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Critiques de Octave Mirbeau (311)
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Le journal d'une femme de chambre

Un bijou, un joyau, une perle... Aurai-je assez de superlatifs pour mettre à l'honneur ce grand roman social ?



Deux choses m'ont particulièrement fascinée au cours de ma lecture.

Premièrement, la force et la beauté du style d'Octave Mirbeau que je découvre avec cette oeuvre, l'une de ses plus renommées. C'est fantastique de voir combien le 19ème siècle arrive encore à nous surprendre !

Deuxièmement, la modernité à peine concevable de ce journal qui s'inscrit en plein dans la vague naturaliste et qui apporte une pierre d'importance à l'édifice des sciences humaines et sociales.



Célestine, femme de chambre parisienne, dépeint crûment le monde bourgeois dont elle est l'esclave - pas toujours consentante. Comme des millions d'autres avant et après elle, elle est domestique, c'est-à-dire un être corvéable à merci, transparent, que l'on n'estime pas, que l'on n'aime pas et que l'on remarque à peine. Sous sa plume franche et grinçante, c'est une grande satire sociale qui voit le jour, celle d'un monde aux innombrables paradoxes, entre morale bourgeoise et hypocrisie flagrante, entre pauvreté et richesse, entre honnêteté et perversion.



"Le journal d'une femme de chambre" a été publié sous forme de feuilleton dans "L'Echo de Paris" à la fin du 19ème siècle. Je peine à imaginer l'accueil que lui a réservé le lectorat de l'époque tant y est décriée une société où chacun peut s'y reconnaître. Ce roman sonne juste, terriblement vrai ; il plonge le lecteur dans un contexte économique, social et politique incroyablement concret.



J'ai pris énormément de plaisir à cette lecture. Célestine est un personnage attachant qui suscite l'empathie et la compassion et qui dégage un charme brut, sans fards, tout en érotisme et en puissance. Un régal !





Challenge 19ème siècle 2016

Challenge Multi-Défis 2016

Challenge PAVES 2015 - 2016
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Le journal d'une femme de chambre

A force d'en voir les adaptations au cinéma, j'avais fini par penser que le Journal d'une femme de chambre ne m'apporterait, à la lecture, plus aucune surprise... quelle erreur!



Ce livre est un brûlot,  une friandise stylistique, ou , pour parodier Octave Mirbeau,  un "monstrueux hybride" romanesque!



 L'écueil du roman social , comme Charybde et Scylla,  est double : soit on est emporté dans un tourbillon de bons sentiments, soit on se fracasse sur un naturalisme excessif et rebutant ..



Rien de tel chez Octave Mirbeau,  et ceci pour deux raisons: ce n'est pas lui qui tient la plume ni qui mène la danse mais l'étonnante Célestine-  même si le "truc" a,  depuis, vieilli, le subterfuge qui consiste à attribuer la...maternité d'une oeuvre à une autre personne que l'écrivain qui n'aurait, lui, fait que quelques malheureuses retouches fait souvent mouche- il en résulte une liberté de ton, une audace dans l'abord de certains thèmes, une "franchise" du point de vue qui emportent l'adhésion. L'autre raison est la complexité de la narratrice: elle est d'un caractère rétif,  notre bretonne à  Paris, rien d'une Bécassine, même si  sa Madame de Grand Air s'appelle ..madame Lanlaire, du coup, elle "fait" les places comme on fait les boutiques: jamais très longtemps dans chacune!



On balaie donc, avec elle, tout un échantillonnage social: petits-bourgeois qui jouent aux grands et se ruinent en "diners"aussi "chics' que ridicules, noblesse fauchée et radine, bonnes soeurs qui ne méritent guère leur épithète attitrée,  patrons tortionnaires, avares ou dépensiers, sadiques experts en petites et grandes humiliations, maîtres  érotomanes, maîtresses suspicieuses et tâtillonnes...personne n'a grâce aux yeux impitoyablement lucides de Célestine...



Mais elle ne s'épargne guère non plus  : même dans la plus grande émotion, dans le drame sentimental le plus crucial -l'épisode du jeune phtisique, Georges qui est un des seuls moments sentimentaux du roman- elle avoue avec honte  sa "prudence" qui l'empêche de perdre la tête et de se compromettre dans une  situation critique mais n'hésite pas, en concluant l'épisode, à  couvrir de son mépris les trois idiots qui n'ont rien compris à ses précautions, tant ils avaient confiance en elle.



Ce cynisme de l'héroïne loin de la rendre antipathique,  la rend plus humaine. L'humanité qu'elle côtoie, qu'il s'agisse du capitaine  mangeur de furet, de la ragotière Rose, de l'égoïste William, et surtout du redoutable Joseph, au silence impénétrable et menaçant n'offre rien moins qu'une bonne compagnie..



Mirbeau en effet ne recule devant rien,  ni le portrait à charge d'une bourgeoisie avare, corrompue, acharnée à exploiter, humilier et  dominer un petit peuple de domestiques que les bureaux de placement étranglent et taxent au passage, ni le portrait au noir  de ces domestiques eux-mêmes coupés de leurs racines populaires, voués à la dissimulation, à  la vengeance..ou au mimétisme.



Le bonheur de Célestine, chèrement payé,  a un goût dangereux..et le ver est dans le fruit: dans les silences, les non-dits, les premières disputes, on reconnaît presque le couple mal assorti des patrons de William, ces maîtres à la coule, encore amoureux mais pleins de ressentiments mortifères qui sont en train de les détruire.. .



Le nomadisme professionnel de Célestine  transforme son journal en un roman à  mille facettes. Tantôt on est dans un roman sentimental et "mélo", un roman "qui fait pleurer" comme elle les aime- l'épisode dévoué au jeune phtisique- ,tantôt dans un roman satirique et vitriolé, épinglant le snobisme de la bourgeoisie parisienne à la mode où les dîners ne sont réussis que si l'on invite des divorcés,  des personnes à la sexualité ambiguë  ou des artistes: les Charigaud ne sont pas loin des Verdurin! Tantôt c'est un court épisode, d'un réalisme cruel et navrant, à la Maupassant, quand Célestine évoque la pauvre Louise, petite bretonne embauchée au rabais du fait de sa laideur. Tantôt c'est un "suspense" bien noir avec la sombre figure de Joseph... une version impunie de la Petite Roque. Au fil des pages,  le récit devient pamphlet quand Mirbeau-Célestine  égratigne les antideyfusards - antisémites , les loyalistes réactionnaires et les catholiques ultras!



Bref, ce seul journal est une sorte de roman multiple.. Et le style brillant, caustique, les percutantes maximes "morales" de l'immoraliste Mirbeau achèvent de faire de cette lecture un plaisir rare et raffiné. 



Un sacré bouquin et un sacrément grand écrivain!









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La grève des électeurs - Les moutons noirs

Abstention réaction.



1888. Dans le Figaro (vous ne rêvez pas...), Octave Mirbeau s'insurge. Qui est « l'électeur moderne », « cet incurable dément », dont Balzac eut pu faire la physiologie ?



La participation active des citoyens au suffrage universel, par essence aristocratique, est pour l'écrivain libertaire une farce qui dépasse « les notions déjà pas mal pessimistes » qu'il s'était « faites de la sottise humaine en général, et de la sottise française en particulier ».



Ce pamphlet abstentionniste, au verbe haut et l'ironie palpable, ne ménage pas l'électeur qui n'est qu'un « martyr improbable » pour le politicien, prêt à le nourrir de son pain, le vêtir de sa laine, l'engraisser de sa chair et le nourrir de son argent avec comme seule récompense pour ces prodigalités des « coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n'est pas des coups de fusil dans la poitrine » !



Car, comme disait André Gide « la promesse de la chenille n'engage pas le papillon » et les promesses sont immédiatement trahies sous les yeux impuissants de l'électeur, l'un des fondements des gouvernements représentatifs étant l'indépendance des gouvernants vis-à-vis des gouvernés. Pas de comptes à rendre ; "c'est peut-être la plus ingénieuse invention politique que celle d'avoir déclaré souveraine une nation, en lui interdisant tout usage de sa souveraineté. Voilà l'effet de l'adoption d'une Constitution représentative" se félicitant déjà le constituant Stanislas de Clermont-Tonnerre durant la Révolution Française.



Alors pourquoi continuer la mascarade électorale ? Peut-être par hubris, répond Mirbeau. En effet, l'électeur a l'illusion de faire et défaire les rois – « rien ne se fait que par moi » se dit-il. Seulement, comme écrivit Joseph Déjacque « la liberté n'est pas chose qui puisse s'octroyer. »



Qu'en pensez-vous ?
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Le journal d'une femme de chambre

"Le journal d'une femme de chambre" est un de ces rares livres dont on ne sort pas indemne.

Octave Mirbeau y touche avec sa plume l'endroit douloureux où la littérature rejoint la vie.

Octave Mirbeau c'est l'homme de lettres par qui le scandale arrive et le scandale fait les yeux doux à la femme de chambre.

S'il m'a paru essentiel de lire ce livre dans une édition ancienne, ce n'est pas par un snobisme puéril, mais pour tenter de mieux ressentir, à travers l'odeur du vieux papier, l'atmosphère de l'ouvrage.

J'aime les vieilles éditions par ce qu'elles nous rapprochent de leurs auteurs.

Célestine R... vient de se placer en Normandie, au Mesnil-au-Roy, à la propriété du Prieuré, chez monsieur et madame Lanlaire.

Célestine, qui est d'Audierne, garde la nostalgie de sa Bretagne natale.

Pourtant elle y a vécu une enfance sordide, coincée entre misère, coups et alcool.

Célestine, en fait, est devenue une vraie parisienne qui méprise la province.

Mais une fatalité pèse sur son existence.

Elle ne demeure jamais plus de six mois à la même place.

Quand on ne la renvoie pas, c'est elle qui part.

Parfois, elle se sent abandonnée et se raccroche au passé, aux souvenirs.

Alors, elle écrit, presque au jour le jour, un journal intime ...

Octave Mirbeau, dans un petit préambule, assure n'avoir fait que corriger un véritable journal.

Et ceci pour s'excuser d'avoir remplacé par de "la simple littérature ce qu'il y avait dans ces pages d'émotion et de vie".

Mirbeau possède une plume redoutable qui tisse l'émotion au détour de chaque phrase.

Son livre est un livre sulfureux, morbide, qui pousse parfois le désespoir jusqu'à l'écoeurement.

Mais "toujours la vie reprend avec ses hauts et ses bas, et ses changements de visages".

"L'homme n'est que surprise, contradiction, incohérence et folie".

Mieux que personne, par la peinture qu'il fait de ses personnages, Octave Mirbeau le démontre.

Mais pourtant, dans ce sale pays, dans le silence et la campagne, au fond de l'âme désolée de Célestine, il suffit d'un peu de poésie, de quelques vers pour que luise une étincelle de bonheur, pour lui faire sentir la beauté de la vie.

"Lorsqu'on a de la sensibilité, on est toujours un peu poète" ...

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Le journal d'une femme de chambre

Lu, il y a plus de 20 ans, j'ai relu Journal d'une femme de chambre avec un égal plaisir.

L'écriture d'octave Mirbeau est incisive, décapante avec aussi une pointe truculente qui nous porte sans effort dans la lecture.

Cette histoire se déroule dans une France qui se partagera en deux entre les drefuysards et les antis.

Mirbeau décrit de façon manifeste ce " patriotisme" sans foi ni loi qui alimente la haine et le rejet des autres. Il est pertinent quand Mirbeau fait dire à Celestine: " Pourtant, lorsque je m'interroge sérieusement, je ne sais pas pourquoi je suis contre les juifs...

Dans ce roman, le thème central c'est la condition et la vie du personnel ancilaire sur qui la société bourgeoise déverse toute sa haine et son pouvoir.

Les domestiques ne sont pas véritablement des êtres humains, " un monstrueux hybride humain" à qui on ne reconnaît rien y compris son nom.

"Nous autres, nous n'avons même pas le droit d'avoir un nom à nous" De ce fait, pour les bourgeois qui les emploient, ils sont réduits à un esclavage et à la soumission de leurs désirs.

Les maîtres pouvant s'ecrier devant eux, " avec un dégoût qui nous rejette si violemment lors de l'humanité, il a une âme de domestique"

Octave Mirbeau dans sa satire sociale n'est pas en reste, et malheureusement pas loin de la réalité d'aujourd'hui par certains aspects à l'encontre des petites gens.

Journal d'une femme de chambre a vieilli mais son contenu n'a pas pris une ride.







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Le journal d'une femme de chambre

Le journal d’une femme de chambre dénonce l’état de servitude dont sont victimes les domestiques à la Belle époque, sous fond d’affaire Dreyfus.

Célestine, ballottée de place en place, exploitée économiquement et la plupart du temps perçue comme une travailleuse sexuelle à domicile, nous dresse un portrait bien noir de la bourgeoisie de cette époque. Vile, hypocrite, avare, vaniteuse, elle traite ses domestiques comme de la marchandise.

Les domestiques ne sont pas épargnés non plus par ce roman. Ils copient les vices de leurs maîtres, ils empruntent leur idéologie. Ils n’ont « le courage que pour souffrir », mais pas pour se révolter. Ils sont fatalistes : « C’est la vie ». Il leur manque la culture pour s’émanciper. Sans cela, même s’ils deviennent riches à leur tour, ils ne vaudront pas mieux que leurs anciens maîtres, ils seront même pires.

Célestine, bretonne courageuse, intelligente, est au-dessus des autres, elle a un esprit critique et une volonté de vie meilleure. Elle espère sortir de sa misérable existence, dans laquelle elle est plongée depuis son enfance à Audierne. Avec sa riche expérience de femme de chambre, aura-t-elle les moyens et la culture suffisante pour s’émanciper et mener une vie honnête, loin de toutes ces vilenies ?

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Le journal d'une femme de chambre

Scandale! J'ai quelques lectures 19ème au compteur mais là, je suis tombée de ma chaise : je n'aurais jamais cru qu'une telle liberté de propos, une telle authenticité de ton ait été publiable en 1900. La charge contre la bourgeoisie, toute la bourgeoisie, depuis le petit commerçant mesquin, envieux et âpre au gain jusqu'à l'hypocrisie, le mépris de classe et la perversion glauque dans les hautes sphères, cette charge est d'une violence ahurissante, et c'est jubilatoire.

Mais le génie de ce magistral récit ne se limite pas à cette peinture sociale caustique et virulente: ce qui lui donne son sel, c'est le personnage de Célestine, auquel on s'attache profondément au fil des pages : ni Bécassine ni Blanche-Neige, Célestine est fine, fière, rusée, volontaire, tantôt filoute et manipulatrice, tantôt romantique et déprimée, c'est une jeune femme lucide et pleine de vie à travers laquelle passe toute la souffrance et la rage muette de la domesticité.

Même si ça et là quelques tableaux et personnages m'ont moins passionnée que d'autres, j'ai pris un plaisir intense à la lecture de ce brûlot d'une étonnante modernité.
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L'Abbé Jules

Ici comme ailleurs, dans l'oeuvre d'Octave Mirbeau, le lecteur ne sort pas indemne.

"L'abbé Jules" est un livre d'une étouffante noirceur.

C'est un livre peu connu.

Mais Mirbeau ne paie-t-il pas par une certaine indifférence de la postérité les outrances de son coup de plume ?

"L'abbé Jules" est une peinture de caractère.

C'est un livre puissant, introspectif et fouillé.

L'oncle Jules est de retour.

Enfant, déjà il était tracassier, sournois et cruel.

Devenu prêtre, il se divertit en terrorisant les autres.

Pourquoi revient-il ?

Pourquoi était-il parti ?

Qu'a-t-il pu fabriquer à Paris pendant six ans ?

Personne ne semble éprouver un vif plaisir à le revoir.

Il n'aimait personne.

Il ne respectait pas le bon Dieu.

Il revient sans bagages avec un méchant sac de voyage en cuir ...

Le livre a été écrit à Kérisper, près d'Auray, entre juillet 1887 et janvier 1888.

Le roman se passe en Normandie, à Viantais, dans l'Orne.

Octave Mirbeau fait ici le portrait d'un halluciné, maudit et condamné par les bouillonnements de sa propre démence.

Jules Dervelle est en proie aux passions, passions comprimées de prêtres nées du mysticisme de sa mère et de l'alcoolisme de son père.

Le loup est dans la bergerie.

L'oncle Jules, être démoniaque dans le giron de Dieu, est secrétaire de l'évêque.

La plume d'Octave Mirbeau signe ici un violent réquisitoire contre la petitesse de l'âme humaine, contre les bassesses des tenants de l'ordre plus que contre l'ordre lui-même.

La bourgeoisie, le clergé, une fois de plus, sont étrillés.

Octave Mirbeau pénètre loin dans l'âme humaine.

Plus vrai que Zola, parce que plus introspectif, il signe des portraits terribles.

La rencontre entre le père Pamphile, prêt à se damner pour restaurer une chapelle de miséricorde, et l'abbé Jules, cherchant alors son salut dans une hypothétique bibliothèque universelle, est une envolée lyrique prenant des airs de déclaration philosophique.

Ce livre, très sombre, est un livre puissant et intelligent.

Il s'articule en deux parties :

- La première racontant l'histoire de l'oncle Jules et la deuxième faisant le récit de son retour.

Le narrateur est Albert Dervelle.

Il se souvient alors qu'il n'était qu'un enfant qui n'avait garde d'attirer l'attention, qui se faisait tout petit, qui se terrait dans un coin d'ombre de cette histoire ...



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La Pipe de cidre

Si, au repas de midi, votre cidre avait un goût amer, comme un vieil arrière-goût de botte, préparez-vous à découvrir, dans les quelques premières pages de ce recueil, le secret de maît' Corneau, un des plus gros fermiers du Perche ...

"La pipe de cidre" est un recueil de nouvelles écrites par Octave Mirbeau, publié en 1919 chez Ernest Flammarion Éditeur à Paris.

La vie courante n'est jamais que l'antichambre du Grand-Guignol.

Et le défilé des silhouettes que nous y croisons est une galerie de monstres que la fiction a peine à égaler ...

Mirbeau s'amuse, Mirbeau badine avec les relents de ce qu'il a pu trouver de pire dans l'âme humaine.

A la ville et à la campagne, Octave Mirbeau a pénétré les secrets inavouables du pharmacien, du badaud, du petit rentier, du fils de la belle sabotière, de tous ceux qu'un jour ou l'autre sa plume a confessé.

Mirbeau s'est faufilé dans l'intimité de la tragédie quotidienne.

Bien sûr, il y a ajouté de l'excès et de l'outrance.

Mais si peu ...

"La pipe de cidre" contient vingt-trois nouvelles très courtes d'une dizaine de pages environ.

Seuls, "les souvenirs d'un pauvre diable" et "mémoires pour un avocat", les deux derniers textes sont plus longs.

Le recueil s'ouvre sur "la pipe de cidre", sur une nouvelle éponyme qui fait froid dans le dos.

Il sera dit que l'on regardera désormais son verre de cidre moins benoîtement !

Puis surgit Barjeot, un gendarme dont la splendide trogne avait conquis une véritable popularité dans le pays.

Ce sacré lascar de Barjeot !

Une nuit qu'il fricotait avec Boulet-Milord le braconnier, le garde d'Blandé les surprit ...

L'on est loin ici des fraîcheurs de "l'affaire Blaireau" d'Alphonse Allais.

Octave Mirbeau est un fabuleux conteur, mais il n'aime rien moins que de faire rimer sordide avec cynisme.

Si du rang de la galerie des monstres sort parfois une victime, un innocent, c'est souvent de façon inattendue, de manière incongrue.

C'est que pour Mirbeau l'innocent l'est fréquemment de manière ambiguë, et le coupable se révèle parfois être la victime d'un plus fort, d'un plus vil ou d'un plus hypocrite.

Tel ce colporteur torturé par Hurtaud pour avoir conté fleurette à la belle Rosalie ...

Tel Rabalan qui fût mortellement roué de coups par maît' Bottereau parce qu'il n'était point sorcier comme tous ceux de sa famille ...

Telle la belle sabotière de Bretoncelles qui mangea son fichu d'avoir voulu spolier le fils de son héritage ...

Parfois les nouvelles sont un trop courtes, trop brèves pour avoir le temps d'y installer sa lecture.

Et la tragédie éclate, le crime est commis avant même que l'on s'en aperçoive, que l'on ait pu s'émouvoir du précédent.

Mais la plume de Mirbeau est redoutable.

Elle sait manier la phrase dans toutes ses formes et ses formats.

Et, le recueil en vient à se refermer sur le plus triste des aveux : un homme écrit quelques "mémoires pour un avocat" dans lequel il confesse la plus lâche des faiblesses, celle qui l'a fait devenir un monstre par amour !

Comme toujours avec Mirbeau, cette lecture est savoureuse d'un plaisir coupable et lucide.

Mais y a-t-il de plaisir vraiment innocent, d'humanité sans faiblesse et de grandeur sans bassesse ? ...



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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

Une lecture audio qui a peiné à retenir mon attention, malgré son thème, la narration parfaite de Simon Jeannin et les commentaires intéressants de Sylvain Trias



Ces textes sont présentés chronologiquement et évoquent la manière dont le chat a été représenté dans la littérature au cours des siècles. Sylvain Trias intervient entre chacun d'eux pour les replacer dans leur contexte, commenter l'évolution de la vision du chat dans la littérature, d'un personnage souvent félon, voleur, déloyal ou pire encore maléfique à un animal auquel les auteurs vont s'attacher, qu'ils vont célébrer dans leurs textes, mais un animal qui ne renonce pas à son indépendance.



L'idée m'avait séduite, je connaissais et appréciais certains de ces textes, et pourtant les écouter n'a pas réussi à me passionner. Peut-être parce chaque texte était très court, et ne me laissait pas le temps d'apprécier l'auteur et son style. Peut-être des textes trop variés qui ne m'ont pas permis d'entrer dans l'atmosphère de ce livre audio, et je me suis surprise plusieurs fois à devoir revenir en arrière pour réécouter un extrait.



Une petite déception donc, mais qui saura sans doute séduire d'autres lecteurs-auditeurs.



Merci à NetGalley et aux éditions VOolume pour cet envoi #Leschats #NetGalleyFrance







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Le journal d'une femme de chambre

Le Journal d’une femme de chambre est un roman que j’avais envie de lire depuis longtemps ! Je suis ravie d’avoir découvert cette œuvre d’Octave Mirbeau !



Le roman relate l’histoire d’une jeune femme de chambre, Célestine R., engagée depuis peu dans une belle demeure du Mesnil-Roy, en province. Habituée à une vie «mouvementée » à Paris, Célestine découvre alors les habitudes d’un petit village et de ses habitants, nous délivrant également ses pensées sur ses nouveaux « maîtres » et les autres employés, une cuisinière, Marianne et un jardinier-cocher, Joseph, un antisémite très étrange qui fascine Célestine…



C’est l’occasion pour notre héroïne de nous raconter d’autres aventures, toutes différentes les unes des autres, plus ou moins tristes, comme celle de M.Georges, un jeune homme atteint d’une maladie incurable dont Célestine s’occupera avec ferveur, jusqu’à en devenir passionnément amoureuse. J’ai aimé cette anecdote, qui m’a beaucoup touchée.

Octave Mirbeau nous retransmet avec élégance le point de vue de la jeune Célestine, et j’ai beaucoup apprécié son écriture, à la fois fluide, simple mais également raffinée, qui permet au lecteur de plonger dès le premier chapitre dans cette histoire passionnante. De même, à travers l’expérience d’une femme de chambre en cette fin de XIXème siècle, l’auteur nous délivre une critique féroce de la société de son époque, notamment en s’intéressant plus précisément à la fameuse « Affaire Dreyfus », qui a divisé les Français, et provoqué de nombreuses tensions entre dreyfusards et antidreyfusards (dont font notamment partie dans ce récit Joseph et bien d’autres personnages). Enfin, Célestine n’épargne pas non plus ses maîtres, et plus généralement les bourgeois, et autres familles riches, qui, sous une apparence vertueuse, cachent en vérité des personnages grotesques et malpolis, qui ne peuvent donc que susciter le « dégoût » du lecteur…



Ainsi, je ne suis absolument pas déçue par cette œuvre, qui m’a permis de replonger au cœur du XIXème siècle, parmi les domestiques qui méritent toute notre attention, mais également au milieu de la pauvreté, du luxe ou encore des affaires plus ou moins étranges de cette époque. Bref, Le Journal d’une femme de chambre n’est pas sans rappeler d’autres romans qui me tiennent à cœur, notamment ceux de Maupassant, Flaubert ou encore Zola, et à ce titre, il ne peut que vous plaire !



A lire !!



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Le journal d'une femme de chambre

Aujourd’hui je vous propose de jeter un œil sur la journal de Célestine ; oui je sais, vous ne m’avez certainement pas attendue, depuis le temps qu’il a été écrit !



Célestine, femme de chambre, donc boniche à tout faire, du ménage aux corvées les plus diverses, même sexuelles ! Bien sûr, une femme de chambre en 1900 est certainement moins bien traitée qu’un animal ; elle fait partie des murs et elle est là pour servir !



Merci Célestine, qui note ses journées dans son journal et nous dépeint de nombreux personnages de diverses classes sociales ; tout le monde y passe, sans concessions ! Non, les pauvres ne sont pas toujours meilleurs que les riches ! Oui, c’est abject parfois, mais après tout l’argent achète tout, même les bonnes consciences.



Mirbeau affirme dans une note que ce livre a vraiment été écrit par Célestine, et qu’il n’y aurait fait que quelques retouches ; vous y croyez vous ?



Bref, quel génie que cet Octave MIRBEAU qui s’est servi d’une femme de basse condition pour dénoncer les dérives de la bourgeoisie et égratigner parfois la politique et l’antisémitisme. Attention toutefois, certaines choses sont encore d’actualité, malheureusement !



À lire près d’une pelle et d’une balayette, confortablement installé(e) sur une serpillère sèche, en dégustant du quatre-quart au citron accompagné d’un verre d’eau gazeuse (ou d’un thé si vos patrons sont généreux). Bonne lecture !





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Le journal d'une femme de chambre

Après Bécassine, voici Célestine, femme de chambre bretonne, assez éduquée pour pouvoir écrire son journal de domestique, jeune femme de chambre dégourdie et assurée... trop peut-être! ...car elle valse de place en place, de maison en maison.



En Normandie, soubrette chez les Lanlaire, elle fait face à l'avarice de Madame, à la couardise et la concupiscence de Monsieur et se remémore toutes les autres maisons où elle a exercé.



Un brin perfide, curieuse, intéressée, vénale, donnant dans le ragot et dans la manipulation, elle observe par les portes entrebâillées, les travers et turpitudes d'une France mesquine et antisémite, le nez dans le linge et les secrets d'alcôve, qu'ils soient d'argent ou de sexe. Elle a la dent dure pour croquer la bonne société et une condescendance féroce pour ces pèquenots de provinciaux.



Octave Mirbeau publie ce roman insolent et virulent en 1900 avec une première version en feuilleton dans l'Echo de Paris dix ans plus tôt. C'est un réquisitoire féroce contre une classe dominante au détriment de la condition esclavagiste des gens de maison, ainsi qu'une critique caustique de l'étroitesse d'esprit de la bourgeoise provinciale. Le ton est très moderne, mordant, incisif, jamais ampoulé. C'est glauque et jubilatoire, et la lecture audio est parfaitement adaptée à la narration en personnage unique.



Elle aura bien des misères cette Célestine, avant d'acquérir la situation enviable ... de patronne de débit de boissons avec son vieux cocher de mari.

Mieux que de se retrouver en "maison", comme elle le dit si bien!



Complètement amorale cette histoire! J'ai adoré!



(Lu en audio)
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Le journal d'une femme de chambre

Célestine arrive de Bretagne comme beaucoup de bonnes et de servantes de la fin du 19ème siècle.

Nous la suivons par le biais de son journal intime et la plume d'Octave Mirbeau qui publie son livre en 1900.

J'ai vu le film de Benoit Jacquot et je dois dire que j'ai apprécié nettement plus le livre car l'expression de l'auteur appartient à son époque et ça vaut son pesant d'or.

Célestine observe le monde des serviteurs, des maîtres très finement avec des instants dramatiques, d'autres plus intimes, plus sensuels.

Les impressions livrées par Célestine sont parfois très profondes, par exemple quand elle s'exprime sur l'intensité de sa relation avec son jeune maître proche de la mort.

J'ai regretté le renversement de la situation de la servante qui, en devenant maîtresse à son tour, ne se gêne pas pour jouer le rôle écrasant que jouaient ses anciens maîtres à son égard. C'est sûrement dans la logique des choses après avoir subi tant d'humiliations. Réaction très primitive à mon avis mais l'auteur l'a voulu ainsi.

Octave Mirbeau devait avoir une sacrée personnalité marginale pour l'époque pour observer cette hiérarchie entre maîtres et valets avec autant de lucidité.

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Le Calvaire

Octarve Mirbeau a souffert...

L' auteur de l' Abbé jules ne nous épargne pas le récit glacial puis brûlant d'une existence commencée dans une enfance morne et malheureuse.

puis, vient cette guerre franco - prussienne et son lot d'atrocités, de boue et de mort. Puis, une liaison plus vénéneuse qu' amoureuse emmène Jean Mintié aux abords de la folie, et au confins de la déchéance et de l'ignominie.

Au reste, cette aventure avec Juliette apparaît comme infiniment plus dangereuse et périlleuse que la guerre. Même un séjour en Bretagne et loin de Paris ne saura sevrer Mintié du poison-Juliette.

Minié va tout perdre. Et ce sera peut-être cette totale perdition, une ultime trahison qui pourra sauver le naufragé et mettre fin à son calvaire.

Le calvaire, est une volée de coups de poing et de pied contre la souillure ordinaire et quasi-institutionnalisée, menée par une avidité sans frein.

Âmes sensibles, s'abstenir.
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Les Grimaces et quelques autres chroniques

Octave Mirbeau ne fait parfois pas dans la dentelle, ni dans la demi-mesure.

C'est là son moindre défaut !

Et lorsque Mirbeau chronique, Mirbeau souvent grimace ...

Ce recueil contient, aux dires même de son éditeur, les articles les plus vigoureux, les plus retentissants, composés par Octave Mirbeau au début de sa carrière.

Il s'ouvre sur une "ode au choléra" appelé pour débarrasser le pays des aimables escarpes qui le gouvernent, qui raflent l'argent du paysan, du petit bourgeois et de l'ouvrier qui souffre.

On se prend d'abord, au vu de certaines de ses grimaces, à moins aimer Octave Mirbeau, à moins apprécier l'écrivain, et à moins considérer l'homme.

Mirbeau se révèle ici parfois conservateur, belliciste et de surcroît antisémite.

Ces chroniques, la plupart composées pour le furtif hebdomadaire "les grimaces" pestent, tempêtent et anathémisent :

le peuple est une canaille qui, tous les vint ans, promène des têtes au bout des piques ...

le gouvernement est peuplé de coquins et de gredins, le parlement d'imbéciles et de valets ...

le journaliste est déloyal et vénal ...

la littérature et l'art, non plus, ne trouvent grâce ... la librairie est encombrée de productions de tous genres qui déhonorent la littérature ...

la France est l'objet du mépris du monde ...

Bref, Octave Mirbeau promet l'apocalypse pour le jour même où toute la terre appartiendra aux juifs ...

Quel sale caractère que celui de ce Mr Mirbeau !

Octave Mirbeau est excessif, outrancier, ordurier presque même.

S'il eût écrit pour se faire des amis, peut-être aurait-il du s'abstenir de ces quelques grimaces.

Pourtant, pourtant ce livre contient tout ce qui a fait de Mirbeau le grand écrivain qu'il est.

Il contient aussi de belles idées, des dessous exquis et des prolongements lumineux.

C'est qu'Octave Mirbeau était un homme complexe, un batailleur furieux mais aussi un être de sensibilité et de faiblesse.

Dans le 37ème numéro des "hommes du jour" paru le 3 octobre 1908, Victor Méric, sous le pseudonyme de Flax, a fait de lui un portrait qui, aujourd'hui, paraît comme essentiel pour cerner toute l'ambiguité d'Octave Mirbeau.

Ce numéro est disponible sur Gallica.

Il est certainement un supplément de lecture indispensable à ce recueil de "grimaces".

Mirbeau bouscule.

Mirbeau exagère l'exigence.

Mais Mirbeau a de la compassion, il ne voit pas le vice là où la société bien pensante a l'habitude de le loger.

Il a de la pitié pour la pauvre putain, et pour le pauvre voleur.

Il ne demande pas à la douleur ses papiers.

Et, s'il se trompe parfois, toujours il trempe sa plume de style dans la bonne foi et la meilleure des littératures ...



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Le journal d'une femme de chambre

je regrette d'avoir attendu aussi longtemps pour le lire !

quel régal !

pas une minute d'ennui !

tout y est , le style de Mr Mirbeau que je ne connaissais pas, sa description très ciselée du contexte économique, social et politique de l'époque, le personnage très attachant de Célestine !



allez-y ! ne faites pas comme moi, ne perdez pas de temps !
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Les 21 jours d'un neurasthénique

Hubert Juin, dans la préface de l'édition 10/18 de ce livre, dit des "vingt et un jours du neurasthénique" qu'ils fusent de l'esprit de Mirbeau dans un admirable désordre de colère et de tendresse mélangées.

Il aurait pu y ajouter un avertissement en guise de préambule : Vous qui avez le coeur sensible, et la lecture délicate, vous qui déjà tremblez et frissonnez aux "polémiquettes" de nos auteurs contemporains, ne pénétrez sous aucun prétexte dans ce livre ...

Vous y perdriez au passage du mot une bonne part d'innocence et un peu de sensibilité.

Pourtant, n'écoutez pas ce que je dis, il faut lire ce livre !

Il est splendide et fort !

Mais l'horreur y est parfois tapie au coin de la page comme dans ce conte sordide que Mirbeau aurait pu intituler : "la Bretagne, le douanier et les bigorneaux" !

Ce roman est une galerie de portraits ...

On y rencontre un tas de canailles qui, cependant, ne sont souvent pas de "mauvais diables".

On y croise quelques pitoyables victimes de l'injustice.

C'est plein d'expressions savoureuses et cruelles, de descriptions outrées, de pensées saugrenues et de réactions caricaturales en diable.

C'est un livre qui va de la tendresse au Grand-Guignol !

Georges Vasseur se rend en villégiature dans la ville d'eau d'X.

Georges Vasseur n'aime pas la montagne.

Il s'y sent écrasé.

Octave Mirbeau va donc en profiter pour lui faire rencontrer toute une ribambelle des plus représentatifs tenants de sa révolte d'auteur engagé bien sûr, mais aussi de ses apitoiements les plus sincères.

Comme ce pauvre vieux père Rivoli qui s'est pendu au grand noyer de son clos d'avoir été pris entre l'agent municipal et la préfecture ...

Comme cette pauvre créature qui, pour survivre, tente d'attirer un homme et, ne se sentant pas si sûre du pouvoir de sa séduction, va jusqu'à lui proposer une fillette à peine sortie de l'enfance ...

On sent bouillir Mirbeau derrière la ligne.

Mais Georges Vasseur, trouvant des excuses à tous et à toutes, semble, lui, bien imperturbable.

Ne serait-il pas un peu neurasthénique ?

Névrose ! Névrose ! Tout est névrose !

Allez ... Zola chez les fous !

Octave Mirbeau professe ici l'acte de foi du danger social.

Il ira dire à Rome que le peuple de Paris et les paysans qu'il aime ne veulent plus de l'Église.

Et aux rois, aux empereurs, et au républiques, il dira que c'en est fini de leurs armées, de leurs massacres.

Et, à tous les riches, et à tous les heureux que "le bonheur, c'est autre chose que la richesse, c'est même, croit-il, le contraire" !

Ce livre est éminemment anarchiste.

Mais octave Mirbeau sait le pouvoir limité de la littérature.

Il en fait des tonnes, en rajoute des caisses.

Mais au fond, il sait que tout cela est vain, que l'idée dort dans les livres.

La vérité et le bonheur, nous dit-il, n'en sortent jamais !

Dans ce livre, il y a tout Mirbeau en substance, dans ses outrances et ses étincelles de génie littéraire.

Et il se peut qu'à sa lecture, un buste de plâtre d'Hugo se soit un jour brisé en mille éclats de rire ... ou de désespoir ...



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Le jardin des supplices

Un homme a écrit le récit de sa vie ...

Cet homme a la figure ravagée, les yeux morts et les mains qui tremblent.

Longtemps il a hésité avant de publier ce récit.

Il est pour vous qui ne craignez pas de pénétrer au plus noir des mystères humains.

Puissiez-vous en supporter l'horreur ! ...

"Le jardin des supplices" est un ouvrage incongru.

Il est constitué de trois parties.

La première, "Frontispice", est la discussion d'une équation philosophique :

- le crime et la sauvagerie sont-ils ancrés au plus profond de l'homme ?

Les deux suivantes, qui forment le corps de l'ouvrage, veulent être la démonstration d'une réponse à cette question posée ...

L'ouvrage, en 1899, est lancé comme une insulte aux visages des prêtres, des soldats, des juges et des hommes qui éduquent, gouvernent et dirigent les autres hommes.

Octave Mirbeau leur dédie ces pages de meurtre et de sang !

Un homme y raconte son existence.

C'est un gredin sous lequel se dissimule peut-être un poète dévoyé.

Issu d'une petite bourgeoisie commerçante et provinciale, il a pour seule moralité de "mettre les gens dedans".

Octave Mirbeau signe, dans une deuxième partie d'une centaine de pages, un pamphlet politique cynique et sarcastique.

Il y écorche sans pitié la haute société de ce 19ème siècle finissant.

Il y raconte la fuite de son personnage.

Car voilà ce dernier pressé par Eugène Mortain, son protecteur, un vieil ami de collège devenu ministre, de fuir vers Ceylan.

Notre homme, promu embryologiste, est mandaté, subventionné et propulsé vers les Indes à bord du paquebot "Saghalien".

Il y fait la rencontre de Clara, une femme étrange, mystérieuse et perverse qui va le mener jusqu'en Chine, jusqu'au jardin des supplices ...

La troisième partie, qui a fait toute la réputation de l'ouvrage, est un récit noir de sauvagerie et rouge du sang qui y est versé.

C'est un long, long, long descriptif de sévices, de tortures et de meurtres ...

André De Lorde et Pierre Chaine, en 1922, l'ont adapté sur la scène du Grand-Guignol, le théâtre de toutes les peurs de la Belle-Époque.

C'est dire !

"Le jardin des supplices", au final, est un ouvrage dur et extrêmement dérangeant.

Octave Mirbeau y fait preuve d'audace, d'outrance et de provocation.

Pourtant le livre est un pur morceau d'intelligence finement ciselé.

Mais il n'est pas pour tous.

Quelques âmes sensibles devront s'abstenir ...



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La Mort de Balzac

En 1907, Octave Mirbeau publie un récit intitulé La 628-E8, titre bien mystérieux correspondant, en fait, à la plaque d'immatriculation de sa voiture. Ce qui aurait pu être un récit de voyage bien anodin est un document inclassable dans la mesure où Mirbeau se fait fi de la réalité, de la véracité des choses et mêle allègrement le vécu et le fantasme. Au beau milieu de ce texte, se trouvaient les pages concernant la mort de Balzac. Là encore, la réalité ne l'intéressait pas. Il ne voulait pas, disait-il, en faire un document, un témoignage.



Oui mais voilà... ces pages (formant trois chapitres) firent l'effet d'une bombe. Mirbeau réglait ses comptes. Non pas avec Balzac pour qui il éprouvait une profonde admiration, ce qu'il indique d'ailleurs dans le premier chapitre : "J’adore Balzac. Non seulement j’adore l’épique créateur de La Comédie humaine, mais j’adore l’homme extraordinaire qu’il fut, le prodige d’humanité qu’il a été." Mais dès le deuxième, intitulé La femme de Balzac, cela se corse. Mirbeau était frustré et aigri par ses échecs amoureux. Il rejeta alors tout ce qui avait trait à Cupidon. Sa misogynie le poussa alors à transférer sa haine sur la pauvre Mme Hanska : "Et me voici au drame le plus et aussi le moins connu de la vie de Balzac : son mariage. (...). Ils revenaient mariés et ennemis. De tout ce grand amour, qu’avaient surexalté quinze ans d’absence, il avait suffi de quelques mois de vie commune pour qu’il ne restât plus rien… plus rien que de la déception, de la rancune et de la haine. On peut dire que leur véritable séparation date seulement de cet instant où ils entrèrent, rivés l’un à l’autre, dans la maison." Enfin, dans le dernier chapitre, il fait raconter la mort de Balzac par... l'amant de Mme Hanska, le peintre Jean Gigoux. Pendant qu'il rendait son dernier souffle, les deux tourtereaux étaient dans les bras l'un de l'autre...



Ces pages, on le comprend, firent scandale. La fille de Mme Hanska demanda le retrait de ces trois chapitres, ce qui fut fait. La Mort de Balzac se fit récit autonome en 1918. En revanche, le texte La 628-E8 ne sera réédité dans son ensemble qu'en 1937.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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