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Citation de jmlire92


À la tombée du jour c'était toute la rue qui passait par l'exposition.Les Belgradois avaient trop peu de distractions pour en négliger aucune. La vie était encore assez frugale pour que chacun fût affamé de tout et cet appétit suscitait bien des découvertes. Des théologiens suivaient des courses de moto, des paysans - après une journée d'emplettes dans l'Ulitza Marshala Tita - venaient ici découvrir l'aquarelle. Ils déposaient contre la porte un sac d'engrais, un licou neuf, une serpe au tranchant graissé, lorgnaient les billets d'un œil perçant et sortaient l'argent de leur ceinture ou de leur calot. Puis ils croisaient d'un dessin à l'autre à larges enjambées, mains dans le dos, et regardaient posément, bien résolus à en avoir pour leurs dinars. Leur œil, formés par les clichés pâteux du Journal de Mostar ou de L' Écho de Cettigné, avait du mal à saisir d'emblée ce dessin linéaire. À partir d'un détail familier - dindon, minaret, guidon de bicyclette - ils démêlaient le sujet, se mettaient soudain à rire ou à soliloquer et tendaient le cou pour voir s'ils reconnaissaient leur gare, leur bossu, leur rivière. Devant un personnage débraillé, ils vérifiaient leur braguette. J'aimais cette manière de rapporter les choses à soi, de les examiner lentement, patiemment, en pesant le travail. D'ordinaire ils restaient là jusqu'à la dernière, à l'aise dans leurs larges braies et leur fumet campagnard, puis passaient courtoisement à la caisse pour serrer la main de l'artiste ou lui rouler une cigarette qu'ils collaient d'un grand coup de langue...
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