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Citations de Muriel Salmona (103)


L'absence d'émotion apparente d'une victime dissociée désoriente toutes les personnes qui sont en contact avec elle. En conséquence, le processus d'empathie automatique n'est pas activé par les neurones miroirs de ses interlocuteurs, qui seront d'autant plus rares à se mobiliser pour la personne et à la protéger, alors qu'elle est gravement traumatisée et en danger.
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Les conséquences sur la vie personnelle sont très lourdes. Quand les violences ont un impact psychotraumatique, elles opèrent une rupture dans le cours de la vie des personnes, rien n'est plus comme avant, leur vision du monde, la confiance qu'elles avaient en elles, en ce qu'elles étaient, en ce qu'elles pensaient, en ce qu'elles croyaient, en leur intelligence, en leur force de caractère, en leur capacité à aimer, à réaliser des projets, la confiance qu'elles avaient dans la vie, dans le monde, dans les gens, dans leur entourage, dans ce que leur réserverait l'avenir, tout est balayé. Les victimes ne se reconnaissent plus, elles ne sont plus les mêmes à leurs yeux et très souvent aux yeux de leur entourage, un moteur vital intérieur s'est arrêté, et même si elles se battent comme c'est le cas pour toutes, même si elles développent des trésors d'énergie, d'ingéniosité, de créativité pour avancer courageusement coûte que coûte, même si elles arrivent à s'en sortir, parfois remarquablement bien de l'avis de tout le monde, avec des réussites personnelles, professionnelles, artistiques exemplaires, quelque chose de profond ne fonctionne pas et donne à toutes ces réussites un goût profondément amer, un goût d'étrangeté, d'irréalité, d'inauthenticité, d'imposture même, devant des succès et des hommages pourtant ô combien mérités !
Que leur vie soit pour elles un échec total ou au contraire une réussite apparente, ce n'est de toute façon pas vraiment leur vie, ce n'est pas la vie qu'elles auraient voulu avoir, ce n'est pas la vie à laquelle elles se destinaient, ce n'est pas la vie qu'elles méritaient, CE N'EST PAS LEUR VIE. C'est la vie de l'étrangère à elle-même qu'elles sont devenues, une vie de SURVIE, construite de bric et de broc, avec souvent l'énergie du désespoir, sur un terrain tellement miné qu'elle se retrouve, cette vie, constituée d'innombrables morceaux posés là, sans sensation d'unité, en vrac. Une vie tellement morcelée, qu'une grande partie de l'énergie vitale disponible est occupée à en donner un semblant de cohésion d'une grande fragilité, le reste étant occupée à maîtriser et à contrôler un sentiment d'insécurité permanent. Une vie faite d'automatismes, « parce qu'il faut bien vivre », suivre les autres, faire comme les autres, en les observant faire, en les jalousant d'y arriver, eux. Une vie où il faut essayer d'avoir l'air de tout faire sans problème, sans effort, alors que tout est si difficile, si compliqué, si épuisant ! Une vie, qui ne ressemble qu'à une mise en scène absurde où l'on joue un personnage factice, la personne réelle qu'on était ayant disparu lors du traumatisme. Une vie où tout est incompréhensible, et d'une absence de sens totale si ce n'est celui de souffrir et de souffrir encore et encore. Une vie où peut régner le vide absolu, une vie de solitude, une vie sans espoir.
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Muriel Salmona
La position éthique de respect de l'intégrité de son prochain, la capacité de s'indigner et d'entrer en empathie avec lui, l'absence de recours à une position dominante, la recherche de la vérité, le développement d'une pensée centrée sur la cohérence et l'universalité des droits, tels sont les facteurs fondamentaux permettant de ne jamais être en position d'agresseur, et une majorité opteront pour cette position.
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Les conséquences des troubles psychotraumatiques sur les études et la vie professionnelle sont souvent redoutables, particulièrement quand les violences commencent dès le plus jeune âge. Ils sont responsables fréquemment d'échecs scolaires à répétition, d'interruptions dans les études, d'orientations catastrophiques et d'échecs professionnels. La mémoire traumatique et ses conséquences entraînent de tels troubles cognitifs (troubles de l'attention, de la concentration, de la mémoire, de la latéralisation) que tout travail intellectuel ou tout apprentissage demandant de la concentration et une bonne capacité de mémorisation devient difficile, nécessitant pour la victime beaucoup plus d'effort que pour toute autre personne n'ayant pas subi de violences. Ces difficultés n'ont rien à voir avec les capacités réelles de la victime, qui sont habituellement normales, voire très bonnes, mais elles entraînent de nombreux échecs.
Les conduites d'évitement rendent impraticables de nombreuses activités, et être très préjudiciable, empêchant de passer des examens, de parler en public, de passer des entretiens. Dans ces cas, chaque situation de stress comporte un risque d'allumer une mémoire traumatique, et de déclencher une sidération psychique et un état d'angoisse accompagné de palpitations, de tremblements, de sueurs, de gorge sèche et serrée, d'hyperventilation avec des sensations d'étouffement, de fourmillement des extrémités et de lipothymies, de douleurs coliques avec diarrhées. Répondre à des questions, donner son avis peut être ressenti comme un grand danger quand les victimes ont connu des situations de violences « éducatives » où toute réponse erronée entraînait des violences verbales ou physiques, ou bien quand elles ont vécu dans un climat d'emprise et de dénigrement où tout ce qu'elles pouvaient dire était discrédité ou était l'objet de remarques humiliantes : elles se retrouvent alors bloquées, dans l'incapacité de parler.
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On observe une forme de contradiction dans la conception même de l'accueil de ces jeunes, lequel oscille entre protection et insécurité dans la mesure où, en tant que mineurs, les MNA [Mineurs Non Accompagnés] sont protégés au titre de la protection de l'enfance, mais qu'ils restent exposés lorsqu'ils deviennent majeurs [...] à la menace d'une reconduite aux frontières. Le paradoxe entre protection et insécurité exerce à ce titre une pression maximale chez les MNA en les poussant à démontrer, de façon exemplaire, leur volonté de s'intégrer en réponse à l'injonction sociale qui leur est faite. Le coût psychique de cette quête de légitimité sociale se solde par une internalisation de leur détresse dans dans la mesure où le symptôme viendrait contredire leurs efforts d’adaptation.
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Lorsque l'on parle de traumatisme psychique, un modèle s'impose : celui d'un équilibre rompu par une surcharge de violence que l'on ne peut supporter. Or, celui-ci ne suffit pas. Le traumatique peut également se produire lorsque le sujet se trouve comme "jeté en dehors du monde". Il n'est pas ici victime d'une agression, mais d'une inattention totale qui l'exclut de la part des uns et des autres.
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En ce début de XXIe siècle, la plupart des victimes traumatisées restent donc scandaleusement seules, abandonnées, à crier dans le désert leur détresse et leur besoin de justice. Personne ou presque ne les entend, ne les secourt ni ne les comprend, malgré tous les progrès faits par les pouvoirs publics ces vingt dernières années dans l'identification, la détection et la lutte contre certaines violences, progrès en grande partie obtenus grâce aux combats des associations féministes et des associations d'aide aux victimes.
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Muriel Salmona
Le mécanisme à l’origine des amnésie traumatiques est neuro-pathologique, non conscient lié au stress extrême déclenché par le traumatisme et ses réactivations. Ce mécanisme neuro-pathologique de sauvegarde est considéré par la grande majorité des spécialistes comme étant dissociatif, il est de mieux en mieux documenté.
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Et si malgré tout les victimes portent plainte, ce n'est certainement pas par désir de vengeance et pour que les violeurs croupissent toute leur vie en prison, c'est avant tout pour protéger d'autres victimes et éviter d'autres viols.
En vingt ans d'expérience de suivi thérapeutique de victimes de viol, je peux témoigner que la quasi-totalité de mes patient-e-s ont subi de graves maltraitances policières, judiciaires, médicales, sociales, familiales... Ces violences institutionnelles ont été telles que presque toutes les patientes regrettent d'avoir porté plainte, même si dans l'absolu elles restent convaincues de la nécessité que justice leur soit rendue, mais c'est tellement dur...
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Etre "victime" est une non-place, c'est être en marge justement, dehors, éjecté d'un village ou d'un pays. La thérapie doit aller au-delà du traumatisme, pour que le sujet arrive à donner un sens à l’événement traumatique, qu'il puisse l'inscrire, l'écrire à sa façon.
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Tous les symptômes et les troubles du comportement rencontrés chez les victimes de violences subies dans l'enfance s'expliquent : ils sont des conséquences habituelles et universelles des violences. Ces conséquences psychotraumatiques sont liées à des mécanismes de sauvegarde neurobiologiques exceptionnels, mis en place par le cerveau pour échapper au risque vital que font courir les violences.
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Sans aller jusqu'à devenir artiste, il est déjà très important et très utile pour les personnes ayant été victimes de violences d'écrire leur histoire, de décrire ce qu'elles vivent, ce qu'elles ressentent (témoignage, journal intime), de traduire des émotions par des poèmes, des chansons, de la musique, des dessins ou des peintures. Ces représentations vont les aider à comprendre ce qui s'est passé, à s'analyser, et leur donner de meilleurs outils intellectuels pour moduler leur mémoire traumatique, pour se parler et s'auto-apaiser en cas d'angoisses déclenchées par des réminiscences.
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Dans ce système totalitaire fou, se revendiquer comme victime devient impossible. Soit elle a cherché la violence, elle y a consenti, voire elle en a joui, et dans ce cas elle n'est pas considérée comme une vraie victime, elle ment pour obtenir des bénéfices secondaires – pour se venger, se rendre intéressante, ou soutirer de l'argent. Soit elle a subi la violence et elle est bien reconnue comme une victime, mais cela devient une faute morale et une faiblesse que l'on peut lui reprocher : elle s'est forcément complu, « vautrée » dans cette position de victime (comme j'ai pu le lire dans des commentaires écrits par une psychologue sur une page facebook à propos de victimes de viols) par soumission ou par crédulité, alors qu'elle aurait pu se défendre ou anticiper que cela ne pouvait que mal se terminer. Être une victime est alors un état justifiant l'opprobre. La victime apprend rapidement qu'elle n'a pas le droit de se plaindre et encore moins d'être secourue, ni défendue. Elle est condamnée au silence et à la soumission face à ce système tyrannique, ce qui représente une torture supplémentaire qui lui est infligée dans l'indifférence générale.
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Personne ne se retrouve alcoolique, toxicomane, marginal, prostitué (e) sans raison: comme nous l'avons vu 80% à plus de 90% des personnes qui vivent ses situations ont en effet vécu des violences dans leur passé.
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Nous avons besoin d'être accompagnées, autant de temps qu'il nous est nécessaire, pour réussir à vivre à nouveau et non plus à survivre.
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Le tabou qui frappe les victimes est principalement construit sur la croyance en une fatalité de la violence et en un monde où les hommes n'ont pas tous la même valeur. Selon cette croyance l'être humain serait fondamentalement violent, d'une violence innée, un prédateur pour ses congénères, assoiffé de puissance, de domination, de sexe. La loi du plus fort et la violence seraient donc constitutives de la condition humaine, incontournables.
Mais alors, si tout cela est vrai, comment supporter de vivre dans un monde d'insécurité où la violence règne en maître ? Par un tour de passe-passe, pour arriver malgré tout à croire en un monde vivable, croire en l'Être Humain, en la Bonté, en l'Amour, en la Famille, en la Justice, en l'Avenir ! Ce tour de passe-passe consiste à s'illusionner sur l'existence d'espaces sécurisés, d'espaces entre-soi, « civilisés », indemnes de violences, comme la famille, le couple, les institutions, les espaces communautaires, les milieux éducatifs, le travail, où par une sorte de magie, le « loup » se transformerait en gardien de troupeau, la violence en amour et en soin, et où les « agneaux » seraient en sécurité. Il suffirait donc d'appartenir à un de ces « troupeaux » et de se soumettre à ses gardiens pour ne pas subir de violence, en revanche s'en exclure exposerait à une violence que l'on aurait alors « bien cherchée » puisqu'elle était prévisible (comme se promener seule la nuit, pour une femme).
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Ces violences utilisées pour "calmer" la victime traumatisée "qui pète les plombs" sont malheureusement "efficaces", et vont la faire disjoncter, ce qui aura pour effet de l'anesthésier au prix d'une aggravation de la mémoire traumatique.
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Les situations de stress sont très difficiles à gérer pour presque toutes les victimes traumatisées, car elles déclenchent la mémoire traumatique du stress extrême vécu lors des violences et le font revivre à l'identique, avec une hyper-réaction neuro-végétative très pénible pouvant s'accompagner de crise d'angoisse, d'états de sidération et de pannes psychiques paralysantes. Les victimes se retrouvent alors dans l'incapacité de parler, de répondre ou d'agir, elles perdent tous leurs moyens. Ces réactions au stress sont très handicapantes, d'autant plus qu'elles surviennent lors de situations et d'enjeux importants pour leur vie scolaire et professionnelle, elles surviennent lors de contrôles scolaires, d'interrogations orales, d'examens et de concours, ou d'une prise de parole en public, d'un entretien d'embauche. Ces réactions d'intolérances au stress peuvent aller jusqu'à les empêcher de répondre au téléphone, d'écrire une lettre, un compte rendu ou un mémoire, de faire un travail sous le regard de quelqu'un. Au pire elles peuvent empêcher toute vie professionnelle et sociale.
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La subversion de la psychanalyse, qui s’est opérée avec la révélation de l’inconscient et donc de la remise en question de l’illusion de maîtrise de l’homme sur sa psyché et ses désirs, n’est pas allée jusqu’à la remise en questions des rapports de force sociaux, des inégalités et de la discrimination subie par les femmes
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Être belle et séduisante pour une femme, par un retournement pervers, devient en soi - pour certains hommes - une invitation à un passage à un acte violent "punitif" sexualisé, verbal ou physique.
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