Sébastien Ménestrier présente son nouveau roman "Où la chanson va", en librairie dès le 7 avril 2023.
RÉSUMÉ
Neuf histoires écrites à partir de la musique, des chansons, de ce qu'elles peuvent raconter. Suivre Bashung, Amy Winehouse,
Bartók, Brahms, Gershwin,
Nina Simone, Babx, Thom Yorke,
Nick Cave. Neuf histoires pour affronter le danger, neuf histoires pour s'en tirer
S.M.
https://www.editionszoe.ch/livre/ou-la-chanson-va
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J'ai énormément de respect pour tous ceux qui sont toujours de la partie après leur 70 ans, ils sont des miraculés. Il existait, quand on était gamins, une croyance enracinée et idiote qui racontait que l'on ne pouvait pas faire du rock et vieillir. Dylan, les Stones, Neil Young, Iggy Pop ou Lou Reed ont prouvé le contraire. On ne peut pas leur retirer leur amour de la scène. C'est quand même plus excitant pour un septuagénaire de jouer du rock sur scène plutôt que de regarder Netflix le cul sur le canapé...
[Les Inrocks, mai 2017]

🎼🎵🎶
They call me The Wild Rose
But my name was Elisa Day
Why they call me it I do not know
For my name was Elisa Day
From the first day I saw her I knew she was the one
She stared in my eyes and smiled
For her lips were the colour of the roses
That grew down the river, all bloody and wild
When he knocked on my door and entered the room
My trembling subsided in his sure embrace
He would be my first man, and with a careful hand
He wiped at the tears that ran down my face
On the second day I brought her a flower
She was more beautiful than any woman I'd seen
I said, Do you know where the wild roses grow
So sweet and scarlet and free ?
On the second day he came with a single red rose
Said : Will you give me your loss and your sorrow
I nodded my head, as I lay on the bed
He said, If I show you the roses, will you follow ?
On the third day he took me to the river
He showed me the roses and we kissed
And the last thing I heard was a muttered word
As he knelt above me with a rock in his fist
On the last day I took her where the wild roses grow
And she lay on the bank, the wind light as a thief
And I kissed her goodbye, said, All beauty must die
And lent down and planted a rose between her teeth
🎶🎵
« Where The Wild Roses Grow »
[Kylie Minogue feat. Nick Cave And The Bad Seeds]

(Dans l'épisode qui suit réside l'explication du titre du roman de Dostoïevski, Les Possédés ou Les Démons, selon les traductions.)
Ils arrivèrent sur l'autre rive de la mer, au pays des Géranésiens. Et aussitôt que Jésus eut débarqué, vint à sa rencontre, des tombeaux, un homme possédé d'un esprit impur : il avait sa demeure dans les tombes et personne ne pouvait plus le lier, même avec une chaîne, car souvent on l'avait lié avec des entraves et avec des chaînes, mais il avait rompu les chaîne et brisé les entraves, et personne ne parvenait à le dompter. Et sans cesse, nuit et jour, il était dans les tombes et dans les montagnes, poussant des cris et se tailladant avec des pierres. Voyant Jésus de loin, il accourut, se prosterna devant lui et cria d'une voix forte : " Que me veux-tu, Jésus, fils de Dieu très-Haut ? Je t'adjure par Dieu, ne me tourmente pas ! " Il lui disait en effet : " Sors de cet homme, esprit impur ! " Et il l'interrogeait : " Quel est ton nom ? " Il dit : " Légion est mon nom, car nous sommes beaucoup. " Et il le suppliait instamment de ne pas les expulser hors du pays. Or il y avait là, sur la montagne, un grand troupeau de porcs en train de paître. Et les esprits impurs supplièrent Jésus en disant : " Envoie-nous vers les porcs, que nous y entrions. " Et il le leur permit. Sortant alors, les esprits impurs entrèrent dans les porcs et le troupeau se précipita du haut de l'escarpement dans la mer, au nombre d'environ deux mille, et ils se noyaient dans la mer. Leurs gardiens prirent la fuite et rapportèrent la nouvelle à la ville et dans les fermes ; et les gens vinrent voir qu'est-ce qui s'était passé. Ils arrivent auprès de Jésus et ils voient le démoniaque assis, vêtu et dans son bon sens, lui qui avait eu la Légion, et ils furent pris de peur.
II, 5.
Je n'ai aucune légitimité pour parler de la politique intérieure de l'Amérique. Mais, en tant qu'observateur, je suis dupé par le fait qu'ils encouragent à acheter une arme, mais si vous l'utilisez dans le but pour lequel elle a été expressément conçue, vous êtes condamné à mort. Cet aspect de l'Amérique est assez mystificateur.
Le concept de Dieu en Amérique est très différent de ce qu'il est en Angleterre. Nous voyons l'horrible résultat de la religion à l'Américaine, où le nom de Dieu a été pris en otage par un gang de psychopathes, d'intimidateurs, d'homophobes, et utilisé pour leurs desseins tordus.
Prières en flammes
Ici c'est l'Enfer pour moi
Le Diable est dans mon lit
Le Diable est dans cette bouteille
Le Diable est dans ma tête
Je te reverrai au Ciel
Si tu porte cette robe
(encore un verre, mon ami)
Là où mon cœur est prisonnier des glaces
Les prières soudain s'enflamment
Prières en flammes.
(Prayers on fire)
Qu'advient-il lorsqu'un événement catastrophique surgit au point de nous bouleverser littéralement ? On passe alors d'une personne que l'on connaissait à un être inconnu. Dans le miroir, on reconnaît la personne d'avant, mais sous la chair, on est un autre.
Or, une femme atteinte d'un flux de sang depuis douze années, qui avait beaucoup souffert du fait des médecins et avait dépensé tout son avoir sans aucun profit, mais avait entendu parler de Jésus ; venant par derrière dans la foule, elle toucha son manteau. [...] Et aussitôt la source d'où elle perdait le sang fut tarie, et elle sentit dans son corps qu'elle était guérie de son infirmité.
II, 5.
Bunny Junior espère que rien de véritablement terrible n'arrivera à son père, car même si sa mère a dit qu'il était perdu, et même s'il n'a probablement pas été un bon père comme ceux qu'on voit à la télé, dans les magazines, dans les parcs et tout ça - eux qui par exemple achètent du collyre pour ne pas que leur enfant devienne aveugle, ou qui jouent au frisbee dans les jardins publics, des trucs dans ce genre - il aime son père de tout son coeur et pour rien au monde il ne l'échangerait contre un autre. Qui prétendrait le contraire ? Quand il fait le mariol, par exemple, il est absolument impayable - tiens, maintenant, le voilà qui descend les escaliers de cette vieille bicoque toute décrépite qu milieu des frigos, des baignoires et du bric-à-brac défoncés, le pantalon au chevilles. Vous en connaissez beaucoup des papas qui feraient ça ?

Écoutez, c’est pas que je veuille dire du mal des morts, mais vous ai-je dit que ma mère était une conne de grosse vache ? Eh bien, c’est précisément ce qu’elle était – une sale conne de grosse vache, avec un asticot noir desséché en guise de cervelle.
La cradingue avait coutume de jouer à la pédagogue quand elle n’avait pas trop picolé pour être incapable de se tenir debout et de parler. C’était pas beau à voir.
Un certain soir où P’pa était allé se coucher de bonne heure, Man décida qu’elle allait m’instruire au sujet de mon patrimoine, mes aïeux, mon arbre généalogique, et caetera. J’écoutais, assis sur la chaise raide, et nous jouions à ce jeu auquel elle prenait tant plaisir.
Chaloupant devant moi, sa bouteille de grès dans une patte, une vieille tapette à mouches en plastique dans l’autre, elle donnait d’abord la leçon, ce qui pouvait prendre quelque chose comme une heure, parfois deux ; ensuite, elle me mitraillait de questions. Si la réponse était « oui », je devais lever la main droite, et si la réponse était « non », je devais lever la gauche. Si je répondais mal en levant la mauvaise main, elle me flanquait avec la tapette un coup cinglant sur le sommet du crâne. Si je ne répondais pas du tout, ce qui était fréquent attendu que mes deux mains avaient été attachées aux pieds de devant de la chaise, elle me tapait sur l’oreille droite, ou sur l’oreille gauche, suivant ce qu’elle pensait être la réponse correcte.
Parfois, quand elle arrivait au fond de la bouteille, elle réalisait qu’elle-même avait oublié la réponse, et je recevais alors un coup sur chaque oreille. Quand enfin elle ne pouvait plus se rappeler les questions, ou le sujet même de la leçon, ou, à la fin, plus du tout pourquoi j’étais ligoté à la chaise ni pourquoi elle avait une tapette à la main, elle s’emportait dans une frénésie de volée, coups, claques, revers de la main, empoignades, piétinements, jusqu’à ce que, finalement, elle s’effondre dans son fauteuil, épuisée. Je devais alors attendre que P’pa décide qu’il pouvait en toute sécurité entrer dans la pièce pour me détacher.