Regards-croisés Québec-France
Diffusion de la lecture-rencontre entre Alain Farah (Québec) et Nathalie Quintane (France).
C'est là que d'un coup, à un moment, j'ai réalisé que mes meilleurs amis étaient nuls en orthographe et que je vivais avec un dyslexique qu'on avait pris pour un abruti pendant toute sa scolarité et qui finalement avait fait des études supérieures — tout comme mes amis nuls en orthographe. Mais alors, s'il y avait des gens nuls en orthographe et capables de développer une pensée et une appréhension sensibles du monde, ça impliquait a contrario qu'il y avait des gens à l'orthographe impeccable qui pensaient comme des pommes ou qui étaient vraiment cons. On connaît tous des cons qui font pas de fautes, non ?
En balayant, on fait l'expérience concrète de la superficie.
Des coups violents et la voix de la DGSI : "Allah ouakbar ! Ouvre, mécréant !"
- "Allah ouakbar ! Ouvre !
- Les enfants, vite ! l'armoire ! vite vite ! La chaise ! l'armoire !
- Ouvre, mécréant ! Ou je te tranche la gorge !
- Descends les stores ! Tous contre les murs ! Sous les tables ! Silence !
- Ouvre ou je te décapite et je balance ta tête au milieu de la cour !
- Chuuuuuuuuuuuuuut par pitié ! Silence ! Absolu !
- Je te coupe les deux mains et je les accroche aux poignées de la fenêtre !
- Eteins ton portable ! Eteins le il va voir la lumière !
- Allah oukbar tu parles trop, je vais te couper la langue !
Fin de l'alerte
- Fin de l'alerte. C'était qui qui faisait le terroriste ?
- Le principal de collège.
Retournée, une table atteint sa stabilité maximale.
Antonia avait souvent essayé d'établir le classement des lieux où elle s'ennuyait le plus - on s'ennuyait le plus mais on ne pouvait pas s'ennuyer le mieux. Ce trajet entre sa maison et la cité naviguait dans les cinq premières places et seul le jeu de ses jambes sur lequel elle parvenait de temps à autre à se concentrer, variant les vitesses, tentant l'essoufflement, troublait un peu la tristesse indifférente qui prenait dans ces parages, comme on dit qu'un confiture prend lorsqu'elle se fige.
Revenons brièvement sur la réduction de l'école au travail, puis à l'emploi : ce fut une sombre tactique, et mauvaise; une tactique de classe moyenne. (...)
Car l'école ne peut procurer un emploi que s'il y a des emplois, somme toute. Et l'école ne peut instituer une vie bonne que si l'organisation dans son ensemble s'est fixé pour but le bonheur de la population (pas seulement sa satisfaction immédiate), et s'en est donné les moyens - ou qu'au moins elle ne se contente pas d'aménager le malheur, avant de finalement s'en foutre. Quand l'organisation sociale, dans son ensemble, se fixe pour but de chiffrer les coûts et bénéfices, eh bien l'école chiffre les coûts et bénéfices comme tout le monde.
Le ressentiment est une révolte qui a mal vieilli et c'est dommage, bien dommage pour celles et ceux qui en sont les victime.
Dans une pièce comportant principalement un canapé, il deviens incongru de s'assoir sur une chaise.
Pas un seul candidat qui n'ait fait ce contresens sur ce texte de Maylis de Kerangal : le narrateur c'était l'écrivain, le prof avait choisi cet écrivain, donc forcément le prof, le narrateur et l'écrivain étaient du côté du maire et de la police et donc si tu voulais avoir un ton bac, valait mieux être du côté du maire et de la police et expliquer que sauter de la corniche, c'est pas secure. De fait tous ces candidats analysant ce texte étaient en train de comprendre quelque chose de profondément vrai sur la société française quelque chose qui allait mêmes devenir de plus en plus vrai, de moins en moins contestable : que si tu veux avoir un diplôme et du boulot éventuellement mieux vaut, quitte à tordre un peu le texte te placer sans hésiter du côté de l'auteur, du narrateur, du prof, du maire et de la police.
Le ressentiment est une révolte qui a mal vieilli et c'est dommage, bien dommage pour celles et ceux qui en sont les victimes.