Citations de Morgane Caussarieu (85)
Je ne rêvais jamais. Mais cette fois-ci, je vis dans mon sommeil des chevaux écumants et hargneux sous le soleil. Des cavaliers aux yeux enragés qui frappaient et essayaient de faire tomber leurs adversaires ; des corps piétinés, celui d’un petit garçon. Son crâne cabossé, son visage aplati par les sabots. Il aurait pu être mon frère cadet.
Je serai tout pour toi. A présent, je suis ta seule famille. Je serai ton père et je serai ton enfant. Je serai ton esclave et ton maître, ton frère et ton amant…
J’aurais voulu lui dire que les genres et les sexes ne signifiaient plus rien pour moi, qu’il pouvait m’avoir quand il le voulait. Que je n’étais pas un ado superficiel qui s’arrêtait aux apparences, que sous la peau grasse ou le cuir maigre, le sang était le sang. J’aurais aimé l’entraîner dans les toilettes pour hommes, et lui montrer à quel point il pouvait être désirable. Mais les maudites règles m’en empêchaient. J’aurais fait deux heureux, pourtant. Même si l’un des deux serait ressorti dans un sac noir.
Le bonheur est éphémère.
On voulait dire aux poseurs que le punk, c'est pas que pogoter et boire des bières et se défoncer. C'est pas que se vider la bombe de laque sur la tête tous les matins. C'est aussi aller aux manifs, agir, les gars.
Ce foutu soleil n'est même pas encore allé se pieuter...Vous me les broyez sévèrement, vous deux!
Les pubs de jouets à la télé, qui d’habitude m’apaisent, n’étaient d’aucun secours, car ils en passent beaucoup ces derniers temps pour la marque Smoby qui vend des imitations de meuble de cuisine, dînettes et aspirateur à destination des petites filles. Comme si je n’avais pas déjà assez de vraies corvées.
Lorsque Jonathan n’était encore qu’un nourrisson de quelques semaines, il t’est arrivé d’avoir envie de le secouer. Jusqu’à ce que sa tête hydrocéphale craque sur son cou trop faible. Jusqu’à ce qu’enfin il se calme. Pour toujours. Qu’il te laisse souffrir en silence ton grand amour perdu. Jonathan n’arrêtait pas de pleurer, comme s’il partageait ta détresse, Marylou, comme s’il pleurait ce père qu’il ne connaîtrait jamais. Avec toi.
Les vrais durs ne doivent pas montrer leurs émotions, répète-t-il à mon grand frère, et Kévin l'a tellement bien écouté qu'il ne semble plus en avoir aucune.
Et v’là qu’un mec crevait en plein milieu d’un de leurs concerts... On pouvait pas rêver meilleure pub ! Mais J.F. ne pensait pas à ça, il ne pensait qu’à cette fille. Pour la première fois, il gambergeait plus sur une gonzesse que sur le groupe. Qui elle était ? Pourquoi elle avait zigouillé ce mec ? Et pourquoi devant lui ? Au moins, ce connard n’avait pas pu la sauter, c’était déjà ça !
Merde, fallait qu’il parte à sa recherche ! Une fille aussi barge et canon, ça courait pas les rues. Il ne savait pas à quoi elle se défonçait mais ça devait être carrément géant !
Il la voulait. Mais il ne savait pas par où commencer, elle pouvait être n’importe où.
Ses yeux n’étaient plus gonflés d’avoir pleuré, ce qui était bon signe, mais le sourire qui ne quittait pas le coin de ses lèvres, lui, était plutôt inquiétant.
Lui avait toujours l’impression que le feu était vivant, qu’il y avait des lutins qui dansaient à l’intérieur. Tout un petit peuple qui naissait quand on l’allumait et qui mourait avec la dernière braise. Un petit peuple violent et affamé, capable de tout manger sur son passage pour survivre et grandir si on ne l’emprisonnait pas derrière le grillage de la cheminée.
Il était si avide de posséder les cinq sens qu'à présent, il sera gouverné par eux, sans pouvoir les contrôler, sans pouvoir établir d'autres projets que la satisfaction de ses désirs. Mais il ne pourra plus manger. Il ne pourra plus faire l'amour. Juste boire, boire, sans jamais connaître la satiété.
Telle est sa punition.
Normal, je suis irrésistible, et je dis cela sans fanfaronner. La plupart des gens tombent amoureux de moi, c'en est même lassant. Je ne fais pas grand-chose pour, juste, ça arrive.
la quête incessante du sang ayant été mon obsession durant tant de décennies, sans elle, j’étais perdu, déprimé, je ne savais plus comment égayer mes nuits. Je me retrouvais comme une page blanche qu’on vient d’effacer et sur laquelle on ne sait pas quoi écrire de nouveau et d’original.
L’odeur de gingivite m’emplit les narines. Le nouveau. Il m’avait suivie.
« Si j’étais toi, je retournerais en cours, Barbie. »
Je rétorquai du tac au tac en effectuant une torsion du poignet pour qu’il me lâche :
« Et si j’étais toi, je m’achèterai une brosse à dents ! »
Je l’avais scié. C’était bas, mais il l’avait mérité. De quoi se mêlait-il, ce con ?
J’étais si en colère que je mis bien dix secondes à réaliser qu’il m’avait appelée Barbie, et qu’il n’avait aucun moyen de connaître le surnom qu’Abe et mon père me donnaient.
– C’est l’endroit que j’ai toujours cherché pour m’éclater avant l’Apocalypse. Comme si chaque jour était le dernier. Les continents et les animaux brûleront, les pays entreront en guerre, mais Berlin continuera à danser et la techno à résonner par-dessus les cris et le sang.
A Berlin, on privilégie la futilité, on bannit la gravité, les problèmes, et si on se prend au sérieux, on aime rire de tout. Pas de place pour la véritable dépression, l'autodestruction doit être gérée avec légèreté. Et surtout ne pas rejaillir sur l'entourage, perturber sa béatitude et s'opposer à l'hédonisme ambiant.
« Même si ça se passe pas cool, un rapport sexuel, ça dure combien de temps ? Trente minutes à tout casser, une heure ou deux si le mec est en forme… Et tous les combien ? Tous les deux, trois jours, si je m’en sors bien… En vrai, ce n’est pas la mort. Je peux endurer. Plutôt ça que d’être seule. Seule avec mes monstres en latex. Elles n’ont pas trop de conversation. »p.46
Une fois que mes dents sont plantées et reliées au cœur, je perds le contrôle. Je ne suis plus la personne que vous voyez là, mais cette bête au désir irrépressible dont la terrible soif ne s’apaise qu’à la fin des pulsations.
Vous n’avez vécu que quinze ans en tant qu’humain : quel poids dans la balance face à une éternité au goût de fer ?