Nicolas Robin

- Marylène je crois que tu devrais voir un psy ...
- Entre ta mère dépressive et ton père alité, c'est toi qui devrais consulter.
Attention, chienne méchante. Voilà ta réaction dès que l'on te met sur la sellette. Notre radeau coule, je me débats dans l'eau salée.

Il s'agit de te remettre en question, Marylène, mais tu n'es pas du genre à s'épancher devant un inconnu. Tu gardes le contrôle et ne supportes pas d'être démasquée. Si un jour j'avais l'audace de te reprocher ton comportement en commençant ma phrase par : "le psy dit que ...", tu me musellerais par une torgnole ou un coup de pied dans les roubignoles. Face à un praticien, je devrais aussi révéler les maltraitances, parler d'étonnement, d'humiliation, des gifles, des coups de poing, des objets lancés à la figure, des pots cassés et des arcades fendues. Si je suspendais ma pudeur quelques instants, vaudrait il mieux consulter un homme ou une femme ? Qui me comprendrait sans tomber de sa chaise ou rire sous cape ?

Les petits garçons ça ne pleure pas, et surtout ça ne tape pas les filles.
Mais quand l'inverse se produit, ils sont complètement désarçonnés et ahuris. Des imbéciles malheureux. Ils sont obligés de subir ou de fuir dans la nuit.

Quand l'homme gronde, la femme se tait. Quand il parle, elle l'écoute. Une femme qui tape son mari est une créature mythologique ou une extraterrestre. Elle castre ce pauvre type comme un chat de gouttière, et lui n'a plus de sexe ni de force, donc aucune utilité. Il perd sa place de dominant. Il est ridiculisé.

Où vont les hommes battus quand ils arpentent la ville sans baluchon ? Si je pouvais en croiser un autre sur le trottoir, la joue balafrée, les yeux mouillés, je lui ferais une accolade, et je l'inviterais à boire une bière à la guinguette des mal-aimés.

Tu minimisais les faits, car dans un couple il faut bien s'expliquer pour rééquilibrer les choses. Or c'était au-delà des mots. La violence s'était immiscée pour une cause dérisoire. Une fissure qui devenait un gouffre d'où s'élevait de la lave en fusion.
Ce n'était qu'une claque, disais tu en me caressant la joue.

J'ai toujours rêvé d'être hôtesse de l'air pour servir d'intermédiaire entre le voyageur et l'horizon. Redonner de l'espoir et recréer l'émerveillement perdu.

Ma sœur et moi, on a passé l'âge de s'envoyer un skateboard à la figure : on a choisi de s'ignorer complètement.

C'est une célibataire parmi des millions, mais les millions ont parfois du mal à se rencontrer. Ils ne s'entrechoquent pas à Monoprix devant le rayon des surgelés.

Roland est mort et je l'emmène prendre l'air. Je sors de chez moi avec l'urne sous le bras et Mireille au bout d'une laisse improvisée. Ma sœur adore les animaux et la décoration d'intérieur. Je peux lui proposer le package et me débarrasser de tout. Plaisir d'offrir, joie de recevoir. (p79)

Je bois pour oublier que demain, Roland c'est moi

Je bois pour oublier celle qui n'est plus là, celle qui ne veut plus de moi, celle qui ne me retrouvera pas si mon cœur fait défaut en pleine journée.
Je bois pour oublier que demain, Roland c'est moi

À son époque, les hommes non mariés étaient forcément curés ou homosexuels. On demandait aux uns de parler de l'Évangile, aux autres de se taire.

Un caniche, ce n'est pas une providence, c'est un boulet.

- Vous pensez que je suis une salope?
- Pas vraiment. Vous êtes une névrosée en démarche affective.
- C'est beau, ce que vous dites.

"Roland est mort mais ce n'est pas moi qui l'ai tué. Je ne lui ai pas perforé les poumons avec un couteau de boucher.Je ne l'ai pas électrocuté en lui coinçant les doigts dans un grille-pain. Je ne lui ai pas disloqué les cervicales à coups de burin."

-Il est mort, Pompidou?
-Oui.
-Et Mitterrand, il est mort?
-Oui, aussi.
Mamie se souvient juste que je ne suis pas marié. Ca la chiffonne. C'est le pépin. Ne pas être marié à quarante ans, c'est une tuile dans la famille. Ca cache un problème. P.44

Tu te souviens de Marylène ? Plutôt jolie, cultivée. Figure toi qu'elle m'a frappé plusieurs fois. Elle m'a envoyé deux fois aux urgences. Et j'ai fini par la quitter. En tout cas, je n'ai jamais levé la main sur elle. J'aurais pu me défendre, c'est vrai, mais il en faut de la bravoure pour endurer les coups d'une femme et refuser de les rendre. Ce n'est pas de la faiblesse mais un principe, une valeur, un sens moral.

- Si elle te frappe, elle ne mérite pas ton amour. Sache qu'elle ne changera pas radicalement et remettra ça tant que tu continueras de subir. La solution est de porter plainte.
- ça , je n'y arriverai pas.
- Alors casse toi ! Avant qu'il ne soit trop tard.
- Vous êtes missionnairee de la Charité ou un poivrot de bar-tabac ?
- La véritable question Jean-Mi, c'est de savoir si cette relation comble ton coeur. " Tu mérites un amour qui balayerait les mensonges et t'apporterait le rêve, le café et la poésie". Un amour aussi beau qu'un poème de Frida Kahlo. Tu mérites un amour "qui pense que tes bras sont parfaits pour sa peau", mais Marylène passe son temps à écorcher la tienne.

Elle ne dit rien de plus, mais n'en pense pas moins.