Elle croyait avoir vu dans les squats, les foyers et les rues de Berlin, tout le mal de ce monde, mais ce n’était qu’un pâle reflet de ce que pouvait être la cruauté des hommes. À Altenhain, ce village idyllique où elle n’avait connu que la monotonie, vivaient des gens brutaux et sans pitié sous le masque d’inoffensifs petits bourgeois. (Babel Noir, p. 452)
Il était assis là comme la caricature d’un de ces commissaires chers aux romans policiers suédois : vieux, déprimé et seul.
Comme toujours dans la vie, lorsqu'une chose grave se produit, la plupart du temps elle ne prévient pas. Parfois même, elle passe totalement inaperçue, du moins de prime abord.
Une joie anticipée l'envahit. Il le ferait de nouveau. La mauvaise conscience et la culpabilité, qui l'avaient torturé, n'étaient plus à présent qu'un écho de plus en plus faible enfoui à l'intérieur de lui.

[...] ... - Je n'ai pas d'explication. Mais c'est indubitable. Tout à fait indubitable, disait le Dr Henning Kirchhoff [= le médecin-légiste] en secouant la tête lorsque Bodenstein entra.
Son flegme professionnel et son cynisme avaient entièrement disparu. Son assistant et Pia paraissaient, eux aussi, médusés, le procureur mordait sa lèvre inférieure d'excitation.
- Qu'avez-vous trouvé ? demanda Bodenstein.
- Quelque chose d'incroyable, dit Kirchhoff en lui faisant signe d'approcher de la table et en lui tendant une loupe. J'ai remarqué quelque chose à l'intérieur de son bras gauche, un tatouage. Je ne l'avais pas vu à cause des meurtrissures que le cadavre présentait au bras. Il était tombé sur le sol du côté gauche.
- A Auschwitz, tout le monde était tatoué, objecta Bodenstein.
- Mais pas comme ça."
Kirchhoff montra le bras du mort. Bodenstein plissa les yeux et observa l'endroit désigné à travers la loupe.
- On dirait ... hum ... deux lettres. En gothique. Un A et un B, si je ne me trompe pas.
- Vous ne vous trompez pas, dit Kirchhoff en lui reprenant la loupe.
- Qu'est-ce que ça signifie ?
- Je renonce à mon métier si je me trompe, répondit Kirchhoff. C'est incroyable, car enfin Goldberg était juif.
Bodenstein ne comprenait pas l'émotion du légiste.
- Vous mettez ma curiosité à rude épreuve, dit-il. Qu'est-ce qu'un tatouage a de si extraordinaire ?
Kirchhoff regarda Bodenstein par-dessus le bord de ses lunettes. Il baissa la voix comme un conspirateur.
- C'est un tatouage indiquant le groupe sanguin. Il est identique à celui qu'avaient les membres de la Waffen-SS. A vingt centimètres au-dessus du coude, à l'intérieur du bras gauche. Après la guerre, comme ce tatouage était un signe de reconnaissance, beaucoup d'anciens S. S. ont essayé de le faire disparaître. Cet homme aussi. ... [...]
Qui a tué Laura et Stefanie, je n'en ai pas la moindre idée.
Je ne peux pas exclure que ce soit moi mais alors je devrais m'en souvenir ! Et jusqu'à présent je n'y arrive pas.
Il n'y a que ce... ce trou noir
L’orfèvrerie est un des artisanats les plus vieux du monde et un métier vraiment fascinant qui exige de la créativité, mais aussi de la patience et de bonnes compétences manuelles.
(Actes noirs, p. 251)
Il ne s’était jamais rendu compte que ses parents avaient souffert eux aussi. De tout ça. Quand ils venaient le voir en prison, ils lui jouaient la fable d’un monde intact, qui en réalité n’avait jamais existé.
On le murmure déjà en interne depuis un moment. Bodenstein éteignit la lampe de son bureau. Nierhoff craint des problèmes diplomatiques. Dans une enquête comme celle-ci il n'y a aucune couronne de laurier à récolter, c'est clair.
— Enfin.
Il y avait dans ce mot plus de soulagement que dans dix phrases. Combien de jours et de nuits de vains espoirs et de craintes désespérées avaient dû passer ces deux-là ? Comment c’était de vivre poursuivis par les fantômes du passé ? Les parents de l’autre fille étaient partis mais les Wagner n’avaient pas pu quitter leur entreprise, leur raison d’être. Il avait fallu qu’ils restent, pendant que l’espoir d’un retour de leur fille s’amenuisait de jour en jour. Onze années d’incertitude, cela avait dû être un enfer. Peut-être qu’enterrer leur fille et pouvoir lui dire adieu les aideraient.