Comme dirait le proverbe « avec des ‘si’ on mettrait Paris en bouteille », mais c’est là tout l’art de cet ouvrage qui nous présente un moyen-âge uchronique où les sapiens et les néandertaliens ont survécu, jusqu’à coexister sans jamais vraiment se mélanger ; tout au plus se permettaient-ils d’échanger des biens par le biais du commerce, de part et d’autre d’une gigantesque muraille érigée au fil du temps par les plus primitifs des deux espèces : les Nors !
Primitifs, certes, mais beaucoup, vraiment beaucoup, plus écologiques que nos ancêtres ! C’est ce que notre héros, jeune médecin ambitieux, va découvrir lors de sa mission diplomatique chez ces géants aux arcades sourcilières proéminentes et aux crânes plus allongés. En effet, alors qu’au sud de la muraille, la terre est de plus en plus aride, laissant divers villages à l’abandon ou peuplés de pauvres hères faméliques se disputant un os avec les chiens sauvages des alentours ; au nord, la flore est luxuriante, les animaux disparus depuis des siècles auprès des Sapiens se partagent les terres des Néandertaliens, à l’instar des mammouths et des tigres aux dents de sabre.
Tout un écosystème que Timoléon de Veyres compte bien scrupuleusement étudier pour le compte de la royauté de ses contrées. Parce que si jusque-là, la richesse naturelle des Nors s’exportait dans un commerce cordial, depuis peu : la muraille reste immuablement close sans raison apparente. Aucun conflit, aucune attaque entre les deux peuples, alors pourquoi ? C’est ce que Timo se doit de découvrir tout en apprenant à connaître ces voisins que les Hommes connaissent, finalement, si peu.
Avec « Mégafauna », Nicolas Puzenat démolit tous les préjugés que nous, humains dits civilisés, pourrions avoir sur les Nors, ces descendants des Hommes de Néandertal. Moi la première, je m’attendais à de petits hommes singes capables uniquement de grogner. Or, ici, ils sont plus grands et robustes que l’Homo Sapiens et dotés de paroles, certes différentes de la langue des Hommes, mais tout aussi élaborée.
Leur croyance est également différente, envers un panthéon de dieux comme les païens d’autrefois, alors que Timo vient d’un monde où on vénère le Saint Pendu (pour ne pas parler de Jésus sur sa croix) et leur approche de la nature est beaucoup plus fusionnelle, comme l’atteste leurs maisons ressemblant un peu aux « trous des hobbits », creusées dans la terre pour former des monticules plus ou moins grands. Biologiques par la même occasion et sains, dans leur façon de vivre, mais aussi dans le respect qu’ils apportent à la nature, ne chassant que ce qu’il faut, replantant des arbres après chaque abatage, …
Un véritable choc de cultures comme les premiers explorateurs ont pu le constater en accostant en Amérique, en Asie ou encore en Afrique ou en Orient, mais aussi et surtout : une approche humaine incarnée par l’entente immédiate entre Timoléon et la fille du chef Nors ; ce qui diffère, hélas, avec notre réalité… quoique, dans les histoires romancées, parfois, certains ont bien tenté de nous faire croire que l’envahisseur blanc n’était pas toujours bestial comme les vikings. Ne dit-on pas, à tort, que ce fut l’amour fou entre John Smith et Pocahontas…
Voyez cet ouvrage comme une nouvelle aventure où la découverte d’un monde est à la clef. C’est juste dommage que le dessin ne soit pas aussi captivant. Bien que très représentatif, tant dans les traits humains et néandertaliens que dans les habitations architecturales et « carrées » pour les uns et camouflées pour les autres, « Mégafauna » ne brille pas par un graphisme flamboyant, mais étrangement ressemblant à des dessins de tapisseries médiévales ; intéressant mais pas spécialement charmant. Reste alors l’histoire qui elle, casse bien des idées reçues et qui peut nous faire réfléchir aux aprioris que nous pouvons avoir dans le monde actuel.
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