Citations de Mylène Bouchard (55)
Les décalages contraires
C’est vivre à l’envers
Marcher sur les mains
Ne pas arriver du même bord
Conjuguer les départs
Se rejoindre au centre du monde
p.50
L’esprit de l’exil hante toute amitié. Tout lien. J’avais une île, j’allais voir ailleurs. J’avais des amis, j’en voulais encore. J’aimais les rencontres. J’étais poussée dans la nouveauté. Je n’ai jamais eu peur de m’attacher. J’ai un mari, mais je suis loin, j’ai dérivé. Le début de mon exil…
Où sera sa fin ?
La ligne ne peut qu’être mince. Moi, j’ai l’impression d’être constamment assise dessus à tanguer en idéaliste acrobate. Un pied dans l’amour, un pied dans l’amitié. Où tracer la ligne ? Qu’est-ce qui est possible ou impossible ? Correct ou indécent ? Je vais lui faire changer, le titre de son livre, à Hubert. Lui dire que l’amitié est possible quand on s’ouvre et prend des risques. Le possible rend la vie réelle. En théorie, l’amitié est peut-être impossible parce qu’elle n’est dans plusieurs cas qu’illusion, fausse représentation. Elle crée des sœurs de sang, des fratries, puis du jour au lendemain fait apparaître quelqu’un qui te vole ta place, un projet qu’on ne peut refuser, une ligne pointillée à compléter.
Que reste-t-il à faire devant l’égarement ?
Se ressaisir.
Entrer dans le voyage.
Voir d’un œil pragmatique ce qui se tisse.
Rendre les choses possibles. Les choses de l’amour, de l’amitié et de l’existence.
Ca fait des années que je surmonte la nature, que je multiplie la compassion pour ce qu'il traverse. On serait sans doute pas plus forts si tout notre potentiel existentiel s'évanouissait d'un seul coup comme ça lui est arrivé. Je suis rongée de culpabilité. Sans cœur, que je me dis. Je me fouette d'être une pauvre insensible, de ne pas consoler sa peine, de vouloir tourner le dos à son malheur. Mais il m'entraîne avec lui, je coule avec lui. (p302)
Edmond était partout dans mon voyage.
Avoir constamment quelqu'un dans la tête, c'est encombrant. ça obstrue les autres liens, ça gêne les nouvelles rencontres. Je me promettais à lui, je limitais mes transports amoureux. (...)
Je restais une promise à qui on avait fait aucune promesse.
Pigé - "Oui, il devait y avoir un lien entre l'ignorance des choses et la dureté du cœur, entre l'incapacité de nommer et celle d'aimer".
Bien sûr, c'est bien possible. Si l'on peut être à la fois frère et soeur de latitude, si l'on peut s'asseoir côte à côte dans un wagon de métro, nos routes peuvent se croiser sur un trottoir de la rue Monnot.
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Si on avait pu faire une radiographie de son état intérieur on aurait observé la vue aérienne de la naissance d'un ouragan sur l'océan.
Il resplendit
Elle s'étend sur ses cuisses
Jalouse
La circonférence du temps
p.18
Je me presse dans le pré dupe l'élan
J'ai vu percer
Ta voix dans la brume aiguë
Derrière la porte
p.15
Je troquerais mon amitié pour de l’eau potable
La plus grande bouteille
Tu viendrais dans mon développement durable
je nagerais dans ton camp on se manquerait
d’une manière ou d’une autre
p.81
Aimer une absence. Aimer à se faire souffrir pour un homme absent. Savoir que cela nous attire. Ça me rappelle l'enfance.
Je lis le monde et écris entre lui, à partir de lui, ce que j'ai de plus personnel à dire. Écrire c'est s'intéresser à l'expérience de l'Autre. C'est l'empathie qui me permet d'écrire. Quand j'écris, je réussis à nommer.
Ma lecture du monde se résume en quatre verbes : lire, dire, écrire, nommer. (...). On rencontre quelqu'un qu'on lit, avec qui on tente de dire les choses importantes, de raconter sa propre histoire, on s'ajoute alors et on bifurque pour écrire la même histoire, un temps, et par l'amour qui s'écrit, on nomme l'amour, on le crie sur les toits, on le fait rayonner dans le monde entier. (p308-309)
C'est l'ampleur de la perte qui a fait la différence. J'étais découragée de perdre tous les regards complices, les embrassades à l'insu des enfants, les projets du futur. En échange de l'imparfaite amitié, m'était offerte une solitude dont nul ne veut, valorisée par personne. Ne résiderai-il pas là, le nouveau modèle de la vie moderne ? Pourquoi refusons-nous la solitude en bloc ? (p364)
Pour l'instant, j'ai trouvé plus acceptable : si aimer, c'est choisir, alors choisir, ce n'est pas renoncer. Ce ne peut être cela. Parce qu'on serait alors coupés de tout, du monde, du désir. On ne serait plus libres. Et accepter ça c'est inconcevable dans ma tête, ça bloque, ça ne passe pas. Et je me bats, je retourne les choses dans ma tête. Moi, je pense que "choisir, c'est résister". La résistance appelle à garder la tête froide, à raisonner, à peser les pour et les contre de chaque situation, à être maître de soi, à être fort.(...)J'ai choisi, je ne renonce pas. (p349)
On ne sait pas grand-chose à seize ans, sinon que l’amour, ça se donne, ça ne se quémande pas.
J’ai reconnu l’importance de l’amour. De l’amour brut d’abord, dans ma propre famille. Du respect et de la tolérance que cela demande. Puis, j’ai rencontré l’amour intime. Dans ma jeunesse, je n’ai pas su me rationner. J’ai connu plusieurs hommes, en même temps, avant de prendre du recul, un jour.
L’amitié ne se conjugue pas si aisément avec l’idéalisme qui me fait décoller de terre, me pousse à imaginer des moments entiers et forts, silencieux et sincères.
Les amours impossibles existent pour enseigner l'amour. Pour bien aimer, il faut parfois apprendre comment ne pas aimer.
Ils proféraient l'idée que vivre sans jamais goûter à l'extraordinaire quintessence, ce n'était pas réellement vivre. C'était regarder la vie s'émietter, se dissoudre, pourrir sous les yeux.
Je n'avais pas d'argent
Seulement des jours en coquilles
Je cachais bien
Ce que je renfermais
p.19