Puisque la cité grecque présente cette particularité d’avoir entretenu simultanément deux représentations de soi concurrentes et complémentaires — celle qui « admet l’histoire », celle qui « y répugne et paraît l’ignorer » —, il importe [...] d’œuvrer à prendre ensemble ces deux figures pour tenter des les articuler l’une avec l’autre : penser historiquement la cité des anthropologues, mais surtout penser en anthropologues la cité des historiens.
En évitant de prononcer un nom [démocratie] qui a d’abord été infligé au régime par ses adversaires comme le plus dépréciatif des sobriquets, [les démocrates] admettent implicitement que demokratia signifie qu’il y a eu division de la cité en deux parties et victoire de l’une sur l’autre.
Pièce maîtresse de la guerre idéologique opposant les cités entre elles ou support des représentations symboliques de la collectivité, le mythe joue son rôle dans la polis, face à elle-même, face aux autres poleis. Il y gagne une histoire, ce qui n’enchante guère les mythologues, guère plus les historiens, une histoire pourtant qui n’est pas sans interférences avec celle, politique, sociale, idéologique, de la collectivité.
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