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Critiques de Natascha Wodin (14)
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Elle venait de Marioupol

Une frêle fleur des camps à la recherche de racines dans les failles du béton armé de l'Histoire…Bouleversant et instructif. Une lecture nécessaire sans aucun doute. Pour ne pas dire indispensable.



Livre témoignage, livre historique…mais pas que ! Avec « Elle venait de Marioupol », Natascha Wodin combine sa propre recherche généalogique en quête d'identité, l'explication sans pathos de pans entiers de l'histoire slave pour mettre en lumière certains faits peu connus et pourtant terrifiants, mais aussi une structuration qui donnerait presque au récit des allures de thriller tant c'est passionnant.

Ce qui m'a le plus marqué je crois dans cette recherche éperdue fut de comprendre comment ce peuple ukrainien fut broyé par deux dictatures aussi terrifiantes l'une que l'autre, celle de Staline en Ukraine, puis celle de Hitler en Allemagne. Deux extrêmes qui ont utilisé des méthodes différentes pour arriver à la même fin : l'extermination de millions de personnes. L'une l'a fait brutalement, l'autre de manière plus sournoise.



Instructif et passionnant, pourtant le premier chapitre m'a fait un peu peur car nous assistons à la recherche des ancêtres de Natascha Wodin, peuplée de personnes que je finissais par mélanger. L'arbre généalogique se construit peu à peu sous nos yeux à coup de rebondissements, d'imprévus, grâce à l'aide de personnes généreuses et passionnées, de chance aussi, c'est très intéressant mais je suis restée spectatrice un peu déboussolée par cette recherche complexe de racines. Avec tout de même cette trame de fond, obsédante : pourquoi sa mère s'est-elle suicidée à l'âge de 40 ans ? Qu'a vécu cette femme pour en arriver à une telle extrémité alors qu'elle était maman de deux petites filles ? La narratrice sait juste que sa mère a été déportée durant la Seconde Guerre Mondiale à l'âge de 23 ans, avec son père, pour du travail forcé, de Marioupol en Allemagne. Ils deviendront des « Ostarbeiter », des travailleurs de l'Est, des travailleurs forcés. Elle a conscience que sa mère a traversé des années peu quelconques : elle a vécu en effet pendant la guerre civile les purges et les famines en Union Soviétique, puis les années de la Seconde Guerre Mondiale et du national-socialisme où les ukrainiens furent considérés comme une race inférieure, juste au-dessus des Juifs et des Roms. La hiérarchie des races. de quoi ôter tout gout à la vie.



Natascha Wodin se faisait une image complètement fantasmée de sa mère, basée sur quelques brides de souvenirs, des souvenirs d'enfant, « simple écume déposée dans ma mémoire par des décennies de fermentation », il est intéressant de voir comment la lumière se fait peu à peu sur ce personnage énigmatique, au fur et à mesure que cette mère devient, au fil des éléments trouvés, une personne extérieure à la narratrice. Intéressant de ressentir le trouble de Natascha Wodin, de la voir se redresser au fur et à mesure que ses racines grandissent en elle. L'auteure semble se ramifier et gagner en densité.



Les trois autres chapitres sont incroyables. Une fois rentrée dans le livre, avec cet arbre généalogique que je regrettais presque de ne pas avoir noté, intéressée mais légèrement refroidie par la complexité de cette histoire de famille, les trois chapitres se concentrent sur respectivement la tante de Natascha Wodin, soeur de sa mère, déportée en Sibérie car faisant partie d'un mouvement anti-prolétaire, puis sur ses parents et leurs conditions de vie en tant qu'Ostarbeiter en Allemagne sous Hitler, et enfin sur elle, petite fille, petite fleur des camps. Trois chapitres qui se lisent comme un roman historique, trois chapitres durant lesquels nous prenons en pleine face les morsures glaciales de la Sibérie, la pauvreté et la bestialité des camps de travail forcé, la promiscuité qui pousse à la folie, les affres de la famine, la résilience, la survie et les espoirs d'une petite fille. C'est bouleversant. le regard de l'auteure sur sa mère est d'une tendresse infinie…



« Elle a l'air d'un enfant mais l'innocence et la vulnérabilité de son visage se mêlent à un savoir terrifiant. Difficile de croire qu'un être d'une telle fragilité puisse supporter un tel savoir – comme si un poids d'une tonne était suspendu à un fil ».



Notons une plume élégante, sans ton larmoyant pour parler de l'innommable, délicate et poétique pour décrire la beauté de paysages ou de lieux. J'ai aimé ces deux niveaux d'écriture qui apportent beaucoup de charme au récit, beaucoup de force et d'authenticité, malgré le côté parfois insoutenable. Dans le premier chapitre, que j'ai certes un peu critiqué, j'ai remarqué combien la nature enveloppant la narratrice se transforme au fur et à mesure de l'avancée des recherches, notamment ce lac sur lequel donne son balcon. Coloré et radieux lors des premières trouvailles et des espoirs engendrées, il se fera plus brumeux et inquiétant au fur et à mesure de l'avancée des recherches.



« Des levées de soleil comme sur ce lac, je n'en avais encore jamais vu ailleurs. Ils s'annonçaient dès trois heures de matin à l'horizon, d'abord comme un rosissement à peine perceptible du ciel au-dessus de l'eau, qui se transformait progressivement en une orgie lumineuse d'une beauté irréelle. Je m'étonnais que tout le monde soit endormi, que personne à part moi ne semble assister à ce spectacle cosmique. Le ciel brûlait de toutes ses couleurs, du vert clair à l'or, du violet au rouge flamboyant, chaque jour différent, chaque jour nouveau : des spectacles de lumière, des tableaux surréalistes que le soleil faisait surgir dans le ciel et dont je suivais la métamorphose minutieuse à partir de mon balcon, comme d'une loge quelque part dans l'univers, étourdie par les cris de panique des oiseaux aquatiques qui semblaient attendre une apocalypse, un événement sans précédent bien au-delà des perceptions humaines. Les couleurs s'épaississaient, explosaient, puis elles commençaient à s'estomper, à s'éteindre doucement, à passer progressivement dans la lumière blanche, éblouissante, qui se répandait peu à peu sur le lac ».



J'ai eu du mal à quitter le livre étonnamment. C'est une lecture paradoxalement éprouvante mais aussi attachante. Natascha Wodin devint peu à peu Natascha pour moi. Je me suis attachée à cette femme, à son passé, à sa recherche, à la façon dont elle nous le transmet. Elle y a mis toute son âme. Il ne s'agit pas seulement, comme elle le craignait, d'une simple biographie fictive basée sur l'historiographie, sur les faits avérés concernant les temps et les lieux où a vécu sa mère, non c'est avant tout un livre généreux, détaillé, fouillé, basé sur des matériaux divers, un témoignage précieux. Et bien entendu sa lecture est très particulière en cette année 2022. Pour comprendre et prendre du recul. Un grand merci à @LambertValérie et à @Dandine pour m'avoir fait découvrir ce livre qui restera longtemps en moi !

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La ville de verre

Une écriture flamboyante et passionnée reflet d’une sensibilité à fleur de peau.



Trente-trois ans. Trente-trois ans séparent les deux livres autobiographiques de l’allemande d’origine ukrainienne Natacha Wodin. Et en ce laps de temps, la jeune femme en quête d’identité, tiraillée entre la terre de ses origines et la terre où elle a grandi, respectivement l’URSS et l’Allemagne, est devenue une femme qui a su retrouver et emboiter les pièces du puzzle familial. Cela donne deux livres qui parle d’elle certes, mais deux livres complètement aux antipodes l’un de l’autre.

« Elle venait de Marioupol », son dernier livre paru en 2020 est un livre posé, érudit, historique, où nous voyons littéralement Natacha Wodin prendre racines au fur et à mesure de ses découvertes et de la compréhension de son passé familial au sein de la grand Histoire, « La ville de verre » paru en 1987 est un livre déchirant d’une femme à fleur de peau, d’une hypersensibilité déroutante, d’une amoureuse complètement perdue, paumée, passionnée, en quête d’identité et de repères. D’une femme qui prend feu. Le style en est plus brouillon, plus nerveux, mais aussi plus poétique.



Oui lire ces deux livres coup sur coup est très troublant. Non seulement troublant, mais nécessaire pour réaliser à quel point connaitre son histoire personnelle est important et combien cette méconnaissance peut engendrer de lourdes séquelles. Son premier livre est le livre du déracinement, le second de l’enracinement. Ils forment une boucle, un ensemble.



Natacha Wodin est la fille d’une femme qui s’est suicidée alors qu’elle était petite fille. Comme je l’avais expliqué dans la chronique du livre « Elle venait de Marioupol », cette mère, dont elle sait très peu de chose, surtout dans les années 80, a été déportée durant la Seconde Guerre Mondiale à l'âge de 23 ans, avec son père, pour du travail forcé, de Marioupol en Allemagne. Ils deviendront des « Ostarbeiter », des travailleurs de l'Est, des travailleurs forcés. Elle a conscience que sa mère a traversé des années peu quelconques qui expliquent son suicide : elle a vécu en effet pendant la guerre civile les purges et les famines en Union Soviétique, puis les années de la Seconde Guerre Mondiale et du national-socialisme où les ukrainiens furent considérés comme une race inférieure, juste au-dessus des Juifs et des Roms. Elle, en tant que petite fille, en Allemagne, va subir la pauvreté, les moqueries, la honte, et le suicide de sa mère. Elle grandit en Allemagne sans connaitre ses origines et, avec Internet et l’ouverture des archives, elle arrivera, une fois âgée, à retrouver les traces de ses ancêtres. A retrouvé sa dignité. En attendant, c’est une jeune femme fragile, faible, instable, qui ne sent pas à sa place où qu’elle soit, que nous rencontrons dans ce premier livre.



Tiraillement entre deux pays, tiraillement entre deux amours également, le cœur de Natacha Wodin et la raison se balancent entre le rassurant et stable Helmut, Allemand, avec qui elle vit à Berlin et le passionné et fantasque "L." qui réside, comme écrivain connu, dans le quartier des privilégiés à Moscou. Balancement qui confine à la folie. Nous assistons à son désarroi, ne sachant quelle direction prendre, perdant de vue son propre but, décidant de sa vie en jouant à pile ou face pour faire le contraire ensuite et en étant aussi avancée qu’avant…d’autant plus que le fameux L est un personnage charismatique, qui représente l’utopie de la Russie pour elle, déifié en tant que tel, mais qui ne l’aide pas du tout dans sa quête d’identité, voulant faire d’elle un être à son image, à son service, simple créature entièrement à sa dévotion, sans souhaits, ni besoins personnels, dont « l’unique vocation au monde serait de le protéger et de le soigner, de le décharger de tout souci, d’adoucir ses souffrances lorsqu’il serait malade, de monter la garde auprès de lui, écoutant, lisant quotidiennement ce qu’il écrit, pourvoyant à sa nourriture, lavant ses chemises, aménageant son décor ; bref, l’entourant de cette présence constante qui lui est indispensable, avec le ravissement d’une esclave élevée au rang d’amante ». J’ai trouvé que l’auteure arrivait avec brio à nous faire ressentir ce désarroi total à la lisière de la folie, je pense même avoir pu retrouver des sentiments déjà ressentis que je n’avais jamais pu mettre en mots…C’est étincelant, troublant, subtilement rendu.



« C’est ainsi que je me représente l’enfer, un éternel déchirement, un écartèlement continuel, un état perpétuel d’ambivalence et de dualité qui vous fait osciller de-ci de-là, dans une fluctuation stérile et absurde. Je pense au pendule du théâtre de la Taganka à Moscou, qui se balançait sur la scène dans le plus profond silence. L’enfer –le paradis- l’enfer – le paradis. Indéfiniment. Le pendule ne s’arrêtera jamais et j’y suis suspendue, hésitant entre les pôles, écorchée vive entre ciel et enfer, je suis le pendule et il y a beau temps qu’il ne s’agit plus de L ou de Helmut, de l’Allemagne ou de la Russie, mais de la résolution d’un problème métaphysique, au regard duquel je ne suis qu’une goutte d’eau dans l’océan ».



Ces va-et vient incessants entre les deux pays et les deux amours est l’occasion pour l’auteure de faire part de ses observations sur les deux pays, leurs modes de vie, leurs valeurs, leurs âmes respectives, ce avant la chute du mur. Elle reprend Tioutchev : « Pour comprendre la Russie, l’entendement ne suffit pas. A l’aune commune, elle ne se mesure. En elle on ne peut que croire ». Si l’individualisme, la froideur, la course au rendement, la société de consommation d’un pays occidental comme l’Allemagne la navre, Le monumental, le culte, la corruption, les contradictions, les frasques de la Russie l’exaspèrent.



Le titre de l'ouvrage se réfère à l'Allemagne de l'Ouest "lisse à force de propreté névrotique et de refoulement d'un passé peu glorieux". C’était même une sorte de conte, d’histoire que sa mère lui racontait le soir au coucher alors que la folie commençait déjà à l’envelopper. C’est une histoire troublante que nous retrouvons dans « Elle venait de Marioupol » et en faire le titre de son premier livre est un hommage à cette mère trop tôt disparue dans des conditions tragiques.

A noter que l’ouvrage comporte, pour le plus grand plaisir du lecteur, de nombreuses références littéraires basées sur des poésies, des citations, des extraits de grands auteurs russes ou pas tels que Alexandre Blok, Virginia Woolf, Anna Akhmatova, Marina Tsvétaïéva, Peter Weiss entre autres…



J’ai été très étonnée au final par ce livre, à l’aune de ma lecture récente de « Elle venait de Marioupol » à l’écriture sereine, posée. Comme s’il s’agissait de deux femmes différentes…et il s’agit bien de deux femmes différentes tant l’évolution de l’auteure en trente-trois ans est immense. Elle s’est entre temps enracinée, elle s’est construite, elle s’est trouvée. Il est troublant de voir à quel point cette évolution transpire dans l’écriture. Je vous conseille vraiment non seulement de découvrir cette femme terriblement attachante mais aussi de lire ses deux livres de façon rapprochée, tous deux permettant de découvrir un pan de l’histoire ukrainienne, le premier à l’aune de l’intimité d’une femme ballotée par l’histoire, le second au travers le prisme direct de l’Histoire. Un bel ensemble très complémentaire !

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Elle venait de Marioupol

Marioupol, Marioupol, voilà bien une ville qu’une triste actualité nous fait connaître aujourd’hui…

Mais pour Natasha Wodin, Marioupol n’évoquait pas grand chose, sinon une ville de l’est, elle se l’imaginait couverte de neige ; un simple entrefilet de presse sur un match de football entre l’équipe de cette ville et une équipe allemande la pousse à se renseigner, elle découvre une ville au climat remarquablement doux, sur la mer d’Azov.

Marioupol n’était pour elle que la ville de naissance de sa mère, Evguénia Iakovlevna Ivachchenko. Elle ne connaît quasi rien d’elle, sinon le lieu de sa naissance en 1920, son mariage, son départ comme travailleuse de l’Est en Allemagne et enfin son suicide dans les eaux de la Regnitz alors que Natasha n’avait que dix ans.



En 2013, Natasha Wodin se lance à la recherche de l’histoire de sa mère en tapant son nom sur Internet.



Le livre nous permet de découvrir en même temps qu’elle, petit à petit, et en la suivant dans ses moments de joie, de découragement et de tristesse ce que fut la vie brisée de sa mère.



Ce parcours est prenant comme un thriller ! Le suspense grandit, des pistes s’ouvrent, d’autres n’aboutissent à rien. L’autrice va de découvertes en découvertes, reçoit une aide impressionnante de Konstantin qui gère le site de généalogie Azov’s Greeks, correspond avec des membres éloignés de sa famille dont elle ignorait tout, reçoit des photos et même deux journaux écrits par Lidia, sœur de sa mère.



La vie de sa mère a été brisée, elle a été bousculée par l’Histoire et ses tragédies : la révolution russe, la terreur soviétique, la famine, le travail forcé en Allemagne, la condition de personne déplacée en Allemagne après la guerre, son mariage malheureux, elle ne cessera de répéter à sa fille : “Si tu avais vu ce que j’ai vu”.



Le contexte historique est donc particulièrement intéressant : révolution russe, terreur, les frictions entre ceux qui parlent ukrainien et ceux qui parlent russe, la guerre, l’esclavage des travailleurs forcés en Allemagne, l’hostilité de la population à leur égard après la guerre…

Ce n’est toutefois pas le seul attrait du récit, l’histoire de la famille l’est tout autant, on y côtoie des opposants au régime soviétique comme des partisans, des peines de prison, d’exil ou de goulag, un cousin issu de germain qui tue sa mère, un chanteur d’opéra.

Il y a encore autre chose qui m’a plu : la très belle description du lac Schaal dans le Mecklembourg et l’émerveillement qu’il apporte à l’autrice.

J’ai moins apprécié la comparaison faite des camps de travail forcé avec la Shoah, heureusement légèrement suggérée.



J’ai aimé le récit, un récit sans pathos, qui a pu rester sobre face à des événements qui ne le sont pas.

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Elle venait de Marioupol

J'ai voulu lire ce livre pousse par son titre, portant le nom d'une ville presente ces jours-ci dans tous les ecrans, pour le mauvais et pour le pire.





C'est un travail de recherche qu'a enterpris Wodin sur sa famille, surtout pour essayer de comprendre pourquoi sa mere s'est suicidee quand elle n'avait que dix ans. Elle utilise des livres d'histoire, l'internet, ainsi que des documents d'autres familles pour compenser les pieces manquantes du puzzle qu'elle essaye de completer. Ainsi, malgre un appreciable effort de rigueur historique, “ce qui fut” se mele au “ce qui surement fut”. Et ce, jusqu'aux moments ou elle a quelques souvenirs de son enfance, devenant alors la narratrice du devenir de ses parents jusqu'a la mort de sa mere.





Le livre est divise en quatre parties. Dans la premiere, la quete hesitante du debut, utilisant le web, m'a ete d'une lecture penible. Trop de sites internet visites, trop de noms et de correspondants dans les essais d'echafauder un arbre genealogique ont failli me faire lacher. Mais je suis un lecteur coriace et j'en ai ete recompense par la suite.



La deuxieme partie resume le journal que sa tante Lidia a redige a 80 ans. Les horreurs de la revolution sovietique a Marioupol; l'ostracisme que subit sa famille parce qu'anciens capitalistes; la faim endemique pendant de tres longues annees. “Il ne s'agit que de survie". En 1934 Lidia est jugee comme dissidente et deportee au camp de Medvejia Gora ou elle est lachee dans la nature sachant qu'elle ne peut s'enfuir: il n'y a autour que marais dangereux, forets, ours et loups. La, elle rencontre son futur mari, Youri, qui lui trouve un poste de prof pour des jeunes criminels dans une colonie d'enfants et adolescents entre huit et dix-sept ans. Des gamins des rues, des orphelins, des fils de prisonniers, certains devenus des criminels, des assassins, et parfois dès l'enfance: “Après le cours, Lidia consulte le dossier d'Ivanov 26 qu'elle a désigné comme délégué. Ce jeune de seize ans aux yeux bleus et clairs a déjà tué trois personnes. Il a étouffé sa grand-mère avec un coussin pour lui voler l'argent qu'elle avait épargné pour lui, il a défoncé le crâne d'un homme au marteau lors d'un cambriolage et tué un policier par balle. Il avait douze ans à l'époque.” Sa peine finie elle reste sur place avec son mari Youri et son fils Igor. Quand la guerre eclate, en Octobre 41, ils sont evacues vers le Kazakhstan.



Dans la troisieme partie elle revient a sa mere, Evguenia: elle a travaille pour les allemands a Marioupol et en 43 elle quitte avec les allemands qui evacuent la ville et passe avec son mari six mois a Odessa. “La dernière image de sa ville qui s'offre à ma mère est celle d'une gigantesque destruction. Il est clair depuis longtemps que la guerre est perdue, mais au dernier moment les soldats allemands dévastent ce qui reste encore de Marioupol. Avec une rage aveugle, ils font sauter un bâtiment après l'autre, visent au lance-flammes les fenêtres et les portes des maisons restées intactes, ils détruisent les écoles, les jardins d'enfants, les bibliothèques, les greniers à céréales et les réserves d'eau pour laisser autant de terre brûlée que possible derrière eux.” Mais “le 10 avril 1944, Odessa est reconquis par l'armée rouge – mes parents quittent l'Ukraine au dernier moment.”



Puis vient le sejour de ses parents en Allemagne d'apres des etudes et des archives. A Leipzig, dans l'usine Flick qui produit des avions, comme travailleurs forces, zwangsarbeiters, devant toujours porter l'insigne OST, ostarbeiter, souffrant de faim, de mauvais traitements et toujours de peur. Quand les americains arrivent ils ne sont pas rapatries (par chance. En Russie on les aurait surement juges comme collabos et liquides) et deviennent des DP, "displaced persons", des deplaces, a Nuremberg.



Quatrieme partie: A Nuremberg ils sont heberges (caches) par un allemand et reussissent donc a fuir les camps de DP. le pere reussit a travailler pour les americains dans une chorale de chants russes. Ils essaient de partir en Amerique mais le visa leur est refuse. Puis ils sont transferes au camp de Valka et la commence pour l'auteure l'ecole et la langue allemande. Avec le temps, de DP il deviennent apatrides avec le droit de rester en Allemagne et on leur donne un petit logement a la limite de la ville. En fait ils arrivent a peine a vivre subissant segregation et haine de la part des allemands. le pere voyage avec sa chorale ethnique et reste toujours absent. La mere se laisse de plus en plus aller pour finir par se noyer dans la Regnitz. Elle n'avait qu 40 ans.





Voila pour l'histoire familiale. Qui est beacoup plus que cela parce que le livre touche quelques episodes parmi les plus noirs du XXe. siecle. Certains tres documentes comme le harcelement des bourgeois par les revolutionnaires russes, d'autres qui commencent a l'etre, comme le holodomor, la grande famine provoquee par Staline qui fit des millions de morts en Ukraine, et un qui reste encore dans une certaine obscurite, l'exploitation de millions d'esclaves amenes de l'est par les nazis pour alimenter le capitalisme du Reich et sa machinerie de guerre en quelques milliers de camps de travaux forces.

Les rescapes des camps de la mort ont produit une importante litterature mais les esclaves non juifs qui ont frole l'extermination et y ont echappe grace a leur travail ont ete beaucoup plus silencieux. Ou meme silencies. Car personne n'aurait pu pretendre ne pas etre au courant, ne rien savoir: dans chaque ville allemande, dans chaque ferme autrichienne, ces etrangers etaient presents, soumis, individuellement ou par milliers, a un travail harassant, sinon a des conditions de vie bestiales. Meme le celebre Oskar Schindler avait etaye son entreprise sur le travail des denommes “ostarbeiter", hommes femmes et enfants, polonais ukrainiens ou russes, que les nazis qualifiaient de “materiel humain de derniere categorie”.

Et apres la guerre? Ceux restes en Allemagne ont continue longtemps a etre discrimines, et leurs enfants ont subi l'aversion (jusqu'a la haine) de leurs camarades autochtones. Mais, comme Natascha Wodin, ils ont reussi a transcender, a vaincre tout cela.





En fin de compte, apres un debut trainaillant, Wodin a reussi a ecrire quelque chose d'emouvant. Un travail de recherche tres pousse a fini par devenir une tres excitante litterature. Je suis sorti bouleverse de ce livre. Je n'oublierai pas de sitot sa mere, cette femme qui n'a pu surmonter le poids des abominations qu'elle avait (elle et sa famille) subies. Ce livre de memoire restera dans la mienne.

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La ville de verre

Le titre de l'ouvrage se réfère à l'Allemagne de l'Ouest "lisse à force de propreté névrotique et de refoulement d'un passé peu glorieux". Les paroles sont d'Evguénia Ivatchenka, la mère de Natascha Wodin, née comme Nathalia Nicolaïevna Wdowina le 8 décembre 1945 à Fürth. À un moment donc où il n'y avait pas grand-chose à nettoyer, puisque tout était ruines et décombres en Bavière.



Les parents de l'auteure étaient des Russes qui avaient connu le travail forcé en Allemagne nazie et avaient été installés à la fin de la guerre dans le camp de Walka (ou Valka) pour personnes déplacées à Langwasser, tout près de Nuremberg en Allemagne. C'était en fait un camp pour réfugiés de Russie et de l'Europe de l'est.



La mère de Natascha était originaire de Marioupol en Ukraine, une ville portuaire de la Mer d'Azov et une région qui a fait "grâce" aux ambitions territoriales démesurées de Vladimir Poutine récemment la une des journaux !



Natascha Wodin n'a pas vraiment bien connu sa mère puisqu'elle s'est suicidée lorsque l'auteure n'avait que 10 ans. L'ouvrage est en partie une recherche de la part de la fille pour comprendre et connaître cette mère disparue si jeune.



Il s'agit donc essentiellement d'une histoire de déracinement. Un thème qui est central dans l'oeuvre de cette auteure, qui vit actuellement à Berlin et Mecklembourg-Poméranie.

Elle est interprète allemand-russe et a en cette capacité souvent voyagée en URSS, soit pour des buts commerciaux à la demande d'entreprises allemandes, soit pour des manifestations culturelles. Au début, comme gamine, son Allemand se limitait à "Grüss Gott" et "Auf Wiedersehen"

( bonjour et au revoir), qu'elle disait l'un après l'autre en croisant des Allemands dans la rue, ce qui les faisait rire.



Par la suite, Natascha Wodin s'est mise à la traduction littéraire en traduisant des ouvrages de Vénédict Erofeïev (1938-1990) - auteur de "Moscou-sur-Vodka" et "Mon Lénine de poche" ; Andreï Bitov (1937-2018) - auteur de "Un russe en Arménie" ; Pavel Sanaïev, né en 1969 et auteur de "Enterrez-moi sous le carrelage" ; et la grande Evguénia Guinzbourg (1904-1977) - auteure de "Le vertige" et "Le ciel de la Kolyma".



Cet ouvrage constitue également une histoire d'amour, ou plutôt une double histoire d'amour, car le coeur et la raison de notre héroïne se balancent entre l'Allemand Helmut avec qui elle vit à Berlin et "L." qui réside, comme écrivain de renom, dans le quartier des privilégiés à Moscou.

Il y a bien entendu un lien entre cette ambivalence amoureuse et le déracinement du départ



L'ouvrage est hautement littéraire avec des citations et des extraits de poésie d'auteurs tels Peter Weiss (1916-1982), Alexandre Blok (1880-1921), Virginia Woolf (1882-1941), Anna Akhmatova (1889-1966), Vassili Axionov (1932-2009) - le fils d'Evguénia Guinzbourg - Iouri Trifonov (1925-1981), Vladimir Vyssotski (1938-1980) - l'époux de la célèbre Marina Vlady - Sergueï Essénine (1895-1925), Marina Tsvétaïéva (1892-1941) etc...



À cause du grand nombre de références et de renvois à la littérature, particulièrement russe, ce livre n'est pas facile à lire, mais il est riche et instructif pour celle ou celui qui est décidé à prendre le temps qu'il faut pour en profiter pleinement.

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Elle venait de Marioupol

En préambule, je voudrais dire à quel point ce livre est bouleversant et sa lecture à mon sens indispensable pour qui s'intéresse à l'histoire de la seconde guerre mondiale, à la vie des gens, et j'ai même envie de dire à l'humanité toute entière.



Elle venait de Marioupol raconte l'histoire peut-être méconnue de ces Ukrainiens en masse qui constitutèrent pendant la deuxième guerre mondiale les"travailleurs de l'Est".

La mère, mais aussi le père de Natasha Wodin en faisaient partie. Déportés d'Ukraine, ils se retrouvent à travailler en Allemagne dans une usine d'armement, ils vivent dans des camps qu'on peut sans peine assimilés à des camps de concentration.

À la fin de la guerre, point de retour possible, Staline liquide tous ceux qui reviennent, L'Allemagne dans sa défaite les hait.

Natasha Wodin, à l'automne de sa vie se met en quête de comprendre qui était sa mère, son identité, cette mère qui se donnera la mort en se noyant, lorsqu'elle aura 11 ans, ses dernières paroles terribles, elle dira à sa petite fille qu'elle est une enfant de Satan.

Natasha Wodin se lance dans la recherche de sa famille en pianotant sur l'Internet russe.

Par un hasard et une chance incroyable, elle finira par retrouver et surtout reconstituer l'histoire de sa famille.

À la lecture de ce livre, on s'interroge comment Natasha Wodin a pu vivre la suite de sa vie, après le décès de sa mère, quelle force elle a du trouver pour trouver une raison de vivre.



Ce livre est à la fois un témoignage, mais aussi L'HISTOIRE de notre monde

Je lui souhaite une longue vie et j'espère beaucoup, beaucoup de futurs lecteurs.
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La ville de verre

J'ai découvert Natasha Wodin, il y a quelques mois avec : Elle venait de Marioupol, un livre que j'ai beaucoup aimé et qui m'a conduit à ce nouveau titre: La ville de verre paru en 1987, soit près de 30 ans avant l'autre.

Tout d'abord, je dois dire que je suis fascinée par l'écriture de Natasha Wodin, elle est étincelante et nous renvoie au tréfonds de nos âmes.

L'auteur est une enfant née en 1945, ses parents étaient russes, exactement Ukrainiens, ils seront ce qu'on a appelé : les travailleurs de l'est envoyés travailler en Allemagne pendant la guerre. Leur situation au lendemain de la guerre est effroyable, ils ne peuvent retourner en Russie considérés comme des traîtres, et sont obligés de vivre en Allemagne dans un pays eminament hostile à leur encontre.

Ce sont ces jeunes années qui marqueront Natasha Wodin, qui la traumatiseont, villipendée et rejetée par les petites allemandes. Plus sa lourde tragédie familiale, sa mère se donnera la mort quand elle aura 11ans laissant à jamais la culpabilité enserrer sa vie.

À l'âge adulte, Natasha Wodin devient traductrice : russe/allemand. Elle se rendra plusieurs fois en Russie soviétique pour son travail sans jamais rien connaître de ce pays, de son pays.

Le livre nous relate une histoire d'amour avec un poète russe qui va la transporter dans cette Russie qu'elle ne connaît qu'à travers les classiques russes sur son étagère. Cet amour fou, la conduit à vivre à Moscou, à rencontrer et vivre au milieu de la maison des écrivains soviétiques menant une vie privilégiée.

Elle nous fait bien sûr réfléchir sur cette dualité : vivre libre à l'ouest et vivre en Russie soviétique.

Mais elle nous plonge aussi dans cette culture russe, par l'évocation de ce pays des tsars, du monde de Tolstoï et plus proche de nous des bardes :Boulat Okoudjava et Vladimir Vistsoki.



J'ai tellement aimé ce livre, encore plus peut-être parce qu'il m'évoque tant de souvenirs dont ma merveilleuse et inoubliable visite du domaine de Tolstoï à Isnaïa Poliana, située à 60 km de Moscou.



Mon souhait est de vous avoir convaincu de lire Natasha Wodin, que son lectorat grandisse de jour en jour, elle écrit aussi des poèmes mais non traduits à ce jour.



Natasha Wodin, j'aurais aimé vous avoir comme grand-mère.
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Elle venait de Marioupol

Née de parents ukrainiens envoyés comme travailleurs forcés en Allemagne en 1944, Natasha Wodin décide de mener l'enquête sur les origines de sa mère, suicidée à 36 ans alors qu'elle n'avait que 11 ans.

Aidée d'un généalogiste amateur qui maîtrise les recherches internet, elle va découvrir une famille dont elle ne soupçonnait ni l'existence, ni les épreuves que chacun d'entre eux a rencontrées, et va de cette manière, comprendre les choix de sa mère et sa plongée dans la folie.

Si tu avais vu ce que j'ai vu», répétait-elle à sa fille.

On découvre alors avec elle le sort d'une famille éclatée par les dictatures : celle de Staline avec les goulags, celle de Hitler avec les camps de travail. Et l'exil, la honte, la misère, la faim, la disparition des êtres chers...



Émouvant certes, mais en tant que témoignage historique.
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Elle venait de Marioupol

Quand j’ai attaqué ce récit autobiographique, je ne savais absolument pas qui était Natascha Wodin, traductrice et auteure allemande, d’origine ukrainienne. Je suis, apparemment, passée au travers de son roman qui pourtant ont tout pour (me) plaire, intitulé La ville de Verre. Ce récit-là, Netgalley m’a par chance accordé l’opportunité de le lire. J’ai passé grâce à lui quelques heures passionnantes à la découverte de la vie de l’auteure, de sa famille et de sa mère, Evguenia Iakovlevna Ivachtchenko, dont le portrait orne la première de couverture. C’est d’abord l’histoire de ses parents, travailleurs ukrainiens déportés en Allemagne de l’Est, le passé de cette mère exilée qui s’est donnée la mort alors que la jeune fille n’avait que onze ans, l’histoire de cette famille, qui est tout sauf ordinaire, qui a fini par s’éparpiller sur tout le territoire soviétique et au-delà. Plus que ces individualités, c’est l’universalité de destins qui ont été broyés à la fois par la révolution bolchevique, par le régime de Staline et par le national-socialisme. Ils sont de ceux à qui la vie n’épargne rien et qui n’en voient que le pire.



Allemande russophone d’origine ukrainienne, l’auteure est tenaillée par la méconnaissance de ses origines, ukrainienne, mais aussi italienne, à travers l’histoire d’un pays et d’une ville, Marioupol. Le lecteur de ces lignes vit donc avec elle la découverte d’une vérité bien plus profonde et nébuleuse que celle à laquelle elle s’attendait. Etrange labyrinthe, qui l’emmène bien plus loin qu’elle s’attendait, jusqu’aux confins de la Chine. Complexité à l’image de l’époque et du territoire soviétique, dont elle démêle patiemment les fils, accompagné à chaque découverte de l’étonnement qui est le sien à la découverte que sa mémoire d’enfant a retenu plus de choses qu’elle ne le pensait. Vous le devinez, c’est un récit qui m’a enthousiasmée, une vie, une histoire, des personnalités, une famille que j’ai appris à connaître, avec Natascha Wodin, une page d’histoire empoignante, tragique, qui se dévoile peu à peu sous nos yeux. Avec toute l’émotion d’assister à la décomposition progressive de sa famille. C’est un de ces livres qui donnerait envie d’en parler pendant des pages, ou en tout cas, qui va rester longtemps dans ma mémoire de lectrice.



Natascha Wodin rappelle fort à propos que si le grand livre de la Grande Guerre Patriotique a justement laissé beaucoup de place à la Shoah, il a largement sous-estimé ce que ces travailleurs forcés ont vécu: ces slaves traités ni plus ni moins que comme une main d’œuvre corvéable à merci, parqués dans des camps, au service d’entreprises allemandes, sous-hommes nourris à coups de quignons de pain rassis. Mais plus que tout, c’est le traumatisme provoqué par cet exil forcé puis par la mort violente, et volontaire, de sa mère. Reconstituer, Comprendre, avancer. Au-delà de son rapport intime que l’auteure a avec le sujet qu’elle traite, c’est un pan de l’histoire traité sous le prisme d’une famille. Ce qu’elle fait admirablement bien.



Au milieu de tout ça, il y a Konstantine, ce curieux personnage, ce passionné de généalogie qui a creusé, pour elle, Internet autant que possible afin de retrouver la trace de ses aïeux oubliés. Un homme étrange à la recherche d’une verité, celles d’autres, une obsession de la mise à jour qui frôle le compulsif.



Planter un décor, Marioupol, une ambiance, le stalinisme, c’est avec une attention constante que la lectrice que j’ai été a découvert à l’unisson avec l’auteur cette partie de l’Ukraine, du temps soviétique, vus et racontés à travers mille témoignages, mais pourtant, encre inconnu, tellement nouveau. Découvrir l’histoire de Marioupol la multiculturelle au bord de la mer d’Azov, cette ville offerte aux grecs sous le règne de la Grande Catherine, Marioypoli. Mais il y a aussi de ces lieux d’horreur qui hantent la mémoire soviétique, qui, peu importe ou l’on pose le regard, sont là, invariablement. Je parle des iles Solovki. Mais pas seulement. Le camps de travail soviétiques en Carélie russe la Medvéjia Gora et allemands.



C’est un récit que je pourrais lire plusieurs fois de suite assurément. La somme d’information est telle que l’on peut parfois se perdre dans cet arbre généalogique plutôt alambiqué et il est facile de se perdre parmi les arrières grands-pères, grand-mères, tantes et oncles qui composent cette lignée. Natascha Wodin esquisse-là une belle tentative d’approche pour mieux cerner, comprendre le tableau familial, la hauteur et la densité, parfois les incohérences, de cet arbre généalogique, à travers l’image de ces parents profondément antisoviétiques, dont certains membres ont pourtant travaillé pour le parti. Comprendre une famille, comprendre le mouvement sous-jacents qui l’ont traversée, qui l’ont influencée. Comprendre son héritage. L’auteure a reconstitué avec talent l’histoire familiale, cette fresque qui nous emmène de la révolution à l’Allemagne, c’est non seulement un témoignage unique, précieux, même si l’horreur de ce qu’a vécu sa mère ne peut convenablement pas trouver de qualificatifs appréciatifs. C’est une reconstitution sur une famille que la révolution russe a démoli, dispersé, achevée par le régime Stalinien, sur ces femmes maudites, sur sa mère qui est allée au bout d’elle-même. Natascha Wodin a fini par comprendre l’histoire de sa mère, qu’elle met à l’honneur à travers son récit. Récit qui est, je crois, le plus bel hommage qu’elle pouvait rendre à cette femme, à l’évidence, maltraitée par la vie, son pays et son mari.



Cette lecture a été un véritable coup de cœur pour moi, il brasse tellement de destinées improbables, de pages d’histoire, de lieux presque mythiques, Marioupol, Odessa, etc. de rencontres improbables qui ont donné lieu à toute une famille, elle brasse une telle somme de souffrances, d’injustices, qu’on ne peut lâcher ce récit, et que même la fin survient trop tôt. On en redemande. Et il faut en effet consulter Internet pour savoir ce qu’est devenue après la mort de la mère Natascha Wodin. Magnifique travail de reconstitution par cette fille qui a tenté de retrouver une mère, perdue trop tôt, derrière les dernières images de tristesse et de désespoir qu’elle lui a laissées.
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Elle venait de Marioupol

Attirée par la couverture -un portrait en noir et blanc d’une jeune femme d’un autre temps- et par le sous-titre –A la recherche d’une famille perdue en Union soviétique-, je m’étais empressée de lire la présentation en quatrième et là, une certitude: il me fallait absolument lire ce récit de vie qui s’annonçait aussi instructif du point de vue historique que bouleversant sur le plan humain.



La romancière et traductrice-interprète allemande d’origine ukrainienne Natascha Wodin, née Natalja Nikolajewna Wdowina, a vu le jour en 1945 dans un camp pour personnes déplacées en Bavière après que ses parents ont été déportés en Allemagne en tant que travailleurs forcés l’année précédant sa naissance.

Elle venait de Marioupol.



A la recherche d’une famille perdue en Union soviétique (2020) est un récit autobiographique libérateur, une enquête salvatrice dans les archives enfin ouvertes de l’Union soviétique ainsi qu’un éclairage bouleversant sur le sort de millions de travailleurs forcés non juifs -les deux tiers provenant d’Europe centrale et de l’Est- esclavagisés pendant la Deuxième Guerre mondiale pour maintenir à flot l’économie de guerre allemande.

(...)

Hantée par le souvenir de sa mère qui s’est suicidée en 1956 à l’âge de trente-six ans, Natascha Wodin a au fil des décennies tenté à plusieurs reprises de reconstituer la vie de sa mère avant sa déportation en Allemagne. En vain. Lorsqu’en 2013, à bientôt septante ans, elle tape un peu par jeu « Evguénia Iakovlevna Ivashchenko » dans un moteur de recherches russe, elle n’imaginait pas un instant tout ce qu’elle allait y découvrir.

(...)

Si elle a grandi dans la pauvreté et la promiscuité dans divers ghettos d’après-guerre réservés aux populations déplacées de force en provenance d’Europe centrale et de l’Est, Natascha Wodin a évolué dans un cadre familial traumatisé, marqué par le silence et les non-dits, ignorant pendant longtemps jusqu’à son statut de fille de travailleurs forcés. Dépourvue de racines, d’une identité et d’une histoire familiales, moquée, harcelée et mise à l’écart par les petits Allemands pour lesquels elle n’incarnait rien d’autre que la barbarie russe, elle a grandi avec la honte de ses parents et de son milieu.



Grâce à sa rencontre sur internet avec un généalogiste passionné, un Ukrainien d’origine grecque établi à Marioupol, elle va dès 2013 pouvoir progressivement combler les lacunes et reconstituer son histoire familiale du côté maternel. En quatre parties aussi intéressantes que touchantes, Natascha Wodin raconte avec précision ses démarches, ses difficultés et ses nombreuses -et incroyables- découvertes et nous dévoile le destin aussi extraordinaire que tragique de certains membres de sa famille élargie ainsi que celui de ses parents. Enfin, elle montre comment ces trajectoires de vie étaient étroitement liées à certains événements majeurs qui ont marqué au fer rouge l’Histoire de la première moitié du XXème siècle.



Elle venait de Marioupol est un témoignage humainement et historiquement fort que je vous conseille vivement de lire si vous aimez les récits de vie et l’Histoire.






Lien : https://livrescapades.com
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Elle venait de Marioupol

Un grand merci et cinq coquillages pour Anne-yes qui m’a permis d’aller vers ce livre, c’est une lecture indispensable pour mieux comprendre l’Ukraine d’hier avec les conséquences qu’on connaît aujourd’hui . La mère de Natasha Wodin, l’auteure, est d’origine ukrainienne, elle est née à Marioupol, son père bien qu’Ukrainien est de langue allemande . Ce livre, retraçant le destin douloureux de sa mère, se divise en quatre parties.



– La première est consacrée à la recherche sur Internet de sa mère dont elle ignorait tout, sauf qu’elle venait de Marioupol. Très vite elle obtient une réponse qui lui vient de Russie d’un homme qui sera son ange gardien dans ses recherches. Un certain Konstantine, et à sa grande surprise, elle découvrira que les mensonges qu’elle racontait quand elle était enfant sont en grande partie vraie. Elle s’imaginait princesse et elle découvre que sa famille d’origine italienne était une des plus riche de Marioupol et, qu’effectivement, ils habitaient un palais. Toute l’enfance de l’auteure, en Allemagne, elle s’est sentie paria ( elle dit même « un déchet » en parlant d’elle) car elle, et sa famille faisaient partie des anciens travailleurs de l’est pays qui sont devenus communistes (donc ennemis !) C’est l’aspect de ce livre qui m’a le plus passionnée, car je n’ai jusqu’à présent rien lu sur ce sujet : que savons nous de ces milliers (peut être millions ?) de personnes déplacées pour servir d’esclaves au troisième Reich en manque de main d’œuvre ? Nous connaissons en tout cas le sort de ceux qui sont retournés sous le joug stalinien : fusillés comme traître ou envoyés directement au goulag.

– Son enquête avance grâce à Konstantine, et elle raconte dans la deuxième partie, le sort de Lydia la sœur de sa mère. Celle ci a écrit ses mémoires et on peut alors découvrir toute l’horreur des débuts du communisme en Ukraine jusqu’à la famine qui sera un des plus grand crime commis contre un peuple. Bien que condamnée au goulag, Lydia a survécu et sa mère qui était venue garder son enfant aussi, elle était arrivée en 1941 quelques jours avant l’invasion allemande et ne pourra plus jamais repartir. Natasha comprend en enfin pourquoi sa mère a été abandonnée par sa propre mère.

– Dans la troisième partie, grâce à ce qu’elle sait maintenant, elle cherche à comprendre pourquoi sa mère est partie en Allemagne à la fin de la guerre. Elle y rencontrera son père lui aussi travailleur déplacé qui l’a beaucoup aidée et lui a permis de survivre.

– Enfin dans la quatrième et dernière partie, on voit cette femme plonger dans une dépression terrible qui fera fuir son mari violent et alcoolique. La petite Natasha s’enfonce dans ses mensonges pour fuir cette chape de malheur qui tue sa mère à petit feu.



Tout l’intérêt de ce livre vient de ce que l’auteure sait nous faire découvrir la vie de sa mère au fur et à mesure de ses propres recherches. Elle n’avait qu’une très vague idée de qui était sa mère, elle lui en voulait d’avoir si peu su lui faire une vie heureuse et d’être éternellement cette femme déprimée. Mais, comme elle, nous sommes bouleversées de voir que son destin aurait pu être moins tragique si elle avait su que sa propre mère et sa sœur avaient survécu au goulag.

Historiquement, le destin de ces travailleurs venus des pays occupés par l’Allemagne Nazie est mal connu et terrible. Mal connu, car il pèse sur eux le jugement de collaboration avec le régime de l’occupant et personne n’a vraiment pris la peine d’analyser leurs souffrances, on sous entend souvent qu’ils avaient le choix de ne pas y aller. Ce qui est loin d’être vrai. En plus si vous aviez le malheur d’être slave alors vous faisiez partie de la race des esclaves et votre sort était plus proche de l’univers concentrationnaire. Le pire, pour ces hommes et ces femmes, est qu’aucun pays n’attendait votre retour. En France les anciens du STO sont rentrés sans gloire, certes, mais ils ont retrouvé une vie normale. Les Ukrainiens et les Russes étaient renvoyés chez eux à une mort certaine plus ou moins immédiate.



Un très beau livre, tout en émotion et qui nous fait revivre l’histoire si douloureuse de ce pays.
Lien : https://luocine.fr/?p=16116
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Elle venait de Marioupol



Si vous avez ce livre entre les mains, un conseil, munissez vous d'une carte de l'Europe élargie à l'ex URSS, vous allez en avoir besoin !

Il vous faut également du papier, un crayon et votre livre d'histoire du XXeme siècle ; vous allez parcourir ces 100 ans et cocher malheureusement, toutes les catastrophes humanitaires qui se sont déroulées. Les deux guerres mondiales, la révolution russe, la montée du nazisme, l'après guerre en URSS et en Allemagne de l'Est, bref, toutes les horreurs en trois générations.

Si la lecture est éprouvante, impossible d’imaginer ce que fut la vie de ces familles !

L'auteure, vivant en Allemagne seule, sans famille, part à la recherche des racines familiales maternelles dont elle a peu de traces, sauf quelques souvenirs, images ou sons, venus de nulle part, semble -t-il !

Sa mère Evguenia, s'est suicidée alors qu'elle avait 11 ans, en se jetant dans la rivière en bas de chez eux. Suicide longuement préparé et annoncé. La petite fille devenue adulte cherche à en savoir davantage sur sa mère et elle va découvrir une famille aux origines politiquement et financièrement très diverses, mais au destin commun.. éclatée, détruite par les deux guerres.

Grâce à internet qui va la mettre en relation avec Konstantin, généalogiste fanatique, spécialisé dans les recherches des Grecs de Marioupol, l'auteure va découvrir cette ville sur la mer d'Azov, ville italienne, grecque, russe, ukrainienne et cosmopolite s'il en est, puis petit à petit, lentement au gré des recherches administratives, l'arbre généalogique va s'étendre , elle va voir et discuter avec des cousins , retracer le chemin de ses parents de Marioupol à Nuremberg et souffrir avec eux les horreurs du rejet, de la mise de coté des travailleurs forcés ukrainiens par les allemands, par les soviétiques, obligés de rester dans un pays dont ils ne parlent pas la langue ni ne comprennent les usages.

Retracer pour comprendre, comprendre pour pardonner, où en est l'auteure en ce moment ?

Nous, ses lecteurs, avons fait un voyage en enfer, mais nous en sortons grandis par la connaissance de faits méconnus de la majorité d'entre nous.
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Elle venait de Marioupol

Après maints essais infructueux, par habitude, l’autrice pianote sur l’internet russe le nom de sa mère, non pas parce qu’elle en a perdu la trace, mais pour connaître son passé. Là, pour la première fois, elle peut lire « Ivachtchenki, Evguénia Iakovlevna, née en 1920, à Marioupol ». « En cherchant ma mère, je n’avais jamais eu l’idée de me renseigner sur la ville dont elle était originaire, Marioupol » Sa mère est née dans le sud, cela lui paraît surréaliste « Pour la première fois depuis sa mort, ma mère devenait une personne extérieure à moi ». Ainsi, elle avait vécu la vie d’une petite fille de la noblesse locale « Une jeune fille qui n’avait pas grandi dans l’endroit le plus froid et le plus sombre du monde mais près de la Crimée, au bord d’une mer chaude du Sud…. Rien ne me semblait plus inconciliable que ma mère et le Sud, ma mère et le soleil et la mer ».

« L’inconnu ancien s’était transformé en un inconnu nouveau ».

Konstantine, qui anime le site « Azov’s Greeks, va l’aider en fouillant dans les archives de Marioupol et ailleurs, tenter de retrouver des traces de sa famille.



Natascha Wodin raconte ses recherches, la découverte de cousins et, surtout, la photo de son arrière-grand-mère « je me suis reconnue sur une photo de Marioupol qui avait plus de cent ans. Je ressemblais comme deux gouttes d’eau à mon arrière-grand-mère, même sa façon d’appuyer un coude sur le dossier du canapé et de tenir l’autre sur les genoux, je la connaissais chez moi ».

Elle découvre la vie de ses ancêtres et en tombe des nues. Elle vient d’une famille très aisée, noble, des italiens venus s’installer à Marioupol pour y faire fortune. Cette dynastie est totalement anéantie par l’arrivée du communisme, puis de Staline.

La seconde guerre n’est pas plus clémente. Les nazis occupent la ville et déportent des milliers de bras ukrainiens pour faire marcher l’économie de guerre allemande. Sa mère fait partie de ces personnes et découvre l’enfer des camps. La seule différence avec les camps réservés aux juifs, tziganes, homosexuels, c’est qu’il n’y avait pas de chambre à gaz.

« Dans les camps, le typhus et la dysenterie font rage. Les ouvriers qui tombent malades sont envoyés dans le baraquement bondé des malades, où ils reçoivent une aide médicale minimale. Au début, on renvoyait encore les malades dans leurs pays d’origine, maintenant on ne se donne plus cette peine. Si les malades ne guérissent pas suffisamment vite, ils risquent l’attestation d’incapacité permanente de travail presque toujours une condamnation à mort. Le patient n’est plus soigné, cela priverait le peuple allemand de trop de médicaments dont il a un besoin urgent. Il est abandonné à lui-même, ne reçoit que de soi-disant aliments diététiques et il meurt très vite la plupart du temps. »

Une fois la guerre terminée, les ukrainiens n’ont jamais pu retourner en Ukraine car ils étaient considérés, par Staline, comme traites à leur patrie. Oui, eux que l’on a considéré pire que des animaux, traités comme des serfs sont traîtres à l’URSS, ils auraient dû mourir. Beaucoup se sont vus refusés le visa pour les USA et sont restés en Allemagne, Nuremberg, pour la famille de Natascha, c’est d’ailleurs là qu’elle est née.

N’allez pas croire que le bonheur arrive, non, pas de place pour eux, sous-race, ils sont rejetés et la famille trouve un abri dans un entrepôt, qu’un allemand leur laisse occuper.

Dénoncés, ils ont intégré une sorte de quartier-ghetto où sont ceux qui ne peuvent plus repartir chez eux. Natascha connaît, au sein de son école, le racisme ordinaire des laissez-pour-compte, même de la part des enseignants.

Le livre raconte l’éclatement de la famille en plusieurs points de l’URSS et, derrière la vitrine lisse de l’union soviétique, les drames politiques et humains qui ont découlé du totalitarisme.

Certaines personnes ne connaissent que le malheur, le rejet, aucun rayon de soleil pour réchauffer leur pauvre vie. Dans ces conditions, pas facile d’être une bonne mère, une bonne épouse, d’aimer la vie. La mère de Natascha s’est jetée dans le fleuve alors que la gamine n’avait que 11 ans, lassée de cette vie.



Avec l’aide précieuse de Konstantine, Natascha va découvrir des survivants, des cousins ou petits-cousins, une famille à laquelle elle ne pensait pas

A travers ce qu’ont vécu sa mère et sa famille, l’autrice montre les dévastes causés par la folie humaine, la soif de pouvoir absolu, l’idéalisme poussé à son paroxysme.

Une lecture prenante, âpre, quelque fois dure, le soleil n’entre jamais dans les mots. Si elle a pu reconstituer la vie de sa tante, de sa grand-mère, elle n’a pu qu’imaginer, avec les souvenirs qui reviennent (elle ne pensait pas en avoir autant), les récits qu’elle a pu glaner sur Internet, le trajet de sa mère

Un bel hommage à une mère “broyée par deux dictatures”


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Elle venait de Marioupol

Née en 1945 Natascha Wodin est une écrivaine allemande d'origine soviétique. Ses parents sont arrivés en Allemagne comme travailleurs forcés en 1944. Evguénia Iakovlevna Ivachtchenko (1920-1956), la mère de l'autrice, s'est suicidée quand celle-ci avait dix ans. Natascha Wodin sait très peu de choses sur sa mère et sa famille maternelle. Un jour de 2013, cependant, elle trouve le nom de sa mère sur l'internet russe. S'en suivent plusieurs coups de chance ou hasards miraculeux. Natascha Wodin fait la connaissance de Konstantine, un Grec de Marioupol, généalogiste amateur qui, de fil en aiguille, reconstitue l'histoire de ses ancêtres. Natascha Wodin entre même en contact avec des cousins dont elle ignorait auparavant l'existence. Elle qui a vécu une enfance misérable et se rêvait en princesse pour la supporter découvre alors une famille qui fut une des plus riches de Marioupol.



Derrière l'histoire de la famille Ivachtchenko, très représentative, c'est le sort tragique du peuple ukrainien au 20° siècle qui nous est rappelé : révolution russe et guerre civile ("Au cours des cinq années de guerre civile, le pouvoir administratif à Marioupol change de main à dix-sept reprises"), Grande famine, procès truqués et déportation au goulag, invasion de l'URSS par l'Allemagne nazie ("Au moment de l'entrée des troupes allemandes, 240000 personnes vivent à Marioupol, deux ans plus tard ils ne seront plus que 85000"), travail forcé en Allemagne et encore le goulag pour ceux qui en sont revenus. On ne peut pas dire que le 21° siècle soit pour l'instant plus favorable. Cette histoire a séparé et détruit les familles et Natascha Wodin est loin d'être la seule à rechercher les siens : Konstantine est surchargé de travail. Il existe une émission de recherche de disparus à la télé ukrainienne, "Attendez-moi", mais il y a tellement de monde qui fait appel à elle que le temps d'attente est de plus d'un an.



Natascha Wodin raconte aussi la vie de sa mère en Allemagne. Evguénia et son mari (le père de l'autrice) sont affectés comme travailleurs forcés à une usine du groupe Flick à Leipzig, logés dans un camp. L'autrice ne sait rien de la vie de ses parents à cette époque. Elle s'appuie sur des documents et des récits d'autres travailleurs de la même usine pour imaginer leurs conditions d'existence dans un groupe "connu pour ses conditions de travail et de logement particulièrement inhumaines". J'ai trouvé très intéressant ce que j'ai appris à ce sujet. L'Holocaust Memorial Museum de Washington estime à 30000 le nombre de camps de travailleurs forcés sur le territoire du Reich allemand.



Après la guerre la famille Wodin connaît des conditions d'hébergement très précaires jusqu'en 1952 : ils vivent dans un hangar puis dans un camp de personnes déplacées. L'autrice s'appuie sur ses souvenirs de petite fille pour raconter l'ouverture qu'a été pour elle le fait d'aller à l'école à l'extérieur du camp et d'y apprendre la langue allemande mais aussi la façon dont elle a été maltraitée par les petits Allemands, avec la complicité de l'institutrice, car en tant que Russe on se vengeait sur elle de la défaite de l'Allemagne. La famille n'est pas vraiment un refuge. Le père bat femme et filles puis disparaît pendant de longues périodes, la mère sombre peu à peu dans la folie. La fin est poignante.



J'ai beaucoup apprécié cet excellent ouvrage. J'ai trouvé très intéressante l'histoire de la famille ukrainienne de l'autrice et sa quête pour en renouer les fils. Natasca Wodin raconte comment elle a pendant longtemps fantasmé la vie de sa mère et la façon dont ses découvertes valident ou invalident ce qu'elle avait imaginé. J'aime bien sa façon de présenter le contraste qu'il peut y avoir entre le rêve et la réalité et de montrer comment sa recherche réactive des souvenirs enfouis. Elle croyait ne rien savoir, elle découvre que ce n'est pas tout à fait le cas.



J'ai été choquée par ce que j'ai appris du sort des travailleurs déplacés pendant et après la guerre. J'ai pensé bien sûr à L'Ukrainienne de Josef Winkler. Il est clair que Valentina Steiner a eu beaucoup plus de chance qu'Evguénia. D'après ce que j'ai lu il semble que ce soit le cas de la première qui soit l'exception. Autre différence : Valentina a gardé le contact avec sa mère, Evguénia ne savait pas ce que la sienne était devenue, ignorance qui l'a minée.



Enfin j'ai été impressionnée par ce qu'est devenue Natascha Wodin après un début de vie très difficile : une traductrice et une autrice, une femme qui semble apaisée et je lui dis bravo. Avec cet ouvrage elle restitue une humanité à sa mère que le père a toujours traitée de folle après sa mort.
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