Le 22 avril 2022 a été organisée une table ronde autour du livre de David Zapero, La forme de la règle. Kant, l'éthique et la subjectivité (Vrin, 2021, collection « La vie morale »), en présence de l'auteur.
La discussion s'est tenue dans les locaux de la librairie Vrin et simultanément en vidéoconférence. En voici quelques extraits.
(Nous nous excusons par avance pour la qualité insuffisante de la vidéo, réalisée a posteriori à partir de l'enregistrement de l'événement en direct.)
En présence de :
- David Zapero, chercheur du département de philosophie de l'Université de Bonn (0:21-12:10)
- André Charrak, professeur des Universités en philosophie à l'Université de Paris 1 - Panthéon-Sorbonne (12:14-15:51)
- Jocelyn Benoist, professeur des Universités en philosophie à l'Université de Paris 1 - Panthéon-Sorbonne (15:52-18:39)
- Alex Englander, chercheur du département de philosophie de l'Université de Bonn (18:40-20:01)
- Monika Betzler, professeure à l'Université de Munich, chaire de philosophie pratique et éthique (20:01-21:11)
- Jens Rometsch, maître de conférences à l'Université de Bonn.
Crédits :
Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne
Centre de philosophie contemporaine EXeCO,
avec le soutien de l'Institut universitaire de France et de l'IRP RPRCT.
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Que vous n’ayez jamais entendu parler de l’Auteur – que toute la reconnaissance dont on ait bénéficié un jour soit effacée des mémoires – et que l’Auteur (même à ses propres yeux) ne vaille plus la peine qu’on le nomme, n’empêche rien : ce qui a été ne peut lui être retiré.
Cela ne diminue en rien les grands livres qu’il a écrits. Cela ne retire rien aux innombrables exemplaires achetés et lus, aux livres aimés, dont l’un peut-être vous est dédicacé, ce volume tombé derrière vos étagères, ou celui de vos parents, ou peut-être, oui, le livre de vos grands-parents – rangé dans un carton, à la cave, grignoté par les poissons d’argent.
Pendant la Prohibition, on buvait n’importe quoi. Schnaps à la vanille. Eau-de-vie de pomme. En Virginie, on allait dans les bois à l’endroit où étaient cachés les alambics et on achetait de l’alcool de contrebande. Il faut toujours commencer par approcher une allumette. Si la flamme est blanche, pas de problème. Si la flamme est bleue, c’est du méthanol. Si la flamme est bleue et que tu bois, tu deviens aveugle
La culture n’est rien. La culture est une construction du monde moderne. Et c’est pour cette raison qu’elle n’est pas stable ; elle est dans le changement perpétuel et elle ne représente pas un ciment solide entre les générations. C’est comme si on prenait deux morceaux de métal et que, au lieu de les souder ensemble, on les faisait tenir avec de la colle.
Le combat ne cesserait pas de lui-même. La brute n’allait ni gagner en maturité, ni reconnaître ses erreurs, ni apprendre à aimer l’autre. Il conserverait sa haine jusqu’à la mort. Et il se battrait jusqu’à la mort. Et, à moins de le tuer, ou de le battre jusqu’à ce qu’il croie que nous l’avions tué, nous n’aurions ni trêve, ni paix, ni tranquillité.
Un écrivain ne sait jamais si la persévérance est une terrible faiblesse ou sa plus grande force. Et avec tous ces phares allumés qui flottent, lueurs jumelles, dans son rétroviseur, l’Auteur ne sait jamais lesquels appartiennent à son lecteur, quel double feu est son phare, son étoile du Berger, scindée, réunie, qui le guide.
Oui, avec les flèches. L’archer, absolument. Il tient compte du vent. C’est ce que nous faisons, avec chaque mot, le mesurer avant de parler. Oui, nous sommes vieux. Nous savons ce qui est perdu et ce qui reste. Mais certains visages ne s’effacent pas.
Un livre tous les dix ans, c’est comme d’être une cigale. Vous passez tout ce temps sous terre, occupé à rester en vie. Et quand finalement vous creusez votre chemin vers la sortie, vous ne savez jamais quel monde vous allez trouver.
On nous apprit à donner des coups de poing et des coups de pied, à écraser et à mordre, sans appliquer le principe de base de tous les cours d’arts martiaux de banlieue – quand tu le peux, évite la confrontation.
Un meurtre est un meurtre. Être le témoin d’un meurtre, c’est être un meurtrier. Dissimuler l’histoire du meurtre, c’est être un meurtrier. Détourner la tête, c’est la même chose que d’enfoncer le couteau.
Le passé n’est plus seul à pouvoir être transformé, oublié et perdu. Maintenant, c’est la réalité. C’est le continuum. Le présent, lui aussi, peut être balayé.