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Citation de Cielvariable


Sophie menait une vie qu’elle voulait exemplaire. Elle hébergeait parfois sa mère, une baby-boomer à la santé fragile, veillait à maintenir une bonne relation avec son frère, en plus de s’occuper d’Anouk et de Roxane dont l’adolescence ne se déroulait pas sans heurts. Elle était fière de pouvoir dire qu’elle vivait toujours avec Luc Dumont, le père de ses enfants, un homme de son âge pour qui elle cuisinait et entretenait une maison achetée conjointement. Comme presque toutes les femmes de sa génération, Sophie occupait un emploi à temps plein. Elle enseignait d’ailleurs depuis assez longtemps pour que son salaire ait dépassé celui de Luc quelques années plus tôt. Cet événement, qui aurait dû améliorer leur qualité de vie, avait dans les faits contribué à la détérioration de leur relation de couple. Mais à cela, Sophie ne pensait jamais, pas plus qu’elle ne songeait à remettre en question les rôles qui lui avaient été attribués.
Quelques jours après ce qui était désormais connu comme « l’accident de la terrasse », Sophie posa le premier geste de rébellion de sa vie. Elle acheta ce qui constituait pendant son adolescence le vêtement fétiche de ceux qui contestaient l’ordre social : une veste en jean. Plus qu’un désir refoulé, il s’agissait d’une limite qu’elle n’avait jamais osé franchir. La réalisation de ce fantasme traduisait un état d’esprit dont elle pressentait l’importance sans en comprendre encore la signification. Le jean n’était pas permis au travail, et Sophie savait que Luc n’admettrait pas qu’elle sorte avec lui dans une tenue trop sport à son goût. Sans compter que Roxane et Anouk saisiraient l’occasion de se payer sa tête, elles qui méprisaient les vieilles qui s’habillaient en jeunes. Mais ces considérations pesèrent bien peu dans la balance quand Sophie sortit sa carte de crédit. Si elle devait mourir le lendemain écrasée sous un bloc de béton, elle voulait avoir au moins une fois dans sa vie agi à sa guise.
De l’avis de ses proches, l’achat de la veste en jean constitua un geste puéril, voire ridicule. Chacun leva les yeux au ciel, mais personne ne prit vraiment l’événement au sérieux.
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