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Citation de GabySensei


Le 15 août 1549, le jésuite François-Xavier arrive au Japon sans savoir que le Christ l'y a précédé de trois siècles. Les Bouddhistes chinois du moyen-âge ont en effet entendu parler de ce "Sage" d'Occident et l'on transformé en un bodhisattva qui pénètre au Japon sous le nom d'Inro Bosatsu et se noie dans l'immense panthéon national avec son message et son origine.

Au même moment, la chrétienté, qui a eu vent des mérites de Cakya-Muni, se l'est attribué sous le nom de saint Josephat (corruption de Bodhisat), qui, en compagnie de son convertisseur, saint Balaam, va se perdre presque aussi vite dans la foule des saints du calendrier (27 novembre). Mais d'un côté comme de l'autre, on a oublié cet échange de politesse. Tout est à reprendre.

[...] Mais François-Xavier ignore encore cet art du compromis [...] Il est chez les païens, il flaire l'idolâtre partout. Égaré dans une société dont il ne soupçonne encore ni les forts ni les faibles, il joue seul sa partie, tranche, embarrasse, brusque son monde, accumule les erreurs.

Quand les bonzes Zen qui l'on accueilli en ami l'entendent déclarer que les satori (illuminations) de leurs illustres devanciers chinois ne sont qu'impostures et sornettes, ils lui ferment leur temple au nez.
Quand le Daimyo de Satsuma apprend qu'aux dires du docteur étranger, ces ancêtres -qu'il faut vénérer- brûlent en enfer faute d'avoir été baptisés, il fronce le sourcil et le prie d'aller prêcher ailleurs.
Quand un seigneur voisin qui reçoit l'expulsé à bras ouverts -comptant lui acheter de la poudre à canon- l'entend assurer que la sodomie met l'homme en dessous du porc, le Daimyo, qui s'autorise ce passe-temps alors fort répandu chez les militaires, blêmit et le met à la porte. Les lettrés qui l'invitent courtoisement pour qu'il expose sa doctrine ne lui cachent pas combien l'idée d'un dieu parfaitement bon créant un diable très puissant pour tourmenter les créatures qu'il aime leur paraît singulière et même divertissante. Quand enfin il s'efforce, avec l'aide d’interprètes insuffisants, de rendre dans une des langues les plus difficiles du monde les rudiments de la doctrine chrétienne, il traduit Dieu par Kami (on sait l’ambiguïté du terme), pêché par tsumi (une "pollution" sans connotations morales), emprunte le reste du vocabulaire à la terminologie bouddhique et s'engage ainsi dans un maquis de quiproquos dont on n'est pas encore sorti.

C'est délicat d'apporter une morale nouvelle à des gens qui ont depuis si longtemps et si prudemment choisi celle qui leur convient.

Sans se laisser abattre, il visite encore plusieurs royaumes et, le cœur déchiré, quitte le Japon en 1551, n'ayant converti qu'une poignée de plébéiens et qu’un seul seigneur d'importance, dont la syphilis n'avait pas résisté au baptême.

(P 64)
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