E N V O I
Madame, ce soldat à l'existence austère,
Ce débris des grands jours, c'était votre vieux père.
D'une époque héroïque il conserva le feu,
Et divisant sa vie en deux parts magnifiques,
Il sut toujours donner, homme des temps antiques,
L'une à l'honneur et l'autre à Dieu.
Jamais, quand il reçut les dons de la fortune,
La voix de l'indigent ne lui fut importune ;
Son coeur, en l'écoutant, sentait se ranimer
Le souvenir amer de ses propres détresses,
Et sa main, d'où coulaient d'innombrables largesses,
Savait toujours s'ouvrir et jamais se fermer.
Des Français malheureux il fut la providence,
Et combien d'exilés, brisés par la souffrance,
Durent à ses bienfaits un instant de bonheur.
D'un nom pur et sans tache il laissa l'auréole,
Et ce nom parmi nous reste comme un symbole
De la charité, de l'honneur.
Et quand à vos enfants, heureuse et tendre mère,
Sur la carte indiquant ces sillons de la guerre
Qu'on nomme Higueras, Burgos, Talavera,
Vous leur raconterez cette histoire sublime,
Alors, le coeur rempli d'un orgueil légitime,
Vous leur direz : Enfants, votre aïeul était là !
LE CANADA
Il est sous le soleil un sol unique au monde,
Où le ciel a versé ses dons les plus brillants,
Où, répandant ses biens, la nature féconde
A ses vastes forêts mêle ses lacs géants.
Sur ces bords enchantés notre mère, la France,
A laissé de sa gloire un immortel sillon ;
Précipitant ses flots vers l'Océan immense,
Le noble Saint-Laurent redit encor son nom.
Heureux qui le connaît, plus heureux qui l'habite,
Et, ne quittant jamais pour chercher d'autres deux
Les rives du grand fleuve où le bonheur l'invite,
Sait vivre et sait mourir où dorment ses aïeux !
Québec, 12 janvier 1858.
De Lévis, de Montcalm on disait les exploits,
On répétait encore leur dernière parole ;
Et quand l’émotion, faisait taire les voix,
Posait sur chaque front une douce auréole,
Le soldat déployait à leurs yeux attendris
L’éclatante blancheur du drapeau de la France ;
Puis chacun retournait à son humble logis.
Emportant dans son cœur la joie et l’espérance.
Les élections ont eu lieu la semaine dernière ici pour le corps législatif. Châteauneuf, qui est un pays rouge, a donné une majorité au candidat de l'opposition, ce qui n'a pas empêché le duc de Tarente, fils du maréchal Macdonald, candidat du gouvernement, d'être élu à une forte majorité. Tout s'est passé de la manière la plus tranquille; la plus grande liberté est accordée aux candidats de l'opposition. On distribue, comme chez nous, des professions de foi dans toutes les maisons, et, comme c'est le scrutin secret dans toute la force du terme, chacun peut librement voter selon ses convictions.
Aussitôt que ma tête sera bien, je retournerai à Paris pour m'y placer comme employé dans quelque bureau d'affaires. La vie ici coûte presque aussi cher qu'à Paris et j'y éprouve beaucoup plus les douleurs de l'isolement et de l'exil...