Nicolas Robin

Personne dans cette maison ne se lève le matin guilleret. Personne ne dresse une belle table dans le jardin et ne presse un jus d'orange frais, n'éclate de rire et n'invite les voisins au petit déjeuner. Personne n'apporte des petits pains et des croissants. On est pas une famille Ricoré.

J'aime la pornographie. J'aime ces hommes et ces femmes dont l'objectif est le coït, de s'emboîter au juste instant, naturel et vivifiant, ces peaux qui transpirent et ces mains qui se cherchent, ces mises en scènes où les corps ses donnent du plaisir sans qu'aucune grand-mère ne se penche sur eux pour leur demander pourquoi ils ne sont pas mariés. (...)

L'amour c'est quand on se brosse les dents le matin et que l'autre fait caca à côté, qu'on fait tout ensemble et qu'on peut tout surmonter.

Personne ne doit savoir ....
Dans notre société, on ne peut imaginer qu'un homme se laisse battre par une femme. C'est incompréhensible, pathétique. A la limite du risible.

Quand j'arrive au café, j'ai Mireille au bout d'une corde et l'urne sous le bras comme un ballon de rugby. J'ai l'air de participer à une course d'orientation avec objets inutiles et encombrants.

(...) Ma grand-mère n'est pas la seule à se préoccuper de mon statut marital. C'est toute une société qui se demande pourquoi je n'ai pas la bague au doigt et deux enfants sur les bras, pourquoi je ne forme pas la famille symétrique et régulière, pourquoi je n'élève pas des citoyens prêts à cotiser aux caisses de retraite. Je ne procrée pas à des fins d'utilité publique. Ai-je raté ma vie ?

« Roland n’avait rien fait pour moi de son vivant, alors pourquoi je ferais quelque chose pour lui après sa mort ? » (p. 10 & 11)

« Elle me suit partout. Elle reste au pied de mon lit. Elle m’observe en train de dormir. Mirelle est un concept assez effrayant. » (p. 63 & 64)

Ce soir, elle a envie d entendre parler d amour et son mari ne lui propose qu un débat électoral. De toute façon sur les autres chaînes, il n y a que des conneries.

Je contrarie maman. Une cible facile. On se sent libre d’être méchant avec sa mère, c’est la seule personne qui vous aime d’un amour inconditionnel et qui ne vous tournera pas le dos.

Il est humain de se tromper mais persévérer est diabolique.

Elle a les pieds qui tournent en dedans, propension à la mélancolie ou problème de rotules qui louchent.

Roland a cogité sur l'environnement en général mais pas sur l'environnement de son voisin en particulier. Roland est un égoïste. Roland est un fumier. D'ailleurs, quand j'y pense, l'anagramme de Roland, ça fait lardon.

Dans le frigo, j'attrape le reste d'un gratin de pâtes et je le glisse sous le museau de l'animal. Ce sont des glucides, des sucres lents, ça tient au corps. Le caniche se penche, renifle du bout de la truffe, fait un bond en arrière. Il est à la limite de la condescendance. Il me dévisage de ses petits yeux noirs bordés de poils frisés. Il me juge. Il pense que mon gratin de pâtes est infâme. Il pense: plutôt crever comme Roland que de manger ça. Il pense que même dans une animalerie la nourriture est plus engageante. Un caniche, ça a la dent dure parfois.

Une maman, c'est déjà un président.

On pleure le chat mais pas Roland. Rapport au sentiment. Le chat c'est l'animal de compagnie qui fait le dos rond et se frotte aux genoux. Roland c'est le voisin qu'on n'a jamais remarqué ou qu'on n'avait pas envie de fréquenter. On ne porte pas le deuil de celui qui ne s'est jamais frotté à votre cœur ni à vos genoux.

En général, quand un agent des pompes funèbres vient chez vous, ce n'est pas pour faire la fête et se rincer la gorge au ti-punch. Il n'est pas là pour chauffer l'ambiance, entamer un concours de pets ou faire la chenille dans le salon. Il vient nous plomber sur place. (p67)

Quand la solitude prend racine, elle est plus tenace qu'un chiendent.

Trente minutes d'attente. C'est le temps suffisant pour entrer entrer en contact avec des végétaux en plastique. A Pôle emploi, il y a des plantes artificielles s'épanche , on lui raconte sa vie. Le bégonia en plastique devient substitut de psy.(..) On vouvoie le bégonia. On le respecte. Il est la première étape, juste avant de rencontrer un conseiller de Pôle emploi.

Roland est mort depuis une semaine dans l'indifférence générale. Il n'avait plus de famille, même pas une cousine alcoolique, venue lui réclamer une petite Suze, une cousine squelettique qui noie sa détresse dans un verre de cantine. Il n'avait même pas un ami venu lui confier ses problèmes de fric, ses problèmes de fesses, ses problèmes en général, qui donnent envie de taper sur la table en disant " La vie c'était mieux sous Mitterrand!". Personne n'est venu frapper à sa porte, même pas un voisin pour lui demander s'il allait bien, s'il avait besoin d'une soupe instantanée ou d'un cachet d'aspirine, s'il avait envie de jouer à la belote ou au rami. Roland est mort dans la plus grande solitude. Il ne laisse aucun contact, aucun ami. il n'avait pas de vie sociale. il n'avait qu'un caniche.