Je retrouve les odeurs de la neige, celles que l’on renifle quand on est petit, dans les cours de récréation, à force de boules reçues en plein pif. D’aucuns pensent que la neige n’a pas d’odeur. C’est faux. Elle en a de multiples, selon que les nuages descendent de la montagne ou arrivent, noirs et chargés d’électricité, de la plaine. C’est une odeur qui démange le nez et le becquette un peu comme une poule ronde chercherait les vers dans les granges des villages. Mais ça, il n’y a que les gens du pays qui le savent.
Je n’aime pas ce genre de fille. Les blondes décolorées, je veux dire. Je ne sais pas pourquoi, elles me mettent mal à l’aise. Ces racines noires, ce blond miel abîmé et les pointes sèches qui s’effilochent comme du crin de pouliche malade. Cette couleur résonne pour moi comme une tare ; d’ailleurs, mes copines ont toutes été rousses ou brunes. Jamais blondes, et encore moins blondes décolorées.
L’homme s’avance pour ouvrir deux frigidaires horizontaux, identiques à ceux que l’on voit dans les films policiers, qui glissent sans bruit sur leurs rails. Mes parents, gelés et blancs comme des statues de glace. Le maquillage les fait ressembler à des poupées ou à des clowns tristes.
Je suis sur le point de faire, comme tout bon fiston, un dernier baiser sur le front de mes géniteurs, quand je me rends compte que les veines sur le cou de mon père ont éclaté et que malgré les artifices, l’hématome bleu du sang pourri est nettement visible.
Elle hoche la tête, compréhensive et m’adresse le sourire le plus beau que j’ai jamais vu. Le genre qui veut dire « t’inquiète plus, je suis là avec toi, plus besoin d’avoir peur ». Le genre de sourire stupide dont on parle dans les livres cucul, qu’on voit dans les films, et qu’on ne peut s’empêcher de chercher toute sa vie.