Le Salon dans tes oreilles - S1E69 - Prix TD de littérature jeunesse et Prix Harry Black de l'album jeunesse
Assistez à la remise du Prix TD de littérature canadienne pour l'enfance et la jeunesse et du Prix Harry Black de l'album jeunesse, présentée par le Centre du livre jeunesse canadien et Communication-Jeunesse. Découvrez, à travers des entrevues avec les créatrices et créateurs de talent, dix livres d'une exceptionnelle qualité qui apportent une contribution précieuse à la littérature jeunesse canadienne.
Avec:
Annie Gravel, Auteurrice
Geneviève Després, Auteurrice
Jacques Goldstyn, Auteurrice
Kim Thúy, Auteurrice
Marie-Andrée Arsenault, Auteurrice
Nadine Poirier, Auteurrice
Stéphanie Deslauriers, Auteurrice
Enzo, Auteurrice
Webster, Auteurrice
Amélie Dumoulin, Auteurrice
Todd Stewart, Auteurrice
Rogé, Auteurrice
Valmo, Auteurrice
Dominique Leroux, Auteurrice
Orbie, Auteurrice
Livres:
Mon ami Pierrot
Des couleurs sur la GraveLa case 144
Le grain de sable.
Les étoilesPipo
Quand le vent souffle
La corde à linge
Laurent, c'est moi!
Le poisson et l'oiseau
Le Salon dans tes oreilles est un balado issu des entrevues, tables rondes, et cabarets enregistrés dans le cadre du Salon du livre de Montréal 2020. Écoutez des auteurs, autrices et personnalités parler de livre, de lecture et d'écriture et échanger autour des cinq thématiques suivantes: le Féminisme, la Pluralité des voix, 2020, et après?, Récit et inspiration et Famille et enfance. Bonne écoute!
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Lentement, elle s’était rapprochée de moi et avait appuyé ses lèvres humides contre les miennes. Ce moment restera gravé dans mon esprit pour la vie. Peu importe l’endroit où je me trouve, je peux sentir ses lèvres chaudes et douces contre les miennes, humer son parfum, sentir le souffle de sa respiration sur ma joue. Ces souvenirs sont mes tatouages permanents. Jamais je ne pourrai les effacer.
La peur du vide me guette.J’ai besoin de me détendre, de penser à autre chose
qu’à l’école ou à mes bibittes intérieures. Urgent besoin de quelque chose pour engourdir mon esprit tourmenté.J’enfonce mes écouteurs dans mes oreilles. Je mets la musique au maximum. J’abrutis mes pensées.
De toute façon, mon existence est si laide en surface. Inutile d’émerger.Ma vie n’est qu’une suite d’échecs et j’en suis le seul responsable. J'arrive au bout de mon chemin. Après, il n’y a plus rien. Même pas une route secondaire, une rue, une ruelle. Rien que moi, sur des pieds qui ne savent plus avancer.
Il n’y a qu’une poignée de gens qui savent à l’avance le métier qui les intéressera plus tard. Dans mon cas, de toute façon, les choix diminuent au fur et à mesure que mes notes s’inscrivent à mon bulletin. J’aimerais être studieux, réussir mes examens comme les autres. J’aimerais. C’est du conditionnel. J’ai au moins retenu ça de mon cours de français. Disons donc que j’aimerais étudier seulement ce qui m’intéresse.
En montant dans l’autocar, j’ai le cœur qui cogne démesurément. Ce n’est pas dû au fait que je n’ai jamais voyagé seul de ma vie. J’ai un sentiment de non-retour. À partir de maintenant, je quitte le rôle de spectateur. Je me donne le premier rôle bien au centre de la scène ! Au centre de ma vie…

Zoé, ma petite sœur, avait sept ans, et moi, huit ans, lorsque les employés de la protection de la jeunesse sont venus nous chercher. Même si j’ai tout essayé pour défendre maman, en jurant que le coup de couteau était un accident, rien de ce que j’ai dit n’a fait de différence. – Ma mère a trébuché derrière moi avec le couteau. – Je me suis fait cette blessure en tombant de mon lit. J’avais une explication pour chacune de mes ecchymoses, chacune de mes cicatrices, même si certaines remontaient à si longtemps que je ne me souvenais pas de comment je les avais eues. Zoé n’avait rien, elle, parce que je la protégeais. Je me rappelle m’être placé entre elle et maman pour prendre les coups. Malgré mes objections, les médecins étaient catégoriques : nous souffrions aussi de malnutrition. Et puis, il y avait le dossier de notre école. Madame Marie-Christine et madame Janice, nos professeures, avaient l’œil pour ces choses-là. À cette époque, je ne pouvais pas concevoir que ma mère nous ait laissés partir. C’était plus facile pour moi de penser que nous avions été enlevés, plutôt que de comprendre que nous avions été « placés » dans une autre famille. Le jour de notre « enlèvement », Zoé n’a pas pleuré. Elle allait habiter dans une vraie maison. Comme ses poupées, pour qui elle inventait la vie de château. La réalité était trop difficile pour ma sœur. De mon côté, ç’a été le commencement d’un long refus, la naissance d’une colère indescriptible. Ma mère n’a rien fait pour les en empêcher. Comme si nous n’avions pas plus de valeur à ses yeux que les bouteilles vides qui traînaient sur le balcon.
Chaque seconde qui passe me donne de l’air vital. Tirer moi-même les ficelles de mon destin me donne le goût prononcé de vivre ma vie à cent à l’heure. Comme si j’étais branché sur une centrale d’énergie.
Avant d'aller au lit, le jardinier cueillait un livre qu'il se hâtait de découvrir. Faire la connaissance de nouveaux personnages le réjouissait et lui permettait de se sentir moins seul. Il adorait trembler de peur, se tordre de rire et s'émouvoir.
J’ai l’impression d’être un fantôme dans la maison. Les amoureux se font des mamours comme des ados, beaucoup trop heureux de vivre enfin ensemble. Leur idylle me pèse. Je me sens inutile et de trop. Comme la cinquième roue du carrosse. Et je m’ennuie de mes amies ! Dans mon quartier, je n’ai personne avec qui discuter. C’est plate à mort ! Je consacre mon temps libre à des appels vidéo à Maya et Chloé.
La seule bonne nouvelle des derniers jours : mon père m’a aidée à trouver un travail d’été à La Roulotte à patates. L’endroit n’a rien de glamour, mais ça m’occupera ! Quinze ans, c’est jeune pour dénicher un emploi, mais mon père a convaincu la propriétaire que j’étais quelqu’un de fiable. Mon nouveau parfum ? Fragrance de patates frites. Mes nouveaux passe-temps ? Frire, griller, sourire et récurer !
C’est normal de se questionner sur son avenir. Mais vient un temps où il faut passer à l’action. Quitter l’école, c’est ta décision et je ne vais pas tenter de te faire changer d’idée. Si tu as l’âge de conduire une voiture, de voter, j’imagine que tu as aussi l’âge de choisir ta propre route.