Je fais l’amère expérience que nos enfants ne sont pas dupes de nos impostures et que la vérité, aussi
douloureuse soit-elle, est préférable à l’illusion du bonheur.
Des larmes silencieuses roulèrent sur ses joues tandis qu’il pressait le corps inerte de son frère contre lui. La douleur. La culpabilité. L’impuissance. Tout se mêlait en lui. Il n’avait pas su protéger son cadet. Il avait failli à la promesse qu’il avait faite à leur mère sur son lit de mort près de vingt ans plus tôt. Qu’avait-il raté ? Comment aurait-il pu aider Clément à combattre son mal-être ? Qu’aurait-il dû faire pour l’empêcher de plonger dans la drogue et, par la suite, l’en détourner et lui donner envie de jouir de la vie sans ce paradis artificiel ? Il l’ignorait mais ne pouvait s’empêcher de se flageller intérieurement de ne pas avoir su trouver les mots pour délivrer son frère de sa désespérance.
Nicolas resta un long moment à bercer inutilement son frère avant de sortir de son état léthargique et de se préoccuper de Clara.
"Il s’approche de moi et me tend une main cordiale.
— Bonsoir. François Develay.
Sa voix est chaleureuse et je reste là, les bras ballants, incapable du moindre geste, la gorge nouée par l’émotion. La situation devient gênante pour tout le monde, j’en suis consciente, mais mon bras refuse de se soulever vers la main tendue et aucun mot aimable ne parvient à franchir mes lèvres.
François Develay reste perplexe, dérouté par mon attitude qu’il ne comprend pas. Comment le pourrait-il d’ailleurs ? Il ne m’a pas reconnue. Aussi doit-il se demander pourquoi une inconnue qui va passer la nuit chez lui avec ses enfants ne se montre pas plus affable et reconnaissante envers leur hôte.
Après ce qui me semble un effort surhumain, je lève le bras vers lui et glisse ma main dans la sienne. Moi qui ai toujours cru qu’en le revoyant, je lui déballerais tout ce que j’ai sur le cœur depuis près de trente ans, je me sens paralysée. "
Émilie pleurait encore sur son amour perdu. La blessure était toujours à vif. On a beau vouloir se raisonner, il y a des pages qu'on a du mal à tourner.
La vie étant ainsi faite, les instants de plaisir des uns s’entremêlent aux drames des autres en toute innocence.