Dans le creux de mon arbre, j'appelle ta mort pour effacer de notre horizon cette menace, ma mère, ma douce, ma tendre, mon enfant, ma toute petite, ma si fragile, pars maintenant tant qu'il fait encore jour.
Maintenant c'est mon corps entier qui vient contre la porte, paumes plaquées attentives à cette vacuité qui gronde, je veux être un remblai contre la déferlante mais ne suis qu'une enfance qui remonte la pente de sa mémoire.
Maintenant je frappe du plat de la main cette porte verrouillée Maman, c'est moi, réponds, la panique monte d'un cran irrépressiblement, sensation nauséeuse de revivre cette scène de mon adolescence, cent fois répétée, ma mère refuse de m'adresser la parole sauf pour me blesser ou me menacer, elle empoigne la voie portative dès que je rentre de classe et tourne le loquet de sa salle de bain car c'est, déclare-t-elle, sans appel, le moment de faire sa toilette.Comme ça à midi trente. Elle m'enferme dans son néant.
Il restait dans son environnement deux personnes pour trouver à redire à cette re-naissance inespérée, son frère qui aurait préféré la voir morte et sa mère qui ne l'a jamais aimée, tous deux repliés sur leurs certitudes, confits dans leur bondieuserie hypocrite et leur prétention cruelle.