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Citations de Nicolas Marchal (24)


A l'enterrement de papy, il y avait trop de discours. Si on avait voulu lui rendre hommage comme il faut, on aurait dû fermer nos gueules pendant deux heures dans l'église. Parce qu'il ne disait pas grand-chose, mon grand-père. C'est mon principal souvenir de lui. La seule chose qui me paraissait solide. Parce que le reste. Un sourire fragile. Des cheveux blancs qu'on aurait dit des faux, comme de l'ouate. Et ses yeux bleus, très clairs, presque transparents. Il semblait ne pas habiter ses chemises. Il passait toujours inaperçu. Quand j'étais petit, je mettais plus d'une demi-heure à voir qu'il était dans la même pièce que moi. On a appris un mot au cours de français l'autre jour : pléonasme. Celui-là, le prof de français, avec ses trucs qui servent à rien. Enfin, donc, pléonasme. Et bien, quand mon grand-père s'en allait quelque part, c'était comme un pléonasme.
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(le narrateur parle, en pensée, à son opticien incapable de redresser les branches de ses lunettes correctement)

Vous savez ce que ça peut coûter à quelqu'un de ma profession d'avoir les lunettes de travers? Non, monsieur, vous vous en foutez bien des graves conséquences de votre incurie, mais c'est que je suis enseignant, moi, monsieur, et que d'une part, prenez note je vous prie, je me dois d'avoir un regard acéré sur tous ces vandales d'élèves, un regard pour ainsi dire panoramique, repérant sans retard leurs tentatives de graffitis sur les tables, leurs échanges de notes diverses, leurs habituelles mastications de pâtes à chiquer ; d'autre part je ne puis tolérer d'être ridicule, ma fonction, bien qu'essentiellement cérébrale, est également, je le déplore souvent, publique, et si mes crétins d'élèves trouvent un motif, fut-il léger (surtout s'il est léger), de me railler, le message de mon cours lui-même en souffrira, pouvez-vous comprendre cela espèce de sous-colporteur de lentilles décoratives? Dois-je vraiment intenter une action en justice contre votre établissement? Est-ce trop vous demander de corriger l'axe des branches de ma monture, ou tenez-vous absolument à contribuer à la baisse, inexorable il faut bien le dire, du niveau intellectuel des jeunes d'aujourd'hui ? Voilà. Bien envoyé. S'il ne comprend pas, je change de boutique.
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Seuls les insectes devraient vivre dans le Sud ; les humains avaient manqué de discernement en le peuplant.
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Ce type n'attend personne. C'est triste un type qui n'attend personne. C'est peut-être aussi ça rater sa vie. Ca, et n'être attendu par personne.
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Même à l’arrêt, cette automobile avait cette suffisance qui semblait inviter à la crevaison du pneu.
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Pilar sent soudain sur elle s’abattre le poids des heures. Sans se déshabiller, ce qui chagrinera le lecteur en mal de descriptions salaces mais conservera la haute teneur morale de ce récit, elle s’effondre sur son lit. Tout de même. Cette fille est un être humain, après tout.
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Jean-Luc, sur son banc, tous les matins depuis le 13 février 1983, lit et relit les pages sportives du journal abandonné. Personne ne fait attention à lui, et personne ne vient le déranger. C’est le privilège des vieux clochards. Ils sentent. Ils font vaguement peur. On leur fout la paix. On ne les voit pas. On ne les approche pas.
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[Pilar arrive chez sa logeuse, qui venait de commencer la cuisson d’un oeuf.]
Pilar pose son bagage, enfin. La logeuse ouvre la bouche et s’apprête à commencer son discours d’introduction, quand dans son dos un infect bruit strident déchire l’atmosphère empesée du corridor. Le minuteur. Alors, sous les yeux admiratifs de Pilar, la logeuse explose et hurle à son mari qu’il pourrait tout de même lever son derrière de sa chaise et aller se cuire un oeuf, Pilar jurerait que cet aboiement ne dure qu’un instant et qu’au cours de celui-ci les traits de sa logeuse se multiplient par trois, que ses cheveux se dressent littéralement sur sa tête, que tout son être grandit de vingt bons centimètres, déployant des ondes et de l’électricité autour de son crâne, que sa voix n’a plus rien de la voix d’une septuagénaire, et, immédiatement après ce cri, elle redevient elle-même et entame fermement mais paisiblement son explication des règles de la maison.
Pilar aime ça, les femmes qui en ont.
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J’étais sur la Grand-Place, au bout de la Grand-Rue, dont l’appellation à toutes deux donnait à la fois une bonne illustration de la théorie de la relativité, et de l’humour des employés municipaux.
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C’est comme ça qu’on écrit des livres, attraper l’idée, la métaphore, le fil d’une phrase plus loin, tout déçu qu’on est de voir que ce qui est écrit est déjà mort flasque froid sur la page, que si l’on veut du vif du bouillant du qui se tortille du qui se débat, il faut poursuivre, pousser jusqu’au mot suivant, au chapitre d’après, sans cesse, et puis une fois le livre édité, on n’ose pas le relire, on sait que tout ça c’est dépassé déjà, qu’il faut en écrire un autre, qu’il grouille en nous, qu’il nous déborde, alors on se met au boulot, et cela ne peut s’arrêter.
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Ça c’est le côté « encore » de l’enfant. Rien qu’il n’aime tant que quelque chose en plusieurs exemplaires, rien qu’il ne haïsse tant que l’unique. « Encore » est un des premiers mots qu’il parvient à prononcer distinctement. C’est aussi le premier ordre qu’il donne. Ajoutez le « encore » au « tout de suite », et vous aurez une image plus ou moins complète de l’enfant de zéro à trois ans. (p.34)
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[Liège]
le Carré, où seuls les gens bizarres ne s’enivrent pas
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Dehors, l’averse fait claquer les drapeaux et pleurer les statues.
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Je me lève, je me rassois, je me relève. Je fais marcher la musique. Je change de disque. Ravi, je chasse une mouche. Je vais faire du café. Je pisse une pleine chope (j’ai le choix entre trois waters, cette maison décidément). Le voisin manœuvre pour entrer chez lui, j’observe les mouvements précis de son véhicule dans l’allée, espérant un vague incident. Je feuillette un livre au hasard, les Salves sambriennes ou les Soldats de Napoléon. Rien ne vient. J’entends bien que ces saletés d’insolents de bon dieu de bouquins ricanent dans leurs étagères. Ça oui ils ricanent de me voir tout penaud soupirant très emmerdé devant mon écran. Il me pousse des envies.
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Donc, nous sommes en septembre 1983. Une nouvelle année académique commence. Le soleil, généreux comme souvent en Belgique au mois de septembre, se laisse mollement choir sur la ville et, dans une heure ou deux, il sera accoudé sur les rebords des toits d’ardoises, pour une ultime conversation. Sous les parasols, les dactylos, fumant nerveusement la cigarette de la condamnée à mort, se laissent offrir des kirs par leur patron, ou leur demi-patron - le cadre moyen se distinguant du supérieur par sa peur de suer et son incertitude de ramener cette petite gourde de Chantal dans son lit.
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... ah si tous les devoirs scolaires avaient des mobiles aussi puissants, si dominer une matière à fond pouvait nous faire espérer des lendemains faits de lobes et de lèvres qui se frôlent dans la nuit, mon Dieu nous serions tous prix Nobel d'astrophysique pour le moins.
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Parlant de la plaine de Waterloo :
Je ne sais pas ce qui pousse aujourd'hui sur ces terres, à part de la pluie, mais je me dis que, gorgée de sang humain comme doivent l'être les nappes phréatiques, on frôle le cannibalisme en bouffant des légumes du marché de Braine-l'Alleud.
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Tuerie dans la neige (campagne de Russie – 1812), les grognards bleus rouges se font dégommer comme au tir au pipe, plus j’en ai déjà fait mention le bonnet d’ourson qui prolonge la tronche d’un bon cinquante centimètres (tête de bûche), ajustable à trois cents mètres. Prise de bec dans le désert (campagne d’Egypte – 1798), les dragons verts dénotent dangereusement sur le jaune vif du sable cramoisi, et ont beau se planquer derrière les dunes, sont trahis par la touffe bleue qui flotte au vent comme un petit fanion d’appel au meurtre hissé sur leur casque doré, blinquant, gyrophare. Flinguerie dans les tchèques collines (Austerlitz – 1805), les mamelouks carrément des arcs-en-ciel ceux-là, avec des petites étoiles brillantes en plus pour qu’on les vise mieux, se caillent les roubignoles dans leur boubou de soie simple épaisseur, recrutés au Caire, ont même pas un petit pull-over dans leur besace, crèveraient bien de froid si on ne les criblait juste avant, sous leur voyant plumeau rouge vif.

Vous me direz comment ça se fait alors qu’ils en ont tant gagné des guerres, tous ces clowns ? C’est simple, c’est parce que l’armée ennemie était déguisée presque pareil, avec juste quelques variantes chromatiques de façon à ce qu’on se goure pas des gentils des méchants. Sinon, un carnaval géant sur un pré, les batailles d’antan. Un pré en jachère inutile de le préciser, le ventre de ses filles étant la seule chose qu’un fermier verrait cultivée en temps d’Empoignade.
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Mais surtout, si je les déteste, les chasseurs, c’est parce que tous les soirs je suis obligé de raconter cette saloperie d’histoire de grand cerf.

Je la hais, cette histoire. Elle me rend dingue. Il n’y a pas plus con que cette histoire, plus sombrement, plus radicalement con. Et en plus, il faut la chanter, cette histoire. Et se farcir les gestes. Car il y a des gestes à cette saloperie. J’aimerais tenir entre mes poignes l’infâme et sirupeux chef scout qui a inventé cette immondice abrutie, lui faire comprendre sa douleur à ce coroner des bacs à sable, ce tocard en short, sans nul doute souriant lascivement sur les pochettes de ses 33 tours illustrés par les manchots de la littérature enfantine, arborant une guitare ou un banjo dont il extirpe péniblement trois accords, qu’il planque sous des tonnes de « youkaïdi-youkaïda » et de « youpla-boum » ineptes.

Moi, je ne demanderais pas mieux de raconter des histoires à mon fils. (…) Tous les soirs, je peaufine une petite légende de mon cru, quelque chose de magnifique, et je me fais rembarrer comme un malpropre : non papa, raconte plutôt Le gand cerf. (p.29-30)
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Pilar sent soudain sur elle s'abattre le poids des heures. Sans se déshabiller, ce qui chagrinera le lecteur en mal de descriptions salaces mais conservera la haute tenue morale de ce récit, elle s'effondre sur son lit. tout de même. Cette fille est un être humain, après tout.
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