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Citations de Nathalie Azoulai (277)


Primo, dans ma classe, il y avait trop de filles, des filles partout, des filles tout le temps. Avec leurs drames permanents, leurs dialogues maniaques, il m’a dit, je lui ai dit – pourquoi les filles restituent-elles les échanges avec un tel détail quand les garçons les résument ? – leurs allures de grappes sur les marches, les bancs dans la rue, leurs voix aiguës.
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Sa mort a déclenché en moi un vrai siège à l’intérieur duquel le chagrin sinuait à peine. J’ai pensé que c’était l’affairement, toutes ces choses à organiser sous le choc, les membres gourds, l’œil perpétuellement rivé sur tout ce qui avait pu m’échapper : je bougeais, je parlais, mais tout était ralenti, mes pieds étaient pris dans la glace, ça ramait, ça n’avançait pas.
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Mais j’ai lâché Anna Karénine, je l’ai lu avidement jusqu’à la page 350 et je me suis arrêtée tout net. Je n’arrive pas à le reprendre, je ne peux plus lire que la moitié d’un roman épais. J’entends souvent que les gens n’ont plus le temps pour ça mais si on fait le calcul, ils passent des heures devant des séries, à commencer par moi qui cède à ce loisir paresseux. C’est une question de cerveau, pas de temps, et de motivation, comme si l’idée que les romans ne disent plus le monde s’installait dans nos esprits. C’est une malédiction car le désir d’écrire, lui, ne disparaît pas et augmente même avec l’espérance de vie (après la retraite, les gens ont du temps pour ça). Mais la littérature, elle, a peut-être l’avenir d’un artisanat très rare comme la glyptique ou la plumasserie, bonne à ne plus fournir qu’une clientèle triée sur e volet. Si au moins elle avait le savoir-faire des luthiers, indémodable, indispensable et modeste, mais non, même pas.
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Big Data est une masse volumineuse et véloce. Si elle se composait de livres, elle napperait tout le territoire américain et grimperait sur cinquante-deux étages. Si elle se composait de CD, on en verrait cinq colonnes monter jusqu’à la Lune. Certains parlent du déluge de données face auquel il faut dresser une arche, au moins le savoir-faire d’un Noé ou d’un Thésée pour frayer son chemin, contrer cette manne, qu’elle ne nous engloutisse pas, ne devienne pas notre châtiment suprême.
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– Python, ajoute-t-elle, s’écrit très rapidement, c’est un atout. En revanche, il s’exécute un peu moins vite que d’autres langages. Il faut toujours arbitrer entre le temps d’écriture et le temps d’exécution.
Cette idée d’exécution me plonge dans des abîmes de réflexion. Qu’un signe produise autre chose que du sens, je n’en reviens toujours pas, même si évidemment je pense aux notes d’une partition qu’on exécute. Et la langue courante ? Et si la littérature s’exécutait, que se passerait-il ? Tous les livres prendraient vie, nous deviendrions les personnages, leurs histoires contamineraient nos existences. La poésie s’exécuterait plus vite que la peinture. La Terre serait instantanément bleue comme une orange. La question du temps m’épate, le code court après la vitesse, pour qu’entre le signe et ce qu’il produit, l’intervalle se réduise, disparaisse, n’existe pas, running code, disent les Anglo-Saxons.
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Si la grammaire est l’art de parler, le code est l’art de programmer, et programmer, l’art d’expliquer ses pensées à la machine par des signes que les hommes ont inventés à ce dessein…
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Dans l’iPhone 13, par exemple, 15 milliards de transistors font des billions de calculs par seconde.
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Quand je l’écoute, je vois du code pousser sous toutes les surfaces du monde, le menu, la table, les banquettes, le zinc, le percolateur, la caisse, le feu rouge à l’extérieur. Le sol devient surface de verre sous laquelle j’aperçois les lignes de code. Je me figure des masses touffues, velues, qui chaque fois que je soulève une chose, une action quotidienne, acheter un billet de train ou une place de théâtre, prolifèrent sous la pierre comme des mousses, des fourmis. Je fais une expérience mentale, je supprime le code comme on éteindrait l’électricité dans le monde entier et tout plonge dans le noir, la faim, le froid. Rien de bucolique ne se profile, aucune vision champêtre, seulement la guerre, la désolation, l’apocalypse.
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Je recommence à lire des blogs [sur le code]. La plupart sont écrits dans un mauvais français, bourrés de fautes, de t et de s mal placés. On peut soutenir une activité cérébrale intense et être illettré. Évidemment, mais au lieu de le déplorer, j’y vois une sorte d’état de fait, comme si les codeurs avaient admis que le langage humain était devenu secondaire. Ils ne font même pas semblant, n’accordent plus rien convenablement, laissent la langue partir à vau-l’eau tandis que l’autre langue, celle qu’ils pratiquent, elle, ne souffre aucune entorse, aucune inexactitude, pas la moindre petite virgule mal placée. Et ça ne dérange personne, même pas moi à vrai dire. Nos deux illettrismes se regardent en chiens de faïence.
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Il y a du beau code et du code moche, poursuit- elle. II n'y a qu'à regarder, tu prends plusieurs codes du même programme et tu en compares les masses, le nombre de lignes, les indentations, les symétries, le dessin général à l'écran. On distingue tout de suite ce qui est élégant, économe, de ce qui est verbeux, boursouflé, sur- chargé.
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Par curiosité, je demande à Chloé d'encoder « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » qui devient : 4C 6F 6E 67 74 65 6D 70 73 20 6A 65 20 6D 65 20 73 75 69 73 20 63 6F 75 63 68 E9 20 64 65 20 62 6F 6E 6E 65 20 68 65 75 72 65
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Je recommence à lire des blogs. La plupart sont écrits dans un mauvais français, bourrés de fautes, de t et de s mal placés. On peut soutenir une activité cérébrale intense et être illettré. Evidemment, mais au lieu de le déplorer, j'y vois une sorte d'état de fait, comme si les codeurs avaient admis que le langage humain était devenu secondaire. IIs ne font même pas sem- blant, n'accordent plus rien convenablement, laissent la langue partir à vau-l'eau tandis que l'autre langue, celle qu'ils pratiquent, elle, ne souffre aucune entorse, aucune inexactitude, pas la moindre petite virgule mal placée. Et ça ne dérange personne, même pas moi à vrai dire. Nos deux illettrismes se regardent en chiens de faience.
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Ma gêne était impure, elle a tourné, disait-elle, elle a mal tourné et s'est muée en esprit de compétition. J'étais forte mais j'avais un ego fragile. Quand on est trop différent, on devient fragile, c'est comme ça, tu le sais,et, chez moi, cette fragilité, c'est devenu de l'arrogance.
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Choisir un sujet de recherche, c'est comme choisir un homme, on sait qu'on en prend pour des années.
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Sur l'un des murs de mon bureau, il y a un grand tableau magnétique. Je l'ai installé après avoir vu la série Homeland, mais jusque-là, je n'y ai accroché que des pense-bêtes, des photos de mes filles, des numéros de téléphone que je n'ai jamais composés. J'enlève tout. Je cherche un portrait de Grace Hopper (avec vernis à ongles), je l'imprime et je l'accroche au centre du tableau. Juste à côté, je mets une photo de Boris, puis des images de jeunes hommes entre eux, dans la guerre, le rock, un vestiaire, une boîte, une chambrée, une salle de garde, un bar, une cité.
Je sais bien que je n'ai ni meurtre ni coupable à trouver, mais j'ai un mystère à élucider.
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En pleine Seconde Guerre mondiale, Grace Hopper est la première à dire qu'elle code quand elle donne des instructions à une machine. Jeune, elle a l'air d'une actrice hollywoodienne....
..... Grace entre dans l'armée. Elle définit le codage comme une suite d'ordres précis enregistrée dans une mémoire, elle ne parle pas encore de langage, mais en 1955 le concept de traduction émerge. Les machines se multiplient et il faut trouver un langage commun à toutes, universel. A cet époque-là, l'ordinateur n'a pas encore de visage puisqu'il n'a pas d'écran. C'est plutôt une sorte de grand tableau de bord. Il n'y a pas de reflet, l'hypnose n'a pas encore commencé et le codeur n'est pas né. Le verbe coder s'efface durant vingt ans et on dit programmer.
Dans les années quatre-vingt, coder revient, vif, compact. Certains le déplorent, le trouvent trop obscur, légèrement occulte. Pas le jeune homme qui, lui, aime bien ce verbe. Il ne sort plus de sa chambre, y passe des nuits blanches. Il pianote durant des heures sans parler, rivé, vissé. Son corps se réduit à ses yeux, à ses mains. Son visage se reflète dans l'écran. Les femmes, elles, ont quasiment disparu du champ, on reste entre hommes.
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Je lis aussi que coder n'est rien d'autre qu'une écriture administrative, logique et chiffrée, qui consiste à écrire pour organiser, classer, qu'après la fiche comptable, la copie, la photocopie, la technique a produit le fichier numérique, rien de plus, mais alors je ne vois pas pourquoi tant de jeunes hommes dans la force de l'âge se passionneraient pour ça.
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Nos textes quand ils s'affichent sur l'ordinateur s'écrivent sur un millefeuille d'autres textes écrits par d'autres mains. L'idée de palimpseste a toujours enchanté les écrivains, mais de ce palimpseste-là, ils ne parlent pas.
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Sur trente-trois ans d'amitié, dix ans, c'est un bail, plus qu'une banale éclipse qui venait s'ajouter à toutes les interruptions précédentes, de quoi définitivement prouver l'intermittence de nos cœurs. Si on avait dû élever une stèle à notre histoire, on y aurait gravé dessus les dates « 1988-2021 » avec un tiret trompeur qui en contenait plusieurs, mais tant de discontinuité révélait aussi un ciment : dans la distance et dans l'absence, Adèle et moi, on continuerait à se talonner, sur la terre comme au ciel.
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D'ailleurs, j'allais partir quand j'ai croisé son regard chocolat, chocolat fondu. Ses yeux semblaient napper tout ce qu'ils trouvaient.
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