utter contre les discriminations ? Si elles sont souvent réelles, parfois fantasmées, nous voilà aujourd'hui sommés d'adopter un idiome artificiel jugé conforme aux droits des uns et des autres. Pourquoi ? Afin de manifester notre adhésion sans réserve à la cause sacrée de l'« inclusion ». Or, la langue inclusive cristallise tensions et incompréhensions. Seulement, qui oserait la contester tant elle apparaît relever du progrès ?
Les systèmes autoritaires ont toujours voulu contrôler la parole et l'écriture. L'actualité montre qu'il est urgent de protéger la langue française des assauts qu'elle subit. C'est la conviction des douze écrivains et penseurs de premier plan et de tous bords que réunit ce livre. Ils y analysent et combattent ce phénomène de société paradoxal, défendant ensemble l'universalisme républicain. Un ouvrage salutaire.
Préfacé par Annie Genevard, dirigé par Sami Biasoni, cet ouvrage réunit Mathieu Bock-Côté, Jean-François Braunstein, Jean-Michel Delacomptée, Yana Grinshpun, Nathalie Heinich, Anne-Marie le Pourhiet, Bérénice Levet, Mazarine M. Pingeot, François Rastier, Xavier-Laurent Salvador, Boualem Sansal et Jean Szlamowicz.
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L'oeuvre de Forestier est décrite à la manière d'une "petite industrie" marchant avec peu de moyens selon un modèle cyclique. Forestier part de peu et ne cherche pas à obtenir plus. Selon les infirmières de l'hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole où Forestier était interné, ce dernier avait installé "son petit atelier" dans le couloir situé à côté des cuisines de l'hôpital . Son lieu de création "se composait d'un établi rudimentaire fait d'un plateau à peine équarri et fixé sur des caisses d'emballage un guise de chevalets. Forestier était le seul gestionnaire de cet univers. Il s'était confectionné ses propres outils à partir des éléments glanés au sein de l'hôpital. "Un poinçon composé d'un gros clou emmanché par lui-même" lui servait à la décoration de ses oeuvres, et "un morceau de tranchet de cordonnier également emmanché par ses soins" lui permettait de dégrossir le bois qu'il utilisait pour ses assemblages.
Concernant "la matière première" à partir de laquelle il formait ses sculptures, celle-ci était "de provenances de plus variées", était-il écrit. Il s'approvisionnait non chez un grossiste, mais dans les "ordures de cuisine", les "balayures des ateliers de couture", ou encore dans "la cour de l'hôpital". Il n'achetait rien, il récupérait.
Que l'on se rassure donc : tant que sera maintenue sa valeur d'opérateur critique, l'Art Brut ne pourra être restreint à un courant artistique. Ce qui fait battre depuis sa naissance le coeur de l'Art Brut, c'est l'écho pluriel d'un singulier jamais identifié préalablement, la création d'un public issu d'une altérité. L'histoire d'un Autre radical devenu un autre relatif, relationnel.
Il y a près de vingt ans, le sociologue Didier Lapeyronnie publiait dans la Revue française de sociologie un article qui fit polémique : consacré à « l’académisme radical », il analysait la tendance de la sociologie française, depuis le début des années 1990, à importer le « combat politique » dans l’espace scientifique conçu comme un espace de « lutte » pour le « monopole » de la « vérité ». Ce vocabulaire identifie clairement l’origine du phénomène : il s’agit du courant « bourdieusien » issu de la « sociologie critique » de Pierre Bourdieu et de ses disciples telle qu’elle s’est infléchie dans la dernière décennie du XXe siècle en direction de l’« engagement » (notamment à partir de La Misère du monde en 1993), par quoi le célèbre sociologue renouait avec la tradition sartrienne expérimentée lors des deux premières glaciations.
De Pannelier, Camus peut se rendre régulièrement à Saint-Étienne pour se faire soigner par pneumothorax : il va — probablement à bicyclette — à la petite gare du Chambon sur Lignon, où il prend le train jusqu’à Dunières, puis change pour Saint-Étienne (il lui arrive même, dit-on, de faire les soixante kilomètres à vélo lorsque le train est bloqué par les intempéries).
Si les écrits de Jean Dubuffet ont encouragé le choix du noir comme couleur ad hoc, l'histoire des expositions du Foyer de l'Art Brut a contribué à en faire un dogme. À la dimension secrète et confidentielle du contexte d'émergence des œuvres, se superpose le contexte de diffusion lui-même discret et surtout souterrain dans lequel Dubuffet a mené les activités liées à l'Art Brut de 1945 à 1975, date du transfert des collections de Paris pour Lausanne. Les descriptions des premières expositions du Foyer de l'Art Brut, et leurs interprétations dont l'historiographie s'est largement fait le relais, ont fortement contribué à la construction du mythe du "noir-Lausanne".
Mythologies scénographiques : noir ou blanc ?, Déborah Couette
Si l'on continue à travailler sur l'Art Brut, c'est parce que ce concept réclame toujours une vigilance critique qui permet de lui conserver une force active. Et c'est dans cette fragilité que je perçois le lien avec l'art contemporain, victime d'un rejet que Nathalie Heinich a soigneusement analysé.
Le "brut" à l'épreuve du "contemporain", Céline Delavaux
Nous pensions en avoir presque fini avec la contamination de la recherche par le militantisme. Mais le monde académique que nous dessinent les nouveaux chantres de l’identitarisme communautariste n’a rien à envier à celui que s’étaient jadis annexé les grandes idéologies. Nos « universitaires engagés », trouvant sans doute que voter, manifester, militer dans une association ou un parti ne sont pas assez chics pour eux, tentent de reconquérir les amphithéâtres et leurs annexes. Obnubilés par le genre, la race et les discours de domination, ils appauvrissent l’Université de la variété de ses ressources conceptuelles.
Un jour, j'ai eu envie d'écrire sur les maisons que j'ai fréquentées, et qui ont disparu de ma vie, exactement comme des gens qu'on a aimés, qui ont énormément compté pour nous, et puis qui sortent de nos existences, pour telle ou telle raison.( ...)Et puis enfin, un jour, j'ai trouvé ma maison.
Si vous preniez une barre en laiton parfaitement incurvée et symétrique, magnifiquement polie, elle vous séduirait également au titre d'œuvre d'art ?
Le monde de l'art contemporain a donc bien changé par rapport aux légendes de l'art moderne qui bercèrent la jeunesse de ceux qui s'initièrent à l'art du temps où tout se jouait entre Montmartre et Montparnasse. Il s'est à la fois internationalisé et spécialisé, en se refermant socialement sur un milieu beaucoup plus restreint que le grand public qui, au XIXème siècle, se rendait au Salon de peinture ; devenu, socialement, un monde à part, il est en même temps, géographiquement, un monde élargi à l'échelle mondiale.