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Citation de lolitajamesdawson


Entourée de sucreries à volonté, je passais des heures seule devant le téléviseur, ou encore dans ma chambre, un livre à la main. Face à une réalité qui ne me valait qu'humiliations, je me réfugiais dans d'autres mondes.

J'ai tenté de crier. Mais il ne sortait pas un son de ma gorge. Mes cordes vocales ne fonctionnaient pas. Tout en moi n'était qu'un cri. Un cri muet que personne ne pouvait entendre.

J'ignore comment j'aurais réagi si j'avais pressenti que cette pièce serait, pour trois mille quatre-vingt seize nuits, à la fois mon refuge et ma prison.

J'étais la victime d'un fou, j'étais devenue un personnage dans le théâtre de son esprit malade.

Il y avait des jours où ce bruit obsédant n'emplissait pas seulement le moindre recoin de la pièce, mais aussi le plus petit espace dans ma tête.

Pleurer dissipa au moins le désespoir pour un bref instant et me tranquillisa.

Elle me manquait tant que le sentiment de la perte menaçait de me dévorer de l'intérieur. J'aurais tout donné pour l'avoir auprès de moi.

Il y avait des jours où l'inquiétude que je ressentais pour mes parents était un fardeau bien plus lourd à porter que la peur.

C'était le dernier cadeau de ma mère. Et il l'avait brûlé. Cet homme ne m'avait pas seulement ôté ainsi un lien supplémentaire avec mon ancienne vie, mais aussi un symbole.

Je pressentais sans doute que j'allais devoir conserver le moindre souvenir heureux pour y avoir recours dans les moments les plus sombres.

Allongée dans le noir je me cassai la tête pour imaginer d'autres possibilité de le forcer à me libérer. Mais je n'en trouvai plus.

C'est un mécanisme très répandu : les victimes s'attribuent à elles-mêmes la responsabilité du crime qu'elles ont subi.

Toute ma survie physique et psychique était accrochée comme un fil à cet homme qui m'avait enfermé dans sa cave.

Alice parvient à quitter ce monde enfoui très en profondeur, lorsqu'elle s'éveille et sort de son rêve. Moi, lorsque j'ouvrais les yeux après de trop brèves heures de sommeil, le cauchemar était toujours là. C'était ma réalité.

La mesure du temps est le point d'ancrage le plus important dans un monde où l'on risque de se dissoudre.

À chacun de ses tic-tacs, le réveil me prouvait que le temps ne s'était pas immobilisé et que la terre continuait à tourner. Dans l'état de suspension où je me trouvais, sans la moindre sensation du temps et de l'espace, c'était mon lien sonore avec le monde réel.

À moi aussi, on avait ôté la lumière de la vie, et moi aussi, dans les moments sombres, je ne voyais pas d'autre moyen que la mort pour quitter mon cachot.

Il était mon cordon ombilical vers l'extérieur : la lumière, la nourriture, les livres, lui seul pouvait me fournir tout cela, et il pouvait m'en priver à n'importe quel moment.

Arrivée à ce point, je sus que je ne devais pas céder. Quand on se défend, on vit encore. Quand on est mort, on ne peux plus se défendre. Je ne voulais pas être morte, même intérieurement, je devais avoir quelque chose à lui opposer.

Il était vital, si je voulais me protéger, de considérer que le ravisseur n'était pas un homme foncièrement mauvais, mais l'était devenu au fil de son existence. Cela ne relativisait en aucun cas l'acte en soi, mais cela m'aide à lui pardonner.

Si je ne lui avais voué que de la haine, celle-ci m'aurait dévoré au point de ne plus avoir la force de survivre.

J'étais déjà si profondément habituée à ma captivité qu'elle faisait désormais partie de moi-même.

Il savait que la prison intérieur avait désormais de tels murs que je ne saisirais pas l'occasion de fuir.

Il avait tellement bien ancré en moi la peur de ce monde extérieur où l'on ne m'aimait pas, où je ne manquais à personne, où nul ne me cherchait, que la crainte devint presque plus forte que mon désir de liberté.

Pour avoir droit à quelque chose, je devais manifester ma reconnaissance et le féliciter pour tout ce qu'il faisait, y compris le fait de m'avoir enfermée.

La conscience d'être grosse m'emplissait d'une haine lancinante et détractrice envers moi-même.

La faim entrave le fonctionnement du cerveau. Lorsqu'on reçoit trop peu à manger, on ne pense à rien sinon à : quand je vais recevoir ma prochaine portion ? Je ne pensais plus qu'à manger et me reprochais en même temps d'être goinfre.

On est parfois soulagé lorsque la douleur physique dépasse par instants les tortures de l'âme.

Je quitterais une vie qui n'était plus la mienne depuis longtemps.

Être plus forte, ne pas abandonner. Ne jamais, jamais abandonner. Ne pas se laisser abattre, ne jamais abandonner. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire.

Il avait l'air si désespéré, si seul face à lui-même et à son crime que j'oubliais presque que j'étais sa victime.

Cette voiture constituait le dernier lien avec le jour de mon enlèvement et je travaillais moi-même à le faire disparaître. Il me semblait qu'à chaque coup de pinceau je scellais mon avenir dans la cave.

L'un de nous doit mourir, il n'y a pas d'autre issue. Où tu me tues, où tu me libères.

La voix de mon second moi me martelait : si tu avais été enlevé hier, tu courrais maintenant. Comporte-toi comme si tu ne connaissais pas le ravisseur. C'est un étranger. Cours. Cours. Bon dieu, cours !

Pour la première fois depuis sept ans, j'avais prononcé mon nom. J'étais revenue.

Lorsque le policier mit le moteur en marche et que la voiture démarra, une vague de soulagement m'envahit. J'avais réussi. J'avais fui.

La policière m'offrit sa montre, j'étais ainsi de nouveau maîtresse de mon emploi du temps : il ne serait plus réglé par quelqu'un d'autre, ou par une minuterie me dictant quand il faisait jour et quand il faisait nuit.

J'avais choisi la vie. Pour le ravisseur, il ne restait que la mort.

Le monde dans lequel je revenais n'était plus celui que j'avais quitté. Et moi non plus, je n'étais plus la même. Plus rien ne serait comme avant. Jamais.

Wolfgang Priklopil n'existait plus. C'était fini. J'étais libre.

Malgré toute la violence, l'isolement, le noir et toutes autres tortures, j'étais restée Natasha Kampusch. Jamais je n'abandonnerai, après ma libération, ce bien le plus important : mon identité.

J'étais devenue une personne connue à travers un crime affreux. Le ravisseur était mort il n'y avait pas de cas Priklopil. J'étais le cas : Natasha Kampusch.
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