Il était minuit passé, et Georges Sibieri dormait à poings fermés depuis quatre heures quand quelqu’un frappa à la porte d’entrée. Les deux filles et la femme du fermier ne se réveillèrent pas, mais Georges avait bien entendu. En réalité, c’était le silence qu’il avait entendu… Ses chiens passaient habituellement toute la nuit à gueuler, mais pas cette fois. Le bruit sur la porte en bois retentit à nouveau.

Il se souvenait du voyage, de la panne d’essence. Le vieil homme bizarre de la station qui leur avait proposé de dormir sur place. De la jeune femme qui s’était pointée et du sale coup que lui avait fait Henri. L’ambiance avait été bizarre et ils s’étaient réveillés en sursaut après ce bruit. Comme celui du tonnerre qui avait résonné.
Il avait les mains posées sur le visage. Les images brouillées lui revenaient peu à peu en tête. Ses efforts étaient payants et il s’en sentait rassuré. Tout n’était peut-être pas perdu. Sauf que...
Les relents de mémoire apparaissaient puis se brouillaient comme de la vapeur d’eau. Mais il devait s’accrocher. Le seul moyen de ne pas perdre pied, de comprendre la situation, et peut-être, de sortir d’ici. Les vagues de chaleur que soufflait le ventilateur ne l’aidaient pas, et il pensa un instant à essayer de l’arrêter. Mais il n’osait pas bouger. Il devait se calmer, ne pas perdre une once de concentration pour tirer ça au clair.
Il avait eu certes l'idée des vacances mais Marc avait accepté sans hésiter. Parce que Henri en avait besoin. Il avait besoin de se rapprocher de nouveau de son frère. Il culpabilisait souvent à propos de ce qu'il avait fait, quelques années auparavant. Mais Marc se sentait tout aussi coupable. Cela les avait éloignés quelques temps, mais ce sentiment les avait finalement d'autant rapprochés. Ils en avaient presque oublié l'événement qui en avait été la cause. Pas totalement. C'était impossible d'oublier totalement. Comme une trace de craie effacée d'un tableau noir. La blancheur de la craie n'a jamais tout à fait disparu. Mais on peut éviter de la voir. Et au fur et à mesure, on en oublie son existence, même si la trace n'est pas totalement effacée.
Tout se passa très vite. Avant même d’appuyer et d’éclairer la chambre, Charlie regretta son geste et ressentit étrangement un profond mal-être. Lorsque l’ampoule suspendue au plafond illumina la pièce, les yeux de Charlie ne purent se détacher du centre de la chambre…
Tu aurais dû garder les yeux fermés espèce d’idiote !
Le regret amer s’accentua lorsqu’elle comprit que la silhouette prostrée dans le coin de la vieille baraque abandonnée ne pouvait être autre chose que son pire cauchemar.
Les flammes craquelaient et lui permirent de voir la chevelure blonde de l’ombre. Mais le visage restait caché.
Tu as trouvé la pire cachette du monde. La prochaine fois, réfléchis avant de foncer dans un endroit qu’auparavant tu n’aurais jamais eu l’idée de visiter.
Elle aurait pu s’enfuir.
Les fantasmes des hommes avaient donné à l'amas de végétation une ode au mystère.