Kim Ji-young, Born 1982 Trailer (Eng. Subs)
Ils disent qu'ils ne savent pas. Qu'ils débutent dans le métier, qu'ils exécutent les tâches que leur ordonnent de faire leurs supérieurs, qu'ils ne font que rédiger des rapports avec les données recueillies, qu'il ne leur appartient pas d'établir des diagnostics et encore moins d'en tirer quelque décision que ce soit. Tous, ils répètent la même rengaine, comme s'ils l'avaient apprise par cœur. Ils ne lâchent pas non plus le nom de leurs supérieurs. Mamie Fleur n'a d'autre choix que de se plier à leurs procédures.
La somme ridicule qu'elles gagnaient en s'épuisant nuit et jour, le visage jauni par le sommeil qu'elles combattaient à coups de pilules, allait pour l'essentiel servir à payer les études du grand ou du petit frère. Dans ce temps-là, tout le monde pensait que le fils ferait la réussite et le bonheur de la famille, qu'il allait l'élever dans l'échelle sociale. Ainsi les filles se chargeaient-elles volontiers du soin de leurs frères. (p. 39)
C’était l’époque où le gouvernement mettait en œuvre toute une série de mesures pour contrôler les naissances, au nom du planning familial. Dix ans plus tôt, l’IVG pour raison médicale avait été rendue légale. Comme si avoir une fille constituait une raison médicale, l’avortement des fœtus filles était pratiqué de façon massive. Cette tendance allait persister durant toutes les années quatre-vingt, jusqu’au début des années quatre-vingt-dix où la population atteignit le point culminant du déséquilibre des naissances garçon/filles.
Pourtant, à chaque étape décisive de la vie, l'étiquette -femme- revenait pour brouiller la vision, retenir la main tendue, faire marche arrière. C'était tout à fait déroutant.
(p. 82)
Sa mère regrettait sa vie manquée et regrettait d’être devenue la maman de Kim Jiyoung – une pierre, ferme et lourde, quoique petite, qui pèse contre un pan de sa longue jupe. Kim Jiyoung avait d’un coup l’impression d’être cette pierre et ça la rendait triste. La mère, percevant sa peine, de ses doigts, tendrement, a remis de l’ordre dans les cheveux de sa fille.
- tu ne peux pas arrêter 5 minutes avec cette histoire que tu m'aideras ? Que tu m'aideras pour le ménage, que tu m'aideras pour le bébé, et maintenant quoi ? Pour mon avenir professionnel ? Cette maison qu'il faut nettoyer, n'est-ce pas aussi la tienne ? Le bébé, n'est-ce pas aussi le tien ? Et puis quoi, l'argent que je gagne, je le dépense pour moi sans doute ? C'est quoi cette manie de parler tout le temps comme ça, comme si tu me rendais d'inestimables services tout le temps ?
« Sa mère tenta de la dissuader . Elle avait connu cette expérience , sacrifier son rêve pour sa famille et ses frères , mieux que personne elle savait ce qui attendait sa fille. Cela faisait des années que sa mère ne fréquentait plus guère ses frères . Son sacrifice , qui n’était pas de sa propre volonté, qui avait été brutal, avait généré regrets et rancunes.
Une amertume en était née qui avait fini par dénouer les liens familiaux » ....
Est-ce que les lois ou les institutions changeraient les idées ? Ou à l'inverse, était-ce la pensée qui réformait les lois et les institutions ?
J'ai remarqué ça il y a longtemps déjà, chaque fois que nous avons de nouveaux employés, les filles les plus jeunes prennent en charge toutes les tâches ingrates sans même qu'il soit besoin de les solliciter. Les garçons ne font pas cela. Un garçon même s'il est le benjamin de notre société, même s'il est le dernier à avoir intégré l'équipe, il ne lui viendra pas à l'esprit de prendre en main spontanément ces choses. Comment les filles sont-elles devenues ainsi, cette part de l'humanité qui se charge de tous ces trucs sans qu'on ait besoin de leur expliquer quoi que ce soit ?
C'était l'époque où le gouvernement mettait en oeuvre toute une série de mesures pour contrôler les naissances, au nom du planning familial. Dix ans plus tôt, l'IVG pour raison médicale avait été rendue légale. Comme si "avoir une fille" constituait une raison médicale, l'avortement des foetus filles était pratiqué de façon massive. Cette tendance allait persister durant toutes les années quatre-vingt, jusqu'au début des années quatre-vingt-dix où la population atteignit le point culminant du déséquilibre des naissances garçon /filles.