient été arrêtés le 21 février 1987). Quelques mois plus tôt s’étaient tenus deux autres procès spectaculaires, celui de "l’assassin des vieilles dames" Thierry Paulin et, en mai juin 1987, celui du criminel nazi Klaus Barbie.



Précisions : la reconstitution narrée dans "L’appât" de Morgan Sportès se déroule dans un milieu et des lieux qui me sont totalement et radicalement étrangers, à savoir cette jeunesse plus ou moins dorée des filles et fils à papa, ainsi que ces vieux beaux, qui passent leur temps dans les boîtes de nuit ou ces bars glauques réservés à des clientes et clients du type Strauss-Kahn, amateurs de "chair fraîche" jeune et féminine mais pas seulement, ce que les journaleux et paparazzi appellent la "jetset", les "people", ces gens pour qui il est extrêmement important d’étaler des signes de richesse clinquants, des modes de vie basés sur le gaspillage éhonté de l’argent facilement gagné, des liaisons toutes plus "scandaleuses" les unes que les autres etc. En ce sens, le récit de Sportès est bel et bien un document sociologique très précis et probablement fidèle de ce milieu particulièrement corrompu.



La thèse centrale de Morgan Sportès, selon ses propres dires, consiste essentiellement à montrer "la jeunesse que notre société sécrète". Ceci me semble bien abusif. Que des jeunes (y compris, voire surtout, des filles) sans repère, désaxés, trop gâtés par leurs parents, se laissent fasciner par ce milieu pourri n’est guère étonnant, cela a probablement toujours existé sous des modalités diverses. Il est également probable que "la société du spectacle" (Sportès était proche de Guy Debord) accentue les dérives de ce type de jeunes, et que la "déréalisation" les mène facilement à des actes d’une sauvagerie in-croyable puisque L’Autre n’est plus qu’un objet (cf les ravages actuels des jeux vidéo d’extrême violence) : le degré de violence augmente sans cesse chez les jeunes, que ce soit dans le cadre scolaire ou en dehors, que ce soit dans les banlieues ou dans les institutions chics. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit là – Dieu soit loué – de phénomènes extrêmement minoritaires pour l’instant, mais que les médias se font un grand plaisir de monter en épingle.



A mes yeux, Sportès a quelque peu raté son livre : il aurait dû non pas seulement faire allusion au procès du groupe "Action directe" mais carrément monter un parallèle entre ces deux séries de meurtres. N’y a-t-il pas des similitudes entre ces jeunes filles et jeunes gens s’octroyant le droit de vie et de mort sur d’autres personnes uniquement parce que leurs propres désirs de puissance et de gloire leur semblent suffisants pour justifier des meurtres ? N’est-ce pas cet acte de violence ultime, l’assassinat, qui constitue le cœur de leurs actions, qu’elles et ils enrobent ensuite soit dans de grands discours politiques (vides de sens), soit dans un désir "d’avoir de la thune, là tout de suite" pour aller "frimer" ?



Pour en revenir au trio de 1984, il va de soi que ces trois personnes sont aujourd’hui sorties de prison et libres comme l’air ! Les deux garçons furent condamnés à 18 ans de prison, la jeune-fille à 16 ans. Selon "wikipedia", Valérie Subra, et Jean-Rémi Sarraud se sont montrés bien sages en prison, où ils ont effectués quelques études leur permettant d’obtenir de tout beaux diplômes : tous deux auraient donc trouvé du travail, et auraient – chacun de son côté – fondé une famille avec enfant ! Comment ces enfants supporteront ils d’apprendre que leur père (dans un cas) et leur mère (dans l’autre cas) se sont rendus coupables de deux assassinats, prémédités, avec actes de torture ? Que diront ces glorieux parents lorsque leur descendance aura lu "L’Appât" ? (un assassin comme Bertrand Cantat remonte bien sur les planches pour se faire applaudir par des minettes, et le juge n’a aucune charge à retenir contre DSK ni Dodo-la-Saumure…).



Au centre de ce récit se trouve donc la jeune fille qui a délibérément accepté de servir d’appât.

Etrange ? Quelle est l’image des jeunes filles massivement diffusée de nos jours ?

Il y a peu, l'affiche du film états-unisien "Spring breakers" (sorti en 2012) s'étalait sur tous les supports publics imaginables dans le métro, le RER, sur le cul des bus. Cette affiche, d'une vulgarité et d'une bêtise répugnantes, représente quatre filles typiquement états-unisiennes, dans les 18 ou 20 ans, en maillot de bain et dans des postures franchement obscènes (fesses tendues, poitrine offerte etc). Il paraît que le réalisateur, un obscur Harmony Korine, a voulu restituer l'image que les adolescentes ont aujourd'hui d'elles-mêmes, et surtout les modèles qu'elles se choisissent "à la Britney Spears" : comme j'ignore tout de cette personne, je tapote son nom sur Google, et je reçois effectivement des images d'une sorte de walkyrie hystérique dans des accoutrements ridicules et surtout dénudés. Tout cela pue le fric et le show-biz : c'est probablement ce genre de représentation qui inspirait cette Valérie Subra... Et que dire des Madonna, Jennifer Lopez, et autres starlettes spécialistes des tenues et gesticulations putassières, modèles des gamines d’aujourd’hui ?

Pourtant, depuis plusieurs années, les rapports s’accumulent au plus haut niveau, que ce soit sur l’hypersexualisation (rapport à la ministre Chantal Jouanno, 5 mars 2012), ou sur la consommation de films pornographiques dès avant l’adolescence, y compris chez les filles (rapport à Jeannette Bougrab – voir "Et si on parlait de sexe à nos ados ?" publié chez Odile Jacob).

Il faut dire qu’après l’acquittement de DSK et son copain Dodo-la-Saumure, les juges auront quelques peines à expliquer aux ados des banlieues pourquoi, eux, n’ont pas le droit d’organiser des tournantes dans les caves, avec des filles plus ou moins consentantes…



Au sortir de la lecture, puis de la re-lecture, de ce livre, on reste sidéré, car on prend bien conscience que ce glissement vers la barbarie, loin de s’atténuer, est au contraire en train de s’accentuer inexorablement, dans l’indifférence totale des responsables, et même (affaire DSK) avec la complicité des juges…

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Tout, tout de suite

Ce roman est vraiment structuré comme un gros article de presse. Morgan Sportes nous délivre les évènements tels qu'ils se sont vraisemblablement déroulés, grâce aux témoignages de chacun des protagonistes. Le style d'écriture est simple, un peu répétitif mais assez plaisant.

Pour nous narrer les faits, l'auteur reste quasiment neutre: Pas besoin d'en rajouter sur la forme, car en terme d'émotion, l'histoire réelle se suffit à elle-même. Cette objectivité nous permet d'appréhender comment on peut en arriver là. Avant la lecture, on imagine que l'antisémitisme, la rebellion ou l'animosité sont à l'origine d'un tel drame. A la fermeture de ce livre, on se rend compte finalement que le simple manque d'instruction voire le vide intellectuel, dans un environnement défavorisé, peuvent conduire à des évènements à la limite de l'inhumanité. Une belle remise au point...
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Tout, tout de suite

Morgan Sportès a mené une longue enquête autour des différents membres de ce foutu gang. Malgré tout, comme je suppose qu'il y a une part de roman, de fiction, l'auteur a pris le soin de modifier légèrement les noms afin d'éviter tout souci. Ainsi, Yousouf devient Yasaf, etc. L'auteur établit les portraits psychologiques des différentes intervenants. Autour d'un chef qu'on voit peu confiant en lui, dépourvu de toute organisation cohérente, blindé de préjugés débiles et final, passablement stupide gravitent toute une tripotée d' "hommes de main" et d'appâts. Ce qui est dramatique dans cette histoire, c'est que les seconds couteaux se rendent compte au fur et à mesure de la tragédie qui est en train de se nouer quand le chef reste sur ses positions, convaincu que la famille de l'otage finira par payer la rançon qu'il exige. Ils ne sont d'ailleurs pas forcément partants dans cette opération mais ils sont sous le joug d'un personnage qui se donne une prestance et une autorité qu'il n'a en fait pas. La description des caractères est fine, précise et le travail d'enquête se ressent dans ces écrits.
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Tout, tout de suite

Avec une précision extrême, Morgan Sportès décrit, parfois à la minute et à la rue près, la longue "préparation" d'un enlèvement qui se terminera par la tragique affaire Ilan Halimi. A la tête de ceux qu'on désignera par la suite comme "le gang des barbares", Yacef/Youssouf. Il veut faire un "gros coup pour de la thune", donc de préférence en rançonnant des "Feujs", supposés riches. Mais il tâtonne, brouillonne, teste quelques victimes, complices et "appâts" (des jeunes femmes pour aguicher le futur séquestré, l'attirer dans le piège).



Ce "reportage" est absolument effrayant, on est vraiment dans l'absurde, le sauvage, la violence poussés à l'extrême. C'est d'ailleurs ce que l'auteur exprime en interview, ce sentiment de gâchis, de mimétisme absurde (du ciné ? de la TV ?) dans cette quête de... quoi au fait ? de pouvoir ? de gloire ? d'argent facile ? d'occupation ? d'adrénaline ? Tout un troupeau de jeunes plus ou moins désoeuvrés dans l'obéissance aveugle d'un seul dingue, pour une poignée de billets.



Malgré l'intérêt indéniable de cet ouvrage, et en dépit de l'admiration que j'ai éprouvée pour Morgan Sportès, sa fougue face aux lycéens lors de la rencontre "Goncourt", je me suis longtemps demandé quel était l'objectif de ce livre. Je me suis sentie coupable de le lire pendant plus de la première moitié, agacée de continuer et réticente à le faire, comme si j'assistais vraiment à ces violences, ces "massacres" sans lever le petit doigt. Il s'agit de nous confronter à ce constat d'impuissance, pour nous dire que la société en général, et les jeunes défavorisés en particulier vont mal ? Oui, mais encore ???



La deuxième partie a enfin éveillé mon intérêt, lorsqu'on voit "le boss" perdre les pédales pour obtenir sa rançon, multipliant appels, mails, SMS aux parents de la victime, lesquels sont tragiquement pris entre le marteau et l'enclume (le bourreau et les conseils de la police, pas si judicieux que ça, ou entravés par des choix "politiques" ?).



Bref, un sentiment de malaise intense sur une grande partie de ce livre, et persistant longtemps après lecture, sans nul doute. Le genre d'ouvrage qui me pousse à m'interroger sur mes attentes de lectrice. La réflexion ? oui. Le sensationnel doublé d'une sensation d'impuissance totale ? non. Là on s'en prend plein la face et la réflexion bute comme un rat dans un labyrinthe, on ne voit pas de solution, c'est trop énorme, donc fortement dérangeant...

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Tout, tout de suite

Un roman tout simplement hallucinant sur le côté sombre de la nature humaine, qui est capable du pire. J'ai beaucoup aimé le style de l'auteur qui a pris le parti d'une présentation brute des faits, ce qui ne fait que donner plus de relief au calvaire subi par Ilan Halimi. On reste ébahi par ces personnes qui ne prennent à aucun moment conscience de ce qu'ils sont en train de faire et où chacun se dit sa part de responsabilité est moindre par rapport à son copain. Sauf qu'il s'agit d'un engrenage dont chacun est le maillon jusqu'à la tragique conclusion. Au delà de la présentation d'un fait divers sordide, ce roman nous renvoie à une réflexion approfondie sur la violence et les dérives du "tout tout de suite" comme le dit si bien l'auteur. Un roman dont on ne sort pas indemne et tout simplement glaçant.
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Tout, tout de suite



Tout, tout de suite est une fiction qui s'inspire de l'histoire du Gang des barbares, une groupe de jeunes gens ayant séquestré et maltraité un jeune homme jusqu'à ce que mort s'en suive (2006).



Ce roman, bien que retraçant l'horreur dont est capable l'homme, met également en exergue la détresse dans laquelle se trouve certains jeunes, les poussant, par manque d'encadrement, à accepter les deals les plus illégaux. L'auteur prend soin de ne pas faire des jeunes des quartiers moins ou complètement défavorisés une généralité. Il romance cette historie qui démontre que les fréquentations jouent un rôle predominant sur des personnalités fragiles. L'administration étatique, de par ces lacunes, peut pousser ces dernières à trouver un réconfort auprès de ceux qu'ils admirent, des personnes dangereusement charismatiques et respectées par une minorité puissante. Dans ce contexte societal intemporel, la bêtise humaine y est parfaitement rapportée. La rancœur, la violence et la haine sont les leitmotiv de ce gang tristement célèbre.



J'ai aimé plonger dans le "pourquoi du comment" de ce fait divers qui aura marqué les esprits. L'auteur reste fidèle à son prologue en présentant un" Conte de faits". Quand bien même, le récit traîne un peu en longueur et la psychologie des bourreaux manque un peu de consistance, sans compter la souffrance des victimes qui n' est pas suffisamment mise en avant à mon goût
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L'appât

Morgan Sportès a été chroniqueur judiciaire pour plusieurs journaux dont Détective. Il a été très sensible à l’affaire du trio infernal qui a défrayé la chronique entre 1984 et 1988, date du procès. De nombreux ouvrages et articles ont été écrits sur cette triste affaire.

L’auteur ajoute sa pierre à ces témoignages en relatant les faits à sa manière d’écrivain. Pour rappel, cette période est également celle des attentats d’Action directe et des meurtres en série commis sur de vieilles dames dite affaire Thierry Paulin.

Valérie a 17 ans au moment des faits, ses comparses ne sont pas plus vieux. Laurent Hattab est un enfant gâté qui vit dans la toute-puissance et l’argent facile. Ses parents se sont enrichis dans le commerce textile rue du Sentier à Paris. Jean-Rémy Sarraud, son bras droit, est un orphelin qui voit Laurent comme un modèle et le suivra jusqu’à réaliser le pire.

Valérie joue de son charme pour se faire offrir des entrées aux restaurants et dans les boîtes à la mode, mais s’esquive toujours au moment fatidique où logiquement elle devrait passer à la casserole.

Quand elle rencontre Laurent et Jean-Rémy, l’escalade dramatique se met en place. Laurent a besoin de toujours plus d’argent et Valérie adore se faire désirer. Le trio va commettre l’irréparable en assassinant deux hommes aguichés par la jeune fille et piégés de manière aussi odieuse que maladroite et sordide. Ils seront très rapidement confondus, puis jugés quelques années après leurs méfaits.

L’intérêt de l’ouvrage réside dans la grande précision avec laquelle Morgan Sportès relate les faits et essaye de nous amener au plus près de la psychologie de ces personnages, mais aussi des victimes et de leurs familles respectives. Il replace intelligemment l’affaire dans son contexte historique et social.

Il décrit avec exactitude une vie parisienne tapie dans la nuit, composée d’établissements souvent louches et de noctambules sans beaucoup de scrupules à la recherche de chair fraîche. Il tacle les hommes de pouvoir, les nouveaux riches, les stars du show-biz.

Valérie et ses acolytes sont éboulis par l’argent facile, et par la puissance de la célébrité. Ces êtres fragiles et influençables sont incapables de prendre le recul nécessaire et d’agir avec intelligence. Ils vivent dans un mirage où la réalité et la fiction s’entremêlent au point qu’ils sont incapables de distinguer l’une de l’autre.

On peut regretter certaines longueurs et être parfois agacé par cette méticulosité millimétrée imposée par la reconstitution des faits. En revanche, les derniers chapitres qui évoquent les jours de procès sont d’une grande finesse et d’une justesse époustouflante. On retrouve d’ailleurs quelques personnages célèbres de l’époque : les avocats Lombard et Szpiner, le Président d’assises Versini. Les éclats du prétoire résonnent avec la précision d’une envolée lyrique à plusieurs voix. Cet ouvrage a été adapté au cinéma par Bertrand Tavernier et fut un succès.



Michelangelo 27/11/2020


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Le ciel ne parle pas

Dans ce nouveau roman de Morgan Sportès, on découvre le Japon du 17éme siécle. Cette société ultra-hiérachisée accueille sur ses terres des marchands venus d'Europe, portugais, hollandais ou anglais, désireux de faire du commerce avec le shogun. Mais au-delà du commerce, ils souhaitent évangéliser et convertir , les habitants de l'île. Sauf que ces évangélisateurs tombent sur un "os" , le shogun , qui craignant que les Européens ne soient là que pour conquérir son pays va mettre en place une politique radicale envers les catholiques posant le pied sur son île. Parmi eux , Ferreira , qui devra prendre la bonne décision, renier sa religion et survivre ou mourir en martyr.



Le première chose a noter concernant ce roman, c'est le travail de recherche monumental accompli par l'auteur. Les connaissances du monde japonais, et de l'époque sont indéniables et on apprend beaucoup de choses. Un tel déploiement de connaissances qui s'accompagne parfois de longueurs alourdissant le récit. Parfois il est même difficile de s'y retrouver tant les personnages foisonnent.



Le personnage principal, à travers ses réflexions, permet d'aborder des thèmes qui trouvent écho dans le monde actuel, conflits religieux, argent, commerce, traitement des immigrés, mais j'ai eu du mal à m'attacher à lui. Trop controversé et volatile à mon goût j'ai eu du mal à lui trouver des points positifs.



Le style d'écriture est bon, fluide et les descriptions réalistes valent le détour , que ce soit pour l'architecture d'une île construites pour les migrants, ou pour les différentes tortures imaginées par les hommes du Shogun pour faire régner la Terreur.



En bref, un bon livre très documenté à réserver aux lecteurs en quête de connaissances sur le 17eme siècle au Japon.
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Tout, tout de suite

Rien de tel que le recul. Dans nos sociétés où tout va si vite, on ne va jamais au fond des choses et puis on oublie. Sportès a enquêté au plus près sur ce terrible faits divers de l'enlèvement et de l'assassinat d'Ilan par "le gang des barbares". Son livre est aussi effrayant qu'édifiant. A lire.
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Rue du Japon, Paris

Abandonné ! Ce n'est pas faute d'avoir essayé mais je n'ai pas du tout accroché.
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Tout, tout de suite

Morgan Sportès nous livre ici une enquête passionnante, une autopsie froide et méthodique de notre société. Pas de pathos ni de jugement, rien que les faits qui se suffisent à eux-même dans leur barbarie, leur brutalité et leur horreur. Horreur au quotidien: on a envie de dire "c'est arrivé près de chez vous" en réalisant que cela peut nous arriver également. Autopsie vient du grec et veut dire "le voir de vos propres yeux". C'est ce que nous propose l'auteur, dans un style sans fioritures et efficace, nous laissant le soin "d'établir la cause de la mort". Cet examen de notre société, sa vacuité et sa folie quotidienne, nous font froid dans le dos.
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Maos

Drôle de roman...


Attirée tout d'abord par le titre, et curieuse de lire les déboires d'un ancien de 68, fils de bonne famille, bonnes études, enfant gâté qui fait son guignol en croyant faire sa révolution...et qui , une fois rangé, très bien marié, boulot dans l'édition, super appartement à Paris, n'en est pas si fier...


J'ai lu ce livre jusqu'au bout, prise par l'intrigue qui reste efficace jusqu'à la fin où là, malheureusement, elle devient grotesque et fort décevante... Cette idée d'un complot américain qui aurait utilisé les groupuscules révolutionnaires pour accélérer la chute du bloc de l'est et la mondialisation ultra libérale m'a laissée dubitative sur l'intérêt réel du propos, quant à l'imbroglio qui veut mêler fiction et réalité ( le thriller qu'il est en train de lire relate exactement ce qu'il est en train de vivre) ne m'a pas plus convaincue..


Mais bon, il est des livres commencés qui ne me plaisent pas et que j'abandonne. J'ai été au bout de celui là, il n'est sans doute pas complètement raté...


J'ai bien aimé,les citations en exergue de chaque chapitres, je vais citer pour mémoire celles qui m'ont le plus accrochées...(j'aime particulièrement ces renvois vers d'autres auteurs que les écrivains nous offrent avec justesse, humour, parcimonie, bonheur...)


http://sylvie-lectures.blogspot.com/2007/03/maos-morgan-sports.html
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Tout, tout de suite

Dans son roman de 1995, l’Appât, Sportès relate les faits commis par une jeune femme qui piège des hommes prétendument fortunés pour les détrousser avec ses complices. Tiré également d’un fait divers à retentissement national, Tout, Tout de suite évoque de façon méthodique le calvaire vécu par Ilan Halimi, jeune vendeur juif enlevé, séquestré et torturé pendant trois longues semaines par Yousouf Fofana, délinquant noir musulman et sa clique de petites frappes que les médias, friands de qualificatifs imagés, ont appelés le Gang des Barbares.

Evidemment, le motif antisémite apparaît de suite et a fort justement défrayé la chronique. Pourtant, l’auteur va reprendre le fil du drame et montrer que cet épisode sordide est aussi un signe du malaise de notre société en perte de valeurs.

Les noms des protagonistes ont été changés et la description des évènements ressemble à un roman, mais un roman inspiré de faits bien réels.

Ceux qu’on appelle les barbares sont principalement des jeunes laissés pour compte, sans grande culture, uniquement attirés par l’argent facile et soumis à la vindicte de l’apparence.

A cet égard, s’en prendre à un juif (ils ont choisi Ilan par hasard), ce devait être la certitude de tomber sur une famille fortunée prête à payer une forte rançon sans difficulté. On voit tout de suite que le motif premier n’est pas purement raciste mais est de nature plus complexe, mêlé de préjugés bien installés et de misère intellectuelle.

Ces jeunes veulent tout, tout de suite, sans prendre gare au sens de leurs actes. Ils mélangent réalité et fiction et leur rapport au réel est donc biaisé et fortement compromis. Ils ignorent la différence qui existe entre le bien et le mal, suivent uniquement leurs pulsions et subissent avec délectation leur paresse naturelle. Cette extrême confusion va les mener lentement mais inexorablement vers la pire des barbaries.

Il faut ajouter que leur chef de pacotille, Yousef (alias Yousouf), navigue à vue, et petit capitaine de pédalo sans envergure mais avec un charisme indéniable, il emmène tout son monde vers l’échec et la déchéance la plus totale.

L’écriture de Sportès est fortement teintée de journalisme. Son souci du détail et de la précision est issu de sa longue carrière de journaliste en faits divers, chez Détective en particulier.

Il nous relate point par point une série d’évènements sans pathos et sans parti-pris. Il livre ainsi une étude sociologique brutale, une forme d’autopsie sans complaisance pour une société malade et gangrénée par les démons les plus sordides qui soient.

Il parvient à dépasser le fait divers pour faire état d’une situation sociale qui s’impose à notre réflexion : Comment peut-on en arriver là ? Où commence la démence ? Comment ces individus sont-ils devenus de tels barbares ignorants et cruels ?

On voit un peu de repentir chez certains, une volonté de se dédouaner pour d’autres. Pourtant, les faits restent les faits et nul ne peut vraiment s’en exonérer.

Cet ouvrage n’est pas d’une lecture facile. Il n’est pas d’un abord forcément agréable, même si l’auteur a pris soin d’éloigner la brutalité de cette réalité en invoquant une œuvre romanesque. Il interroge le lecteur autant que ses personnages. On ne peut que ressentir un malaise, une peur de se retrouver dans la peau d’un voyeur.

Néanmoins, ne doutons pas une seconde qu’il faut en passer par cette exploration méticuleuse de la noirceur de l’âme humaine pour appréhender ce versant dérangeant de l’Humanité.

Cette œuvre a reçu le prix Interallié en 2011…



Michelangelo 18/02/2021


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Tout, tout de suite

Histoire vraie.

Un roman qui n'en est pas un puisque il est écrit sous forme de reportage.

L'auteur décortique la psychologie de chaque personnage, de chaque intervenant dans la séquestration , les tortures et le meurtres d'Elie; et ces intervenants sont des pères de familles mais aussi des adolescents, garçons et filles confondus.

Un travail d'enquête remarquable fait par l'auteur.

Mais ce livre est-il un tableau de notre société, celle vivant dans les quartiers dit " défavorisés"?

Cette lecture fait vraiment froid dans le dos.

Moi qui n'allume jamais la télé et qui ne suis donc pas toujours aux faits de l'actualité, j'avais vaguement entendu parler de ce fait divers appelé par les médias de l'époque

" le gang des barbares"

Que de violence dans ce livre !

J'en sors terriblement perturbée voire choquée par cette lecture car les protagonistes pourraient être nos voisins ou nos collègues.

Et puis comment l'Homme peut il être aussi barbare ? ...
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Le ciel ne parle pas

Parsemé de notes d’humour grinçantes et de petits commentaires sarcastiques mais excellents, Morgan Sportès offre un véritable roman historique à la fois grave et caustique. L’auteur m’a littéralement embarquée dans une époque que je connais peu et qui m’a demandé quelques recherches en amont afin de pouvoir suivre le déroulé de ce récit ô combien éprouvant. Éprouvant pour trois raisons.

La première étant que j’avais dans l’idée que le Japon - pays réputé pour sa beauté sous toutes les formes et son accueil - n’était pas un pays pouvant être violent. Et quel choc de découvrir la barbarie dont ils ont pu faire preuve à l’égard des autres peuples.

Ensuite c'est cette analyse constante qu’il faut savoir mener pour comprendre tout l’intérêt de ce récit historique. En effet, au-delà de l’histoire de Christovao Ferreira, de l’invasion des Portugais au Japon et la persécution dont ont été victimes nombre d’innocents au nom d’une religion jugée intrusive, se dresse peu à peu devant nos yeux le parallèle que l’on peut faire avec notre monde actuel. La folie religieuse chrétienne, où des prêtres disposés à mourir en martyr au nom de Dieu, n’est pas sans rappeler la folie djihadiste. La fermeture des frontières du Japon avec le commerce extérieur nous fait inévitablement penser au Breixit et les jeux de pouvoirs des impérialistes de l’époque ne sont au fond pas si éloignés de ceux menés par nos Etats actuels.

Enfin la troisième raison se veut quant à elle moins objective, Le ciel ne parle pas fut pour moi une lecture fastidieuse. Malgré toute la dimension historique et géopolitique passionnante, l’auteur m’a régulièrement perdue parmi les dates, les noms ou encore les détails. Et en ce sens cela a clairement nui à tout l’intérêt que j’ai pourtant pu trouver dans ce roman.



Un roman, donc, dont je sors mi-figue mi-raisin : instruite certes, mais peu séduite malgré tout.
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Le ciel ne parle pas

Un roman historique très bien documenté qui nous éclaire sur une période sombre de l’histoire : la traque des chrétiens au Japon au XVIIème siècle. Si le sujet vous intéresse, vous pouvez foncer sur ce livre, qui, je le pense, ne vous décevra pas.
Lien : https://comaujapon.wordpress..
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Tout, tout de suite

à l'ère de ceux qui font des alertes à la bombe simplement parce qu'une émission de téléréalité n'a pas retenu sa candidature,



à l'ère de ceux qui n'en ont pas assez, serrés à six ou sept dans un deux-pièces



ou celle de ceux arrivés sur le sol français il y a quelques années encouragés par un gouvernement qui ne sait pas toujours anticiper



à l'ère d'une société télé réalisée sans coupure au montage, une existence sans loge ni retouche maquillage, dans laquelle on croit pouvoir échapper aux mauvaises ondes, à l'abri sous une capuche.



Terre de désespoir déguisé en rêve de manoir, médias à l'affût du moindre écart de star, scarifiée par nos regards « camérisés ».



Tout, tout de suite, hors de question de galérer comme nos parents émigrés, qui se sacrifient se saignent aux quatre veines pour permettre à leurs rejetons d'en avoir un peu, eux, de, veine. Mais pourquoi choisir la voie professionnelle et ferrée, quand avec un peu d'flair on peut dealer en toute tranquillité.



Parents au long trajet, enfant incapable de rester sans bouger sur une chaise 6 heures par jour à écouter la vie théorisée par des profs déjà blasés.



De « beuher » en braquage les liens (financiers) se créent, le respect (peur déguisée) s'installe et c'est finalement une autre société qui apparaît, qui se berce d'illusions, en vend aussi, et l'inflation accroît les besoins, le « bizness », alors quand le deal ne suffit plus on pousse le vice encore plus loin, on mélange convictions personnelles, religieuses, orgueil et préjugés dans ces cités aux noms de poètes.



Le choc est violent quand on découvre que la vie c'est pas comme à la télé, et que les « Feujs » ne sont pas tous « blindés d'thune ». Trop tard pour faire machine arrière, il faut sauver les apparences, calmer les mecs de Boboche et transformer l'intérêt personnel en combat pour le peuple ivoirien. Ça chauffe de tous côtés, les voitures crament, les nations s'enflamment, et pour couvrir les traces de cigarettes écrasées sur la peau d'Elie, Yacef l'arrose de toute sa rage, d'un peu d'éther et brûle ce qui lui reste d'humanité. De lien avec la réalité. Et les caméras prennent le relais.



« Elie, sur les portraits mortuaires qu'a pris de lui l'identité judiciaire, semble avoir trente ans de plus. Rien n'y demeure de ce jeune homme souriant, naïf [...]C'est le visage d'un adulte. Mais pas de n'importe quel adulte : d'un être qui, en quelques jours a pu faire le tour de ce que d'autres mettent une vie à cerner : l'horreur humaine. Les ans ne l'ont pas marqué, mais la bassesse d'autrui. Il a passé trois semaines à l'école du mal. Ses yeux clos nous regardent. Ils nous voient sans doute mieux que grands ouverts. Ils nous radiographient.



C'est froid, comme une cave d'immeuble en plein hiver, métallique, comme le goût du sang, aussi assourdissant que la mort annoncée. Immersion totale dans un drame d'aujourd'hui, sans fanfare ni musique dramatique, sans gros plan ni parti pris.



C'est un assemblage de faits, entrecoupés des témoignages « à venir » des principaux protagonistes, des extraits d'études sociologiques, de textes de rappeurs, de philosophes, le tout relié par l'écriture. Un roman donc. Sur une sale affaire. Réelle. Un conte de faits, comme le dit lui-même l'auteur.



(tapez « le gang des barbares » dans votre moteur de recherche pour vous remémorer l'affaire)
Lien : http://www.listesratures.fr/..
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