25 mars 2022
Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
Et j'espère, en traversant avec vous mon expérience, éclairer les problématiques féminines de mon époque. Je me lance dans cette aventures âpre et périlleuse avec l'espoir d'être utile. Et aussi parce que j'adore parler de moi ! Voici les méandres de ma tête et de mon coeur. Voici ma pulpe, le bois dans lequel je suis faite.
C'est fou comme une construction sociale peut broyer un individu. J'ai toujours été solide, forte, vivace, positive, et j'ai en moi depuis très longtemps les ressources pour être indépendante, libre, et HEUREUSE! Et pourtant me voilà à m'en remettre délibérément à un tiers; je choisis, consciemment, de mettre mon bonheur et mon amour-propre entre les mains d'un autre. Je le souhaite même. Je rêve qu'un homme prenne le pouvoir sur moi, et me désire, me possède, me prenne, me donne une vie, me fasse exister!
Je milite ardemment pour un congé paternité obligatoire de même durée que le congé maternité. Pour le bien de la société entière. Professionnellement, si les hommes avaient autant de risques (chances ?) de devoir s'arrêter que les femmes, non seulement cela réduirait considérablement les discriminations à l'embauche mais cela nous obligerait en plus à revoir profondément le monde du travail : les horaires, les aménagements, le télétravail, le productivisme acharné...
Si les femmes étaient considérées comme des sujets et non comme des objets, si elles n'étaient pas dressées pour plaire, satisfaire, et se soumettre au désir des hommes, si elles n'étaient pas cantonnées à l'humilité, à la contrition et à la culpabilité, s'il leur était permis d'être libres, autonomes et volontaires, je pense que je me serais aimée et respectée assez pour refuser d'être ainsi maltraitée.
J’avais à l’époque l’intuition d’un processus très bien expliqué par Raphaël Liogier : les Noir.e.s américain.e.s n’ont pas refusé la langue anglaise sous prétexte que c’était celle des esclavagistes de leurs ancêtres. Au contraire, elles se sont approprié les codes de leurs tortionnaires, les ont détournés et en ont fait le terreau de la culture afro, le cœur du gospel, du rap, du hip-hop, du reggae, etc. Au lieu de transFORMER, ielles ont transVALUE. Aujourd’hui certaines féministes sont tentées de refuser les artifices sexy (maquillage, talons hauts, décolletés, etc.) pour la raison que ce sont les codes du patriarcat. Ce qui est vrai. Mais de la même manière, nous pouvons transvaluer ces codes pour en faire des outils d’empuissancement. Je vais en effet avoir une forme de pouvoir si je peux séduire / attirer / exciter grâce à mes artifices de séduction. C’est aujourd’hui en pleine conscience que je choisis certains jours de me mettre en mode sexy. Le maquillage devient une peinture de guerre et les vêtements, une armure.
À présent, je pense que le couple tel que nous le concevons aujourd'hui est un sérieux frein à l'épanouissement personnel.
Je veux obtenir les choses parce que je les mérite, pas parce que je suis une femme.
Je suis moi, je suis heureuse maintenant, peu importe demain. Et j'aime mon sexe. Mon sexe de femme. Mon sexe de femme qui n'est pas une absence de sexe d'homme.
Récemment je me suis aperçue que si on remplaçait « Dieu » par « couple » dans la Généalogie de la morale, on avait une assez bonne idée de ma vision des relations hommes-femmes en général, et en particulier du couple qui, d'après moi, est notre religion moderne : notre nouvel « opium du peuple ». On se persuade que le couple est la panacée, l'accomplissement suprême, et qu'on a raté sa vie si on a raté son couple. Les païens, les impies et les non-croyants d'antan sont les célibataires, les vieilles filles et les sans-enfants d'aujourd'hui. Le sens existentiel qui était contenu en Dieu l'est maintenant dans le Couple. C'est le Graal. Et comme en religion, il y a toute une liturgie : être « fidèle » (tiens tiens), c'est-à-dire sexuellement exclusif.ve, s'aimer, être complice, être intime, tout se dire, se désirer, avoir une vie sexuelle épanouie et une vie sociale enrichissante, et bien évidemment vivre ensemble, se faire des promesses et des enfants. Autant de diktats qu'on accepte comme s'ils étaient naturels.
Je suis moi, je suis heureuse maintenant, peu importe demain. Et j'aime mon sexe. Mon sexe de femme. Mon sexe de femme qui n'est pas une absence de sexe d'homme. Je suis une femme, et j'aime mon sexe de femme empli de Plaisir et de Sagesse, de Puissance et de Douceur ; parfait et précieux, désirable et capricieux.