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Critiques de Nastassja Martin (152)
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Croire aux fauves

Nasstaja Martin est une anthropoloque spécialisée dans les peuples arctiques, détentrice d'une thèse sur les Gwich'in d'Alaska et du Yukon. Ici, direction la péninsule du Kamtchatka dans l'extrême-orient sibérien chez les Evènes, plus particulièrement dans un clan ayant fait le choix de vivre en forêt profonde au plus près de la nature pour retisser un dialogue avec les être non humains qui parcourent leur territoire.



Le sujet en soi est passionnant mais là il devient captivant, c'est par le je de l'auteure qui raconte sa transformation après avoir survécu à une attaque d'ours qui lui a déchiqueté le visage. Mais là, où n'importe qui n'aurait lu dans cet événement qu'une simple attaque, terrible mais une attaque, Nasstaja Martin propose une autre lecture, celle d'une confrontation.



Un des évènes dont elle proche lui explique que si elle a été attaqué, c'est parce que son regard a croisé celui de l'ours, et que lorsque ce dernier y a vu un fonds commun, un miroir de son âme. Nasstaja Martin explique d'ailleurs comment, avant la rencontre avec l'ours, elle était déjà surnommée « matukha », l'ourse, comment ses rêves préfiguraient le moment, peuplés d'ours.



Cette vision des choses est forcément troublante et déstabilisante pour un occidental non initié à l'animisme. Il faut l'accepter pour apprécier ce récit très singulier, très éloigné du naturalisme qui voit en l'animal une altérité. Nasstaja dit être devenue une « miedka », «  celle qui vit entre les mondes » un être qui est passé sans retour au-delà des frontières de la normalité humaine, portant une part d'ours en elle, comme l'ours en porte une d'elle en lui.



Bien sûr, le récit narre aussi du très factuel comme le marathon médical de la reconstruction faciale, mais c'est avant tout une plongée dans la pensée vive et habité d'une femme incroyable de force et de caractère, quasi un manifeste en quête de guérison ontologique. Cela fuse tellement que c'en est un tourbillon, parfois complexe à suivre, mais cela ne m'a pas gênée, sans doute parce que ce voyage intérieur tout en mouvement est conté avec une écriture toute aussi intense que le propos. Nasstaja Martin est une écrivaine, c'est une évidence.



Un récit captivant et iconoclaste, secoué d'émotions fortes, qui pousse indéniablement à une réflexion profonde sur nos valeurs occidentales et notre rapport à la nature. Suffisamment puissant pour chambouler nos certitudes.





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Croire aux fauves

En 2015, lors d’une mission anthropologique chez les rares nomades Evènes subsistant encore des rennes au Kamtchatka, l’auteur partie seule en forêt est attaquée par un ours : le fauve lui emporte la moitié du visage avant de s’enfuir, lui laissant miraculeusement la vie sauve. S’ensuivra pour la jeune femme une longue et douloureuse reconstruction physique, mais aussi une vaste introspection sur les raisons et l’impact de cette fulgurante collision entre l’humain et l’animal.





L’on reste d’abord sans voix devant l’inimaginable et terrible mésaventure de cette femme : une épreuve atroce, à l’issue improbable, suivie d’un parcours médical à faire froid dans le dos, à la merci de la brutalité d’un petit hôpital russe d’un autre âge, mais aussi, très ironiquement, des failles des plus grands établissements de santé français. L’on devine ensuite la tornade qui a dû s’emparer du psychisme de cette survivante, l’énorme travail sur soi pour parvenir à passer le cap, concrétisé par ce livre posé, réfléchi, plein de la maturité et de la sagesse de qui a déjà vécu cent vies.





C’est avec toute son expérience d’anthropologue, son ouverture d’esprit et sa conscience de la complexité des êtres que l’auteur envisage l’enchaînement de faits qui l’ont menée à ce face-à-face avec un fauve. Sans jamais trancher, elle ouvre une à une des hypothèses issues de différentes cultures, explorant aussi bien la psychanalyse, le chamanisme ou l’animisme. Cela l’amène avant tout à mieux se connaître, à comprendre ce que cet ours lui a pris et lui a donné en échange. Cela finit par nous faire réfléchir à notre avenir d’humains sur une planète au bord de la ruine, où l’anthropologue met en lumière ce que nous sommes en train de perdre : les mythes anciens, l’harmonie avec la nature et l’équilibre entre les espèces vivantes, les espaces de liberté et de vie sauvage…





Cette méditation, au texte parfois exigeant et toujours lucide, se lit avec d’autant plus d’intérêt qu’elle accompagne le récit sincère et sans complaisance d’une authentique expérience de terrain, où transparaissent l’estime et l’amitié d’hommes et de femmes au mode de vie en voie de disparition, et en l’avenir desquels, pourtant, l’on aimerait bien pouvoir croire encore.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Croire aux fauves

"Avec Croire aux fauves, Nastassja Martin renoue le lien que l'anthropologie entretient avec la littérature. En effet, c'est bien d'un texte littéraire qu'il s'agit là. À l'image de la cosmologie animiste qu'étudie l'auteure depuis des années, il vient nous parler d'intériorité, d'âme partagée avec tous les êtres. Il unie le poétique et le rationnel, l'extérieur et l'intime. Car qu'y a-t-il de plus intime que de se retrouver dans la gueule de l'ours ? Sentir son haleine pestilentielle, vivre le noir qui y règne, les crocs de l'animal qui défoncent la mâchoire, dents contre dents. Être mangée par un ours. Croquée par un ours. Et en sortir vivante.(...)

Pour Daria, la cheffe de clan évêne qui l'accueille depuis des années à Tvaïan, « l'un des bouts du monde, pour de vrai », dans les montagnes du Kamtchatka aux confins de la Sibérie, Nastassja Martin était déjà, Matukha, ourse ; la chercheuse voyait souvent l'animal la nuit en songe. Lorsque le rêve « rejoint l'incarné », qu'elle rencontre l'ours sur son chemin, qu'ils se fixent dans les yeux, et que celui-ci broie sa tête mais pas tout à fait, lorsqu'elle lui plante un piolet dans le corps, lorsque les deux survivent à cela, « le temps du mythe devient réalité ». Et la jeune femme devient Miedka, « moitié-moitié », celle dont les rêves sont en même temps ceux de l'ours.

Devenir femme-ourse, entrer de plain-pied dans la zone métamorphique lors d'une rencontre qui réactualise un mythe premier, sans perdre de vue le processus, voilà ce que raconte l'écrivaine dans ce texte hors-norme qui nous explique notre époque comme aucun autre. En résonnance, dit-elle. Nastassja Martin fait oeuvre d'anthropologie ; la « rencontre de l'entre-deux mondes » avec l'ours lui donne accès à un espace « entre l'humain et le non-humain » (...)

À la croisée des zones, à son retour de « cet endroit très spécial où il est possible de rencontrer une puissance autre, où l'on prend le risque de s'altérer, d'où il est difficile de revenir » , débordée par ses rêves et occupée à survivre physiquement à la rencontre violente avec un ours, l'anthropologue est devenue elle-même poreuse au monde des non-humains, elle est devenue l'un de « ces êtres qui se sont enfoncés dans les zones sombres et inconnues de l'altérité et qui en sont revenus, métamorphosés, capables de faire face à ce qui vient de manière décalée , ceux qui font à présent avec ce qui leur a été confié sous la mer, sous la terre, dans le ciel, sous le lac, dans le ventre, sous les dents. »

Ce qui se passe après cette implosion des frontières, le séjour de Nastassja Martin dans les hôpitaux russes, ses sentiments, les interventions chirurgicales, les nouvelles opérations en France, le regard porté par notre société sur elle, sur l'ours, sur son histoire, sa détresse, les réactions de son entourage, tout est documenté dans le livre. (...)

En tant que chercheuse, occidentale, et femme-ourse, elle parle depuis cette zone de mouvement qu'elle habite désormais entre les mondes et leurs différentes interprétations.

Cette histoire pourrait être l'un des récits des temps à venir, des temps où nous sommes déjà. À travers elle, Nastassja Martin nous donne la réponse de l'animisme, quand ce qui nous différencie les uns des autres n'est qu'une enveloppe extérieure. Elle nous raconte un moment de création archaïque. (...)

L'union implosive de la femme et de l'ours, ainsi que ce qui en découle, nous dit Nastassja Martin, correspond aux processus mythiques de l'avant spéciation. C'est, dit-elle, l'endroit exact où nous nous trouvons aujourd'hui, avec l'effondrement écosystémique global. Les êtres s'hybrident, des espèces se mélangent entre elles pour en créer de nouvelles ; les animaux et les plantes, tout se recompose à grande vitesse. et « on est à un moment crucial de l'histoire où l'on peut vraiment repenser nos manières de nous relier au vivant, et même repenser le vivant, puisque le vivant est lui-même en train de se repenser. » *

Et c'est bien ce que fait Nastassja Martin, dans ce livre essentiel, ancre, chercheuse, habitante des zones liminaires, elle qui s'est trouvée mélangée à l'ours dans un moment de genèse, elle se repense à travers l'évènement « qui doit être mangé et digéré pour faire sens », et, ce faisant, elle nous repense nous, dans ce vivant qui se métamorphose sous nos yeux."

Kits Hilaire dans Double Marge (Extrait)

* Nastassja Martin dans Par les temps qui courent, France Culture
Lien : https://doublemarge.com/croi..
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Croire aux fauves

Il n’eut pas été compliqué de donner un coup de griffe au roman de Nastassja Martin. « Croire aux fauves », c’est Sylvain Tesson qui tombe sur un ours, s’en sort miraculeusement, tel Di Caprio dans le film « The revenant » puis se fait rafistoler les maxillaires à la Salpêtrière comme Philippe Lançon. Tout ça reste dans la famille Gallimard, et la caravane passe. Pour évoquer les bêtes sauvages, Tesson n’a pas son pareil - son dernier livre en témoigne. Quant au martyr d’une gueule cassée, « Le lambeau » restera une œuvre inégalée. Alors à quoi bon se coltiner un livre qui aborde des sujets traités avec maestria par d’autres auteurs ? Parce ce que la voix de Nastassja Martin est singulière, profonde, inoubliable. Je n’en reviens toujours pas. Ce récit m’a pris à la gorge dès les premières pages et ne m’a plus lâchée. Il y a quelque chose d’hypnotique et de viscéral dans ce livre, aux limites du surnaturel. La science ne parvient pas à expliquer certains mystères. L’ours croque Nastassjya au visage. Elle en ressort vivante mais persuadée que l’animal vit en elle depuis la morsure, qu’il fait corps avec son être (très beaux passages sur l’animisme). Défigurée, Nastassjya s’interroge sur son identité et sur sa place dans le monde. Son seul moyen de s’en sortir, c’est d’accepter la présence douloureuse de l’animal qui, quelque part au Kamtchatka, pense à elle en pansant sa blessure. Car la nature nous observe, elle nous a précédés. J’ai eu la chance de descendre le lac Baïkal, de rencontrer un chaman. Sans doute ce voyage m’a prédisposée à aimer ce livre qui, j’en suis certaine, vous touchera au cœur et à l’âme. Il ne vous reste plus qu’à vous faire une opinion.

Bilan : 🌹🌹

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Croire aux fauves

Un livre qui emporte une large majorité de lecteurs vers des avis positifs auquel je ne parviens à accorder qu'une appréciation moyenne car, pour ma part, je l'ai trouvé non structuré et dépourvu des qualités littéraires que j'attends.



L'histoire dramatique d'une anthropologue attaquée, défigurée par un ours, parvenue à se défendre avec son piolet -- la scène se déroule dans les montagnes du Kamtchatka -- est certes intéressante, son parcours de résurrection douloureuse suscite compassion, son aversion des hôpitaux très compréhensible, mais j'ai trouvé la narration assez pénible, avec quelques lueurs qui s'estompent trop vite à mon goût.



L'identification progressive de la victime à l'ours, les références animistes, ne m'ont vraiment pas convaincu, peut-être trop réalistes, le mystérieux me paraissant trop évoqué comme certitude alors qu'il n'est constitué que de doute.



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Croire aux fauves

Elle s'appelle Nastassja Martin, mais sa famille et ses amis l'appellent Nastia, elle est anthropologue, spécialiste des populations arctiques. Dans ce surprenant et puissant récit autobiographique, proche de l'onirisme, j'ai été emporté comme dans une vague.

Ce jour-là, le 25 août 2015, Nastassja Martin se trouve aux confins de la Sibérie, dans les montagnes du Kamtchatka où sa mission l'a entraînée, avec deux autres compagnons de route, elle entreprend une expédition de plusieurs jours dans le massif du Klioutchevskoï, le plus haut volcan du Kamtchatka.

S'étant éloignée durant quelques instants de ses compagnons de route, sa rencontre brutale et édifiante avec un ours ne va durer que quelques secondes, quelques secondes à la fois tragiques et miraculeuses où elle s'en tire vivante. Mais l'ours, qui vient de lui déchiqueter le visage et qui a peut-être fait le choix de la laisser en vie, va modifier le cours de son existence.

Parfois on appelle cela un événement fondateur. Elle parle, elle, d'une rencontre. Les chirurgiens, tour à tour russes puis français, qui l'opèreront plus tard utiliseront d'autres termes.

J'ai aimé entendre ici, dans les mots de Nastassja Martin, que rien n'arrive par hasard et que les trajectoires de vie se croisent toujours pour des raisons bien précises.

Mais que s'est-il réellement passé ce jour de 25 août 2015 ?

Là-bas, une amitié forte s'est liée entre l'anthropologue française et des membres du peuple évène, une population animiste, dont les pratiques en harmonie avec la nature, séduisent l'autrice, et je dois avouer qu'elles me séduisent aussi. Elles sont aussi marquées par de vieilles légendes ancestrales qui donnent la part belle à cette relation entre les humains et les non-humains. Cette harmonie va jusqu'à interpréter le geste de l'ours. Ses amis évènes considèrent qu'elle est devenue un être hybride depuis sa « rencontre » avec l'ours. Elle est devenue miedka (marquée par l'ours et ayant survécu à la rencontre).

Cet ours qui lui a déchiqueté le visage, mais qui aurait pu la broyer tout entière dans son corps fragile, lui a offert ce privilège de la laisser en vie. Elle est une survivante, elle est celle qui revient. Elle est celle qui réfléchit et chemine désormais. Elle quitte une forêt pour revenir dans la sienne, intérieure, ombrageuse.

Être défigurée, qui plus est par un ours, c'est entrer pour elle dans une métamorphose.

Tandis que son visage se reconstruit, voici que d'autres failles viennent, ailleurs, dans les abysses de l'âme.

J'ai aimé les mouvements et les variations de ce récit, cette dualité qui parle sans arrêt entre les mots, entre les pages, comme une vague, oscillant entre le réel et l'irréel.

Le texte est exigeant, mêlant l'expérience d'une scientifique de terrain à la réflexion philosophique et au voyage onirique. C'est magnifiquement bien fait et l'écriture est de toute beauté.

C'est l'occasion de remettre en question le parcours de sa vie, sa relation avec sa mère, entre elle et l'ours une histoire va se construire par-delà les frontières de la réalité.

Croire aux fauves, c'est croire à l'impossible, à ce qui nous est peut-être impalpable, peut-être invisible. C'est croire enfin aux blessures intérieures qui sont peut-être plus fortes.

Pour l'un de ses amis évènes, il n'y a pas de doute : son regard a certainement croisé celui de l'ours, une plongée du regard de la bête dans l'âme de la belle.

Elle écrit les choses qu'elle ressent sur deux petits carnets, l'un diurne, l'autre nocturne, selon ses humeurs, ses envies. J'adore cela. Je n'avais jusqu'à présent qu'un seul carnet pour écrire mes ressentis notamment sur des lectures, je vais peut-être suivre cette idée.

Elle y pose des choses fortes, traversant ses territoires intimes avec une conviction forte et déterminée.

Mais l'important du récit n'est pas l'opération, ni la guérison, c'est bien sur un autre territoire presque magique que nous convie l'autrice. Une tout autre reconstruction, un cheminement, quelque chose qui va la transformer et dont elle se sent prête à accomplir.

Il y avait le monde d'avant cette méchante griffure d'ours. Il y aura le monde d'après.

Elle sait qu'elle portera longtemps en elle, peut-être pour toujours la trace de l'ours sur son visage et dans ses abîmes intérieurs.

C'est désormais comme une bête qui sommeille en elle, tandis qu'une forêt là-bas l'attend. Une fois guérie, réparée, elle rêve de repartir là où son itinéraire s'était arrêté. Retrouver peut-être la bête, qui sait... Ce voyage du retour au milieu de ses rêve obsessionnels a quelque chose de chamanique.

Croire aux fauves, c'est croire à l'impossible. Mais c'est croire aussi à ce qui est possible.

Ce récit sincère et sans complaisance est nourri d'introspections, mais aussi d'un magnifique voyage aux confins de la Russie. C'est l'occasion de découvrir un peuple inconnu, oublié, les Évènes, que je ne connaissais pas.

Ici aussi c'est la respiration d'un peuple dont les modes de vie sont en voie de disparition.

Je suis ressorti de ce texte à la fois envoûté et empli d'un immense respect pour cette tranche de vie que nous partage l'autrice en nous faisant plonger sans concession dans ses abysses intérieurs.

Ici sont évoqués avec beaucoup de beauté les mystères que nous n'avons pas fini de comprendre.

Dans le contexte d'une planète bousculée, fragilisée, menacée, comment ne pas voir ici de magnifiques gestes et messages donnant sens au lien que nous devons nouer ou renouer avec la nature et dans notre rapport au monde.

Un récit essentiel, au-delà de la seule introspection d'une anthropologue en mal d'ours...

Ce soir il y a une forêt qui palpite en moi.

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Croire aux fauves

J'ai rêvé du Kamtchatka et du seigneur des lieux, l'ours brun.



J'ai navigué entre les magnifiques photos de Vincent Munier dans son ouvrage "la vie sauvage aux confins du monde" et l'eblouissant récit de l'anthropologue Nastassja Martin sur le sens à donner de sa rencontre avec un ours qui l'a attaqué au visage.



De ce corps à corps sanglant, l'un et l'autre blessés, tous les deux emportant un bout de chair de l'autre, l 'anthropologue m'a guidée vers la voie de l'apaisement et de l'animisme.



En tant que lectrice, mon esprit flottait dans la brume des volcans et des lacs aux côtés des derniers chasseurs Evènes.



Le récit aux accents chamaniques profondément envoûtant est amplifié par la beauté sauvage de la péninsule russe.



C'est un très beau texte sur la reconstruction de soi, médicale et humaine. Une aventure exceptionnelle si elle n'était pas aussi dramatique auprès des derniers peuples chasseurs de rennes aux croyances marquées par l'esprit de l'ours.
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Croire aux fauves

Un livre fort, personnel, atypique, profond, intime...



C’est cette intimité que Nastassja Martin souhaite nous faire partager dans Croire aux fauves, partage public mais pudique de son parcours introspectif après son attaque par un ours dans le Kamtchatka en 2015. Attaque ou plutôt rencontre. Rencontre ou plutôt naissance. Naissance ou plutôt renaissance.



Car peu importe les faits, ce corps laissé à moitié mort par la bête, ce visage défiguré, ces multiples opérations réparatrices et ces nuits de douleurs à 9,9 sur une échelle de 10. L’anthropologue reprend le dessus sur la femme en souffrance et analyse l’accident sous un angle différent : par cette rencontre, une partie de son corps et de son âme est devenue ours, et Nastassja a besoin de retourner là-bas pour comprendre et vivre pleinement son nouvel état.



Ses amis évènes du Kamtchatka l’avaient déjà baptisée « mathuka », l’ourse ; la voilà désormais devenue « miedka », mi-femme, mi-ourse. Les frontières entre l’homme et l’animal s’estompent, les rêves décodent le réel et le retour en milieu naturel accomplit son œuvre reconstructrice.



Une lecture parfois ardue et complexe, mais assurément belle, poétique et inspirante.
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Croire aux fauves

Croire aux fauves est le récit d'une anthropologue française qui s'est fait attaquer par un ours brun en Russie.

Elle s'est fait arracher une partie du visage et elle parle de ce qu'elle considère avec le recul comme une expérience spirituelle, elle pense avoir désormais un lien unique avec l'ours.

Elle nous raconte ses blessures, sa convalescence tant physique que psychique, dans divers hôpitaux et surtout en pleine nature, là où elle se sent elle-même.

Ca parle de chamanisme, c'est poétique et puissant, parfois un peu onirique, et on n'en ressort pas indemne.
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À l'est des rêves

Prolégomènes : Lire Nastassja Martin est une vraie expérience . Ce n'est ni "Tintin au Congo" , ni "La panthère des neiges". Pas de simplifications, pas d'aphorismes. A l'Est des Rêves est donc une lecture exigeante , le propos est pur et dur comme la riviére Icha , lorsqu'elle est gelée. La première de couverture, magnifique, montre le volcan Itchinski et son reflet dans un lac de toundra. C'est le "terrain" de l'anthropologue. Si vous avez lu Croire aux fauves et que vous vous attendez à croiser des ours dans cette histoire, vous risquez d'être décu !!! Croire aux fauves serait plutôt le Spin off de A l'Est des rêves , même s'il a été publié avant. Ceci étant dit , zou, vous êtes prêts à embarquer ...



Il faut d'abord aller au Kamtchatka ,ce qui n'est pas une mince affaire, le Kamchatka, c'est la Russie, un pays en guerre, comme vous le savez sûrement... Après c'est tout un bazar pour rejoindre le camps de base d'Icha : 4X4 , motoneige, puis bateau . Le voyage est long pour rejoindre les Even qui en 1989 sont repartis en forêt pour tenter ( je dis bien "tenter", car c'est compliqué ) de recréer un mode de vie autonome fondé sur la chasse, la pêche, la cueillette.

Nastassja ou plutôt Nastia, comme on l'appelle là-bas, va vivre, manger, dormir , chasser , pêcher avec sa famille autochtone. Le plus souvent au pied du volcan, au bord de la rivière mais parfois ailleurs : dans la famille de Daria ( qui est le personnage-clé du livre ) et donc dans d'autres campements voir en appart à Esso ( qui est la ville la plus proche, la plus touristique aussi, la plus "folklorisée".

Nastia va apprendre à" rêver vraiment" et c'est là un des enjeux majeurs du livre.

L'autre enjeu est celui de l'alternative écologique au désastre systémique du monde, grâce un mode de vie spécifique . Mais je ne veux pas spolier!!!

Nastassja, elle, s'adosse à un corpus théorique impressionnant . Élève de Philippe Descola , elle connait son Lévi-Strauss par coeur, cite abondamment Durkheim et se frotte à Freud , Jung, Foucault etc...La bibliographie de fin de livre n'est pas là que pour le fun !

Elle fait aussi référence à toute une nouvelle génération d'anthropologues jeunes et plutôt sympas : son pote Stépanoff bien sur ( son collègue de terrain pour le moins ), mais aussi Baptiste Morizot, Vinciane Despret etc...

Bien sur elle parle aussi de Bruno Latour disparu récemment et de Gaia, son concept-ressource.



Du coup le livre alterne scènes de la vie quotidienne et hypothèses théoriques de très très haute volée. Parfois même tout cela s'entrecroise, en particulier lorsqu'elle évoque les différentes formes de chamanisme des peuples autochtones du grand Nord ( sibériens, américains etc...)

C'est souvent lumineux et poétique mais c'est aussi profondément mélancolique.

N.Martin ne se ment pas et ne ment à personne . Une scène de braconnage est particulièrement effroyable!!



Incidemment on apprend qu'elle a eu une petite fille, mais c'est à peu prés tout : ici on ne parle pas d'intime. On ne sait rien de sa vie affective et c'est tout de même un peu frustrant....

On parle peu d'émotions . La parole est performative . Parler c'est faire. Donc chutttt...

Alors un petit conseil pour aborder sereinement ce livre essentiel . Tranquillou, vous passez une petite heure sur Youtube à visionner sa première conf d'après publication, à La Manufacture d'idée 2022.



Un livre majeur, important , à lire absolument avant la fin du monde pour mieux comprendre ce qui fait famille, ce qui fait peuple, par delà Nature et Culture.Mais aussi pour réapprendre de sa sensorialité .

Et ,qui sait, pour une nuit peut-être , apprendre à rêver . A rêver pour de vrai.
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Croire aux fauves

Ce que j’ai ressenti:



"Il n’a pas voulu te tuer, il a voulu te marquer. Maintenant tu es miedka, celle qui vit entre les mondes."



Ça aurait pu être moins violent, mais alors, ça n’aurait pas eu la même résonance. Ça ne m’aurait pas tant affectée. Ça ne m’aurait pas tant « marquée ». Ça ne me disait trop rien avant, cette notion d’animisme. Et là, ça m’a traversée de part en part. Ce n’est pas tant la morsure, c’est plus ce phénomène étrange où tu ressens cette connexion. Une connexion avec le fauve. Ça aurait pu être qu’un doux rêve, mais ça n’aurait pas rempli alors, chaque atome de ton corps, chaque synapse de ton esprit, chaque parcelle de ton âme. Il fallait un choc. Ni un accident, ni un cauchemar, plus de l’ordre d’une nouvelle naissance ou d’un don d’amour féroce. Croire aux fauves est un choc de cette ampleur. Tellement intense que tu ne t’en remets jamais tout à fait, tellement vivant que tu ne peux plus jamais ordonner les limites. C’est un avant-après qui désoriente tout. Et c’est tellement mieux comme ça! Perdre ses repères pour que ça vienne de remuer à l’intérieur comme jamais auparavant, pour te relier au vivant. Te Relier à l’équilibre instable entre la vie et la mort, où l’animal sauvage peut entrer et communiquer dans une langue qui n’a pas de mots, qui a juste des crocs…Il me fallait un choc violent, sinon, tout cela n’aurait pas eu lieu, ce sentiment fort d’avoir lu un livre exceptionnel.



"Je veux du sombre, une grotte, un refuge, je veux des bougies, la nuit, des lumières douces et tamisées, du froid dehors, du chaud dedans et des peaux d’animaux pour calfeutrer les murs."



Parce que cette anthropologue a été attaquée par un ours, il nous en reste une expérience unique de lecture… Quelque chose entre la résilience, le pardon, la force et la libération. C’est sensible, poétique, presque intuitif, incroyablement sensoriel, étonnamment instinctif. La plume de Nastassja Martin est puissante. Elle t’arrache de la chair, des pleurs, des mots, des préjugés pour te faire comprendre le pouvoir grandiose de l’esprit animal. Croire aux fauves. Croire à cette interaction. Et puis, la laisser faire son chemin en toi…J’ai fait silence en moi, et je peux vous dire que j’ai pu Croire aux fauves au-delà des limites physiques, et revenir de cette lecture avec l’empreinte d’un ours sur le cœur…Une fusion.



"Pour continuer à vivre, il ne faut pas penser aux mauvaises choses. Il n’y a que l’amour qu’il faille nous rappeler à nous."





Ma note Plaisir de Lecture 10/10
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Croire aux fauves

Peu bavard comme livre, mais fameux en tourbillons. Avec des tripes, un zygomatique foutu, une tronche en titane, des arbres qui vous espionnent, un combat d’ours et de fille mille fois revécu.



Une sorte de syndrome de Stockholm sur la personne d’un ours du Kamtchatka. L’auteur a manifestement déchaussé ses rangers d’anthropologue pour revivre à ras la toundra son baiser mortel avec lui. Comme abandonnant les distances de rigueur de son métier, elle semble replonger sans fin dans le fracas terrible de cette rencontre-combat.



Dans une invitation rituelle toujours recommencée, elle convoque le fauve, qui l’à-demi mangea, pour rejouer l’étrange cérémonie chamanique où ils ne feraient plus qu’un. Où tout serait lissé, où elle s’abandonnerait à une rencontre voulue depuis toujours par les esprits de la forêt. Seul cataplasme pour fermer les yeux et flotter dans une danse de neige et d’oubli bienfaisant.



Une fusion que les indigènes ont nommée, elle est celle-à-moitié-humaine-à-moitié-ourse. Elle en a l’étrange prestige et les terrifiants maléfices.



J’ai été emportée par ce récit, fascinant comme un cahier secret oublié dans un grenier et qui nous fait plonger immédiatement dans ses paysages et ses obsessions.



Sans oublier les très beaux portraits des Evènes, qui l’ont longtemps accueillie, dans un climat où l’individu ne peut subsister qu’au sein d’un Nous. Un Nous qui ne peut lui-même subsister qu’en osmose étroite avec la Nature, éparpillée entre tous les êtres et les esprits qui la composent. Comme le lui dit le vieux sage gwich’in : la forêt est constamment « informée », tout est « enregistré » par les arbres, les animaux, les rivières.



L’anthropologue a cédé, l’onirisme échevelé a tout emporté, merci à la femme-ourse de nous avoir livré son fantastique voyage.

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Croire aux fauves

J'ai commencé la lecture de ce récit sans avoir prêté attention au fait qu'il ne s'agissait pas d'un roman mais bien du récit et de la réflexion de Nastassja Martin, anthropologue après qu'elle ait croisé un ours en 2015 et qu'elle soit sortie vivante de cette étreinte hors du commun ! J'y avais vu plutôt une histoire autour du mythe et des fantasmes de l'Union de la femme et de l'ours. Finalement les frontières ne sont pas si marquées qu'on pourrait le penser .L'auteurr s'interroge sur le sens de cette rencontre et de son dénouement. Le regard de la bête et la belle était il dû au hasard? Est elle devenue " miedka" c'est à dire moitié humaine moitié Ours ? Alors qu'elle doit faire face aux rivalités entre hôpitaux,entre le front russe et français elle renvoie avec humour l'incohérence et l'absurdité qui régissent nos vie. Comment se reprendre en main? Comment retrouver son identité ? Où se situe t'elle ?ayant en quelque sorte dû affronter deux mondes,celui animal et l'humain,elle cherche sa place " j'ai vu le monde trop alter de la bête, le monde trop humain des hôpitaux. J'ai perdu ma place...je cherche un entre deux....parce qu'il faudra bien les construire ces ponts et portes entre les mondes..."

Cette plongée dans les montagnes du Kamtchatka mais aussi des méandres intérieures de l'auteure n'a pas été si évidente que ça pour moi. Ce n'est pas une lecture facile mais ce récit a le mérite de soulever beaucoup de questions et notamment sur l'altérité, j'en ressort donc sans réponse mais pourtant un peu moins niaise!😉
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Croire aux fauves

"En ce jour du 25 août 2015, l'événement n'est pas: un ours attaque une anthropologue française quelque part dans les montagnes du Kamtchaka. L'évènement est: un ours et une femme se rencontrent et les frontières entre les mondes implosent".

Cela demande sans doute un certain courage et une force résiliente de chercher ainsi à inscrire ce qu'on peut qualifier de terrible agression en élément fondateur.

Natasjassa Martin, alors jeune anthropologue mais déjà aguerrie aux forêts du Kamtchatka, se retrouve face à un ours. Un combat s'ensuit, dont elle sort miraculeusement vivante après avoir été un instant dans la gueule du fauve, au point d'entendre les os de son crâne craquer sous les machoires de l'ours.

Cette attaque l'amènera à un premier hôpital en Russie puis un deuxième en France - la Salpétrière, plusieurs opérations et une longue convalescence pendant laquelle elle s'interrogera sur le sens de cette rencontre à un niveau symbolique. Bien avant cet événement, en fait, l'ours était déjà présent dans son histoire à travers ses rêves mais aussi les récits que lui faisaient sa famille d'adoption au Kamtchatka, récits mythiques dont elle s'est trouvée imprégnée de par son métier d'anthroplogue.

Le récit qu'elle en fait ici est empreint de cette recherche presque mystique d'un sens face à la violence qu'elle a vécue, pas seulement celle des morsures mais aussi celles des regards posés sur elle, meurtrie, défigurée une fois de retour en France. Cette introspection est fascinante, cherchant à atteindre le point de névralgie en tournant toujours plus près autour de lui pour en dévoiler le mystère.

Un récit magnifique, sauvage, ancré au coeur de quelque chose de plus profond qui a ébranlé la jeune femme dans le passé, la disparition de son père. Un récit que je n'aurais jamais sans doute jamais découvert si une amie ne me l'avait pas offert, un magnifique cadeau à lire et relire!



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Croire aux fauves

Nastassja Martin a écrit là le récit extra ordinaire et terrible d’un évènement tragique et fondateur pour elle : Elle a subi l’attaque d’un ours, dans les montagnes du Kamtchatka, où l’a conduit son métier d’anthropologue. Une partie du visage arrachée, il la laisse pour morte… Va débuter pour elle, le long chemin de la reconstruction faciale. Au fur et à mesure que son visage reprend forme humaine, tout son être est transformé, comme happé par cette part d’âme animale qui bat maintenant en elle. Dit comme cela, c’est distant et factuel. Mais à le lire, c’est explosif. De beauté et d’émotions.

« Je veux du sombre, une grotte, un refuge, je veux des bougies, la nuit, des lumières douces et tamisées, du froid dehors, du chaud dedans et des peaux d'animaux pour calfeutrer les murs. »

Je suis restée accrochée à ses mots du début à la fin. J’ai encore du mal à m’en défaire. Ce n’est pas le tragique de l’histoire qui me reste en mémoire mais ce sentiment d’envoûtement que m’a laissé la lecture de Croire aux fauves. cette fusion des âmes et cette appropriation mutuelle de l’autre dans l’arrachement des chairs...

Nastassja Martin ne peut plus être la même après un tel accident. C’est une évidence. Mais cette différence, plus que physique, est ontologique. Elle est femme-ourse : animale et humaine à la fois…

« Il n'a pas voulu te tuer, il a voulu te marquer. Maintenant tu es miedka, celle qui vit entre les mondes. »
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Croire aux fauves

Quand on se retrouve avec un livre d'une telle qualité entre les mains on ne peut que remercier les "vrais libraires".

Cette jeune femme est anthropologue, et les grands espaces glacés sa seconde maison.

Elle se trouve au Kamtchatka pour son travail, elle y a des amis autochtones là bas qui entretiennent un lien particulier avec la nature, quasiment de l'animisme, et elle y adhère parfaitement. Des pages superbes.

Elle entre en "collision " avec un ours qui la défigure, l'abîme, mais la laisse en vie.

Elle est d'abord soignée en Russie dans un petit hopital, puis à La Salpêtrière et à Grenoble; et les chicaneries franco-russes, puis Paris-province ne manquent pas de sel.

Mais Nastassja Martin, veut comprendre le sens de cet accident, ce morceau d'elle dans l'ours et un peu de l'inverse aussi . Toute la qualité de ce questionnement se trouve dans les pages de ce récit vécu comme une re-naissance à un monde où chaque matière vivante est connectée à l'autre. Animisme, chamanisme sont les secrets que veut percer cette jeune femme à qui est arrivé cet accident pour le moins étrange. Vraiment un très beau texte.

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À l'est des rêves

De cet essai anthropologique parfois très pointu, je garde ce côté onirique de la nature qui a donné le titre au livre. Au Kamtchatka, ceux qui sont retournés en forêt quand l'Union Soviétique s'est dissoute, ont retrouvé la relation que leur peuple entretenait avec la nature, de manière pourtant très discrète pour le profane.

Certains, comme Daria, chantent pour la rivière, mais surtout, ils écoutent ce que leurs rêves leur disent dès que la nature y joue un rôle. L'intérêt est très pragmatique: chasser, pêcher au bon endroit, éviter l'ours, être informé du changement prochain de saison.

J'ai pris plaisir à retrouver Daria et sa famille, que je venais de quitter dans le beau récit Croire aux Fauves. J'ai mieux compris l'enjeu que tenait le rêve et la symbolique dans celui-ci grâce à cet essai.

Au delà de ça, j'ai trouvé très intéressant la perspective de Nastassja Martin envers son domaine, l'anthropologie, bien que sur ce point je me suis souvent sentie très ignorante, et donc perdue. Elle met clairement en relation la manière dont vit cette population et l'histoire récente de la Russie / URSS.

On est loin du chercheur occidental paternaliste à la recherche d'exotisme, la relation que l'auteure entretient avec cette population est horizontale et son regard parfois presque naïf lorsqu'elle interroge Daria sur sa relation aux éléments naturels.

Cet essai est une vraie ouverture sur le monde.

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Croire aux fauves

Nastassja Martin est anthropologue. Au coeur de ses recherches, les groupes humains dans leurs diversités physiques et culturelles.

En 2015, lors d'une mission chez les rares nomades Evènes subsistant encore au Kamtchatka (extrême-orient russe), l'auteure est attaquée par un ours : le fauve lui arrache la moitié du visage, la laissant miraculeusement en vie.

Défigurée et fragilisée moralement, la jeune femme doit subir de délicates interventions chirurgicales, en Russie puis en France, avant d’être autorisée à retrouver les siens.



Mais outre la lente et douloureuse reconstruction physique, la narratrice éprouve le besoin impétueux de comprendre ce que l’ours lui a pris et donné lors de l’effroyable confrontation. Un mystère que ni la science ni la raison ne peuvent expliquer. Encore convalescente, elle « chausse ses lunettes » d’anthropologue pour entreprendre un long voyage (dans un premier temps intérieur) et examiner les hypothèses issues de différentes cultures : psychanalyse, onirologie, mythologie, chamanisme, animisme.

Ce récit est donc avant tout une profonde réflexion sur la signification et les conséquences de la violente rencontre entre l'humain et l’animal. Si le propos peut être déstabilisant pour des occidentaux non initiés à ces croyances et traditions éloignées des nôtres, il initie justement une distanciation et un questionnement essentiel de notre rapport à la nature et à la vie animale.



Ce qui fait sa singularité et sa beauté, c’est la sincérité et la voix de Nastassja Martin, profonde, captivante, intense.
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Croire aux fauves

L’auteure de ce document, Nastassja Martin, est anthropologue et spécialisée dans les populations arctiques. Lors d’un voyage d’études au fin fond des terres sibériennes, elle est attaquée par un ours. De ce fait, elle en tire un court livre, découpé selon les quatre saisons.



La première partie concernant la rencontre avec l’ours et les suites de ses blessures dans des hôpitaux où la période soviétique n’est finalement pas si loin avait su me captiver. Et puis, la seconde partie relative à l’animisme m’a égarée dans les steppes sibériennes. J’avoue que je n’ai pas vraiment compris que ce soit : ma lecture mais aussi où l’auteure voulait m’emmener.



En fin de compte, l’originalité a peut-être été trop grande pour moi. Je ne peux pas me permettre de dire qu’il s’agit d’un mauvais bouquin mais il n’a tout simplement pas été ma tasse de thé. Il ne reste plus qu’à vous faire votre propre avis 😉



Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2020, dans la catégorie Document/Essai, en lice pour le mois de mars.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Croire aux fauves

Nastassja Martin est anthropologue et elle nous livre un récit éprouvant et lumineux à la fois, celui de son combat après l’attaque qu’elle a subi lors de sa rencontre avec un ours dans les montagnes du Kamtchatka.

De l’accident, on ne saura pas grand-chose, il faudra attendre les dernières pages du livres, mais nous suivons le long cheminement de Nastassja Martin jusqu’à sa « réparation »

Brusquement séparée de ses amis Avènes, elle va devoir se battre pour se reconstruire, tout en affrontant la suprématie médicale. Gravement blessée au visage, elle passe du temps dans les hôpitaux russes avant de poursuivre sa guérison en France. Sans cesse, elle doit composer avec la douleur.

Elle devra subir plusieurs opérations et vaincre une infection nosocomiale.

L’ours est toujours là, présent dans son visage ravagé et dans ses rêves. Pour les Evènes, elle est

« matukha », l’ourse, à cause de ses rêves. L’anthropologue partage leur vision animiste, elle a pris une part de l’ours et lui un fragment de son humanité, la frontière entre les deux mondes est perméable, elle est devenue « miedka ». Elle est confrontée à ces bouleversements de civilisation, ce progrès qui réduit l’espace de liberté des peuples arctiques qu’elle étudie.

Loin d’être un simple témoignage sur son terrible accident, ce récit tente de creuser le sens de cette confrontation avec l’animal sauvage.

Il n’y a pour elle qu’une issue, celle de retourner dans la forêt, auprès de son amis Daria et de son peuple, pour continuer sa quête. Elle retrouve sa place parmi les Evènes, et leur regard est tout autre que celui des occidentaux. Elle ne doit pas en vouloir à l’ours dont elle a croisé le regard, ce que l’animal ne supporte pas. Elle peut aussi confier ses rêves, ici ils font partie de la culture.



Je ne sais pas si on peut parler de résilience, mais l’anthropologue se tient en équilibre entre deux mondes, le civilisé et l’autre où le sauvage a sa part. On suit sa démarche avec intérêt, sa réflexion n’est jamais pédante. Avec ses questionnements et ses incertitudes, ce récit déborde d’humanité et c’est cela qui nous touche. Après cette lecture, on ne peut que porter un autre regard sur l’ours, et sur cette nature sauvage qui peut se montrer si cruelle parfois.



Ce livre a été sélectionné pour concourir pour le Prix littéraire Terres d'Ailleurs 2020 qui récompense un livre d'aventure vécue, une aventure/voyage /découverte d'un ailleurs au travers du regard d'un(e) auteur(e)



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