Le soir il se déhabille en écoutant l'adagio du concerto pour clarinette de Mozart et plie méthodiquement chacun de ses vêtements sur la chaise près du lit. Il vérifie que ses pantoufles sont bien écartées l'une par rapport à l'autre, de la largeur d'une main aux doigts rapprochés. Il inscrit ses soucis dans le petit carnet rose à anneaux rangé dans le tiroir...
Il aime feuilleter ces pages blanches quadrillées et numérotées. Il ressent moult émotions en touchant les couvertures de différentes textures : le protège-agenda en plastique, qui le renvoie aux glissades sur le toboggan de la piscine de son enfance ; la fourre en tissu, qui l'assied dans la bergère de Tante Agathe ; enfin celle en carton, qui l'emmène à la sortie du cours de dessin de l'école secondaire, avec son cartable sous le bras ...
Aujourd'hui il est très inquiet. Il marche trop vite et sans précision. Il ne reproduit pas le canevas qu'il a mis tant de temps à peaufiner. Il ne va quand même pas perdre une habitude ! Il faut six semaines pour en adapter une et quelques jours pour la perdre, lui avait-on dit.
Il revient à sa marche consciente. Il soulève son pied et se dit : Je sens. Il l'amène en avant : Je réfléchis, et en le posant par terre devant l'autre : J'entreprends.