La poésie est un chuchotement qui approfondit le silence.
(" L'aile pourpre")
Les arbres, le soir, retiennent la nuit dans leurs bras avec une telle force qu'il semble que rien ne pourrait la leur arracher, pas même le jour revenant.
Mais le jour revient, et les arbres, s'illuminant de tendresse, libèrent la nuit.
Nuages...
Ce soir, la pleine lune a fait son apparition. Elle était traversée par des nuages véloces et squelettiques, qui paraissaient en fuite. La lune elle-même était immuable, quoiqu’un peu fébrile. Je marchais et, levant la tête, je voyais ce spectacle contrasté : lune et nuages en fuite. Cela m’a rasséréné, je ne sais pas pourquoi. La ville autour de moi klaxonnait, clignotait, brillait. Je me suis senti léger et presque satisfait, l’esprit reposant dans l’oubli.
(Journal 13.02.95)
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La musique encore…
j’ai regardé longtemps les indescriptibles variations de couleurs et de formes que provoquent les passages du vent sur la surface de l’eau. Parfois cette dernière devenait presque blanche, tout en étant piquetée de mille petites rides ; d’autres fois – et le changement était quasi immédiat – elle s’assombrissait comme un gouffre et plus rien ne semblait pouvoir la soulager de son amertume (même les canards ne s’aventuraient pas dans ces eaux-là) ; d’autres fois encore, rien ne la troublait et elle se contentait de refléter le ciel avec ses nuages bleus… Assis sur la berge, je participais à ces changements subtils et cela créait en moi un espace correspondant, où pensées et émotions se modifiaient avec la rigueur et la légèreté d’une musique
des cercles s’arrondissaient sur l’eau, pareils aux rouages d’une horloge fugace
des cercles s’arrondissaient sur l’eau, miracles de l’éphémère. Mes phrases ne sont pas différentes : elles s’étalent, puis s’éteignent
la double clarté songeuse du ciel et de l’eau
la merveilleuse beauté du fleuve étale dans le soir, sa finesse, son équilibre, sa douceur, son rayonnement
il y a une équivalence étrange entre les cercles provoqués à la surface du fleuve par la chute éparse de gouttes d’eau, et les notes de piano lentes, solitaires, graves, rayonnantes, que crée la main amoureuse du musicien Bill Evans au début du morceau que j’écoute actuellement. Dans les deux cas on dirait que quelque chose est donné une fois pour toutes
(Journal 1999)
in « La pierre et l'oiseau », Site des Amis de Nicolas Dieterlé.
https://www.pierre-et-oiseau.fr/wp/
La poésie c'est l'imagination libérée, rendue à sa vraie nature, et qui ne craint pas de se lier à la vertu explosive d'un vol de papillon
Chacune des vagues de mon être était fouillée avec précision et ampleur par des pinceaux de lumière crue.
(p.63)
ces oiseaux petits et légers qui dansent de branche en branche, où les ai-je vus auparavant ? Dans quel paradis de silence ?
une haleine sucrée montait de la terre Celle-ci était semblable à une grande bouche dont les dents innombrables, et fines, et oscillantes, étaient les herbes
En Afrique, grâce à l'enfance, ma familiarité avec les choses et les êtres - du rocher immense qui gardait la maison au manguier éblouissant, en passant par les chemins rouges ou le chien toujours fou... - était entière. Mon innocence, alimentée par le soleil perpétuel et le ciel si vaste, semblait se répercuter en échos infinis contre le moindre brin d'herbe ou gravier crissant sous mes pas.
(p.20)
voici le crabe…
voici le crabe dans sa camisole minérale. Ses yeux sont presque invisibles. Ses pinces énormes ont des délicatesses de diamantaire, de joaillier. Ses antennes sont des herbes durcies. Il marche obliquement, comme il est nécessaire de le faire quand on courtise la grande mer qui est inapprochable directement, tous les chercheurs et les adorateurs de son Être le savent. Le crabe fait partie de ces adorateurs, sa rudesse apparente cache un feu liquide qui l'attire sans fin vers les eaux infinies
Beauté omniprésente et s'adaptant à tout, telle une source, un lac, une mer