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Citations de Noëlle Châtelet (227)


J'ai caressé ton front, tes cheveux blancs, ton visage chaviré de fatigue, de déception.
Les choses ne s'étaient pas passées comme tu l'aurais souhaité.
Tes yeux étaient fermés. Tu étais si pâle que tout à coup, sans effort, je t'ai vue en gisante. J'ai pu t'imaginer dans la mort. On aurait dit qu'elle était déjà en toi, que déjà elle travaillait pour toi, en alliée, en amie, alors que nous... Alors que moi qui disait t'aimer en caressant ton front, tes cheveux... Moi, ta fille, si sûre, jusque-là, de mon amour... J'ai trouvé la mort plus aimante que moi. Oui, c'est cela : plus aimante.
Ce doit être à cet instant que tout a basculé, que tout s'est décidé avant même que tu ne me parles, dans cet instant stupéfiant, encore inexplicable, je me suis sentie comme prise en défaut, en défaut d'amour. Jusqu'à être jalouse, oui, jalouse de la mort, ton amie la mort.
Je t'avais donc déçue, et penaude j'étais, assise sur ton lit. L'as-tu sentie ? Tes yeux se sont ouverts. Les deux larmes chétives qui ont mouillé ta peau transparente semblaient les dernières gouttes d'une source qui s'épuise et qui le sait. Au bout de vos forces, au bout des larmes vous étiez, la source et toi.
Sans me regarder, tu as prononcé ces mots, plus épuisés encore que les larmes : " Vous ne comprenez pas. Il faut m'aider maintenant."
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Marthe est dans son lit.
Les yeux mi-clos, elle fait durer le moment de l'éveil, ces minutes singulières de flottement où elle est sans âge, où elle déambule parmi tous les âges de son passé. Elle va et vient ainsi d'une Marthe à l'autre, laissant sa mémoire s'attarder comme elle veut, au grès de son humeur, enjouée, chagrine. C'est selon.
Et elle soupire. Elle aime soupirer, même sans raison. C'est apaisant, frais, ces petits coups de vent de l'âme.
Après le soupir et seulement après, elle ouvre grand les yeux, sur sa chambre, sur sa vie. Sa vie de vieille dame.
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Ils n'ont pas encore osé pour la nuit. Pas osé dormir ensemble. Ce n'est pas rien une nuit. C'est là que le temps vous rattrape, que les vieilles habitudes vous rappellent aux embarras de l'âge.
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Ouvrir une lettre d'homme qui écrit pour la première fois, qui n'est ni un mari, ni un fils, ni un fonctionnaire à la caisse des retraites...
Ce qu'elle lit sera lu. Relu. Ce qu'elle lit ne peut pas se dire. Se raconter. Ce qu'elle lit parle à sa tête, à son corps, à ses sens endormis qu'un chevalier réveille.
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Est-elle libre de Paul, de Céline, de Thierry, de Vincent, de la petite Mathilde, de Lise, de ces êtres chers qui, à force d'affection, l'ont entravée jusqu'à l'oubli d'elle-même, jusqu'à l'insignifiance?
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Noëlle Châtelet
Bien sûr, lorsqu'elle se dénude pour sa toilette, il lui faut bien convenir de la défaite du corps, creusé, froissé par la main intraitable du temps, mais c'est sans affliction puisque c'est ce corps-là qui est désiré, lui qui roule sur la grève du plaisir partagé, lui qui s'ouvre et se remplit de la joie de Félix.
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Un jour anniversaire, on ne se réveille pas comme pour un jour ordinaire. Le jour anniversaire est en surcharge d’émotions.
À l’état du moment, heureux ou malheureux, s’ajoute quelque chose d’autre qui n’est pas prévisible dans ses effets : la conscience aiguë du temps et, souvent avec elle, en un éclair, la mémoire de tous les anniversaires d’avant, avant celui-là, dans une seule et unique pensée qui les confond tous et nous rend nostalgiques, parfois, souvent, toujours.
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Tout devenait trop loin, trop lourd, trop haut, trop bas, inaccessible en un mot, ou au prix de tant d'efforts que ta tête, encore vive et fière, ne voulait plus. Elle ne voulait plus que le corps fourbu, moulu, rompu, peine davantage. Et puis, après le corps, qui dit que le lierre ne gagnerait pas la tête, vive et fière, pour l'étouffer à son tour, l'empêcher de marcher droit ?
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Quand on croise son destin, le secret s’impose. La magie est à ce prix. C’est pourquoi, cette rencontre, Marthe se la raconte à elle seule, dans le silence de sa maison. Même Félix n’en saura rien. D’ailleurs, qui la croirait ? La petite Mathilde, peut-être… Il n’y a guère que les petites filles pour croire aux contes.
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Page 19
Nous dire ? Ne pas nous dire ? La question t'a déchirée toi aussi
"Je vous croyais préparés à l'entendre..."
Oui, en effet, tu étais en droit de nous croire préparés. Je croyais l'être moi qui avais promis, solennellement, d'être au rendez-vous, de vivre ce moment, avec toi, sauf que... l'est-on jamais?
Est-on jamais préparé à entendre, de la bouche de sa propre mère, la date choisie de sa mort, même si cette mort a été admise, dans son principe, depuis fort longtemps ?
Non, maman.
C'était trop demander, Trop.
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Marthe le voit se déplacer au ralenti, comme en songe.
D'abord, il va tirer les rideaux et la chambre se transforme en alcôve où d'autres brassées de fleurs semblent pleuvoir sur eux.
Puis, lentement, chaque geste semblant éterniser l'attente décidée mais un peu tremblante de Marthe, il se dévêt.
Tous les cache-col tombent à terre, jusqu'à la nudité.
Marthe ne pense plus à rien. Elle se dit seulement : "J'aime le vieillard nu qui s'approche de mon lit."
Elle en est assez sûre pour se dévêtir à son tour sur le couvre-lit fleuri, avec la même lenteur, la même simplicité, jusqu'à la nudité.
Marthe ne pense plus à rien. Elle se dit seulement : " Lui aussi aime la vieille femme nue qui l'attend sur le lit... "
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On ne court pas lorsqu'on a dans les yeux l'émerveillement de l'indolence et dans l'oreille le ravissement du pianissimo.
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Il faut parfois l’aimer très fort, la vie, pour préférer la mort.
Il arrive que le choix de la mort soit un hymne à la vie.
J’admettais maintenant, sans effort, que tu souhaites fermer, sans honte, les yeux qui avaient si bien veillé à la marche de ton petit monde, et du grand monde aussi.
Droit de les fermer, les yeux, de ton propre gré, comme on décide d’aller dormir parce qu’il est l’heure, tout simplement, et le devoir de vie accompli. Plus de surveillante pour t’en empêcher. Droit de mourir. Droit de mourir dans la dignité parce que tu t’étais bien battue contre le temps, contre toi-même, jusqu’aux limites de ton propre vouloir.
Le choix de fermer les yeux en mettant fin à tes jours avait nom récompense. Mourir n’était pas indigne, c’est de rester, si fatiguée, qui l’eût été. Difficile d’expliquer cela, aux gens, plus tard : « Mais pourquoi donc votre mère a-t-elle mis fin à ses jours ? Elle était malade ?
— Non. Elle était fatiguée. »
Incompréhension. Fatiguée. Était-ce une raison pour mourir ?
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Pourtant, se sentir amoureuse ne fait pas regretter à Marthe d’être une vieille dame. Pour rien au monde elle ne voudrait rajeunir, repasser par les épreuves de la vie, y compris celle du vieillissement dont l’acceptation ne fut pas sans tourments. Au contraire, elle se dit que c’est maintenant, maintenant seulement, qu’elle a vraiment le temps d’aimer, d’en faire son unique loisir, sa distraction exclusive.
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Elle trouve on ne peut plus accommodant ce rien de mollesse qui envahit ses muscles, sa chair.
N'exigeant rien d'autre du corps que ce qui est nécessaire à son fonctionnement, lequel d'ailleurs n'a jamais été aussi parfait, elle ne se violente plus.
Page 88
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Mais, à ma grande surprise, l'image de la délivrance me visitait de plus en plus :
" Songe au cadeau qu'elle te fait - me soufflait la voix - , ce corps, cette tête aimés, tu ne les verras pas se défaire davantage. Tu n'assisteras pas au spectacle déchirant de leur mort lente, cruelle.
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Les deux corps se joignent.
Les peaux sont douces d'être usées, d'avoir frotté contre le temps, les années, inlassablement polies comme les galets sur la grève.
Marthe se sent galet, se laisse rouler.
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Depuis que le film se fait, je vis autrement mon engagement sur la fin de vie, autrement les diverses interventions que je multiplie sur le terrain. Le tournage actualise encore davantage le sujet. Grâce à lui, celui-ci se réincarne, reprend chair. Le film fait revenir au galop les sentiments, les sensations d'il y a douze ans, revigorés, en quelque sorte, revivifiés. (p. 141)
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Après une vie passée à l'ombre d'un père, d'un mari, d'enfants, elle est enfin entrée en lumière. Marthe se sent visible. C'est comme si elle se percevait de l'extérieur, illuminée par son propre éclat, nimbée d'elle-même.
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Le droit à mourir dans la dignité t'était devenu devoir, et ce devoir j'en avais adopté le principe. J'en admirais la pertinence jusqu'à y songer pour moi-même, si un jour, moi aussi, je me sentais confrontée à une forme possible d'indignité.
Tout était dans la définition de l'indignité. Où celle-ci commençait-elle ? Selon quels critères ? Jusqu'à quelles limites de l'insupportable ?
(p. 51)
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