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Critiques de Mori Ogai (21)
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L'intendant Sanshô



Le 13 septembre 1912 jour des funérailles de l'empereur Meiji , le général Nogi, vainqueur de la guerre russo-japonaise (1905) se suicide rituellement ("junshi") avec son épouse, pour suivre dans la mort l'empereur. Cet acte stupéfie et divise le pays. Les uns le considèrent comme totalement anachronique car la pratique du « junshi » a été abandonnée depuis un siècle. Les autres y voient une protestation contre l'occidentalisation forcée du pays. Mori Ogai est profondément ému par l'acte du général qu'il connaissait personnellement. Il se met en retrait de sa carrière de médecin militaire, abandonne le récit contemporain qui a fait sa gloire et se consacre désormais à rechercher dans l'histoire japonaise des matériaux qui puissent l'aider à interpréter ce présent troublé. C'est le début de sa période de récits historiques, dans lesquels les questions de l'honneur et du sacrifice tiennent une grande place. Il écrit d'abord une série de nouvelles où le« junshi » est à l'oeuvre : le clan Abe (1913) en fait partie. Et puis il reprend des légendes médiévales bien connues des Japonais comme celle de L'intendant Sanshô (1915). Ce récit sera adapté au cinéma par Mizogushi en 1954.



1.L'Intendant Sanshô (1915). Il s'agit donc d' une nouvelle touchante inspirée d' une légende médiévale très célèbre au Japon et imprégnée de bouddhisme. le récit est rythmé par des motifs poétiques. Une mère accompagne ses enfants, Anju la grande soeur et Zushio le petit frère, dans une marche périlleuse à travers le pays à la recherche de leur père, disparu depuis douze ans. Ils sont bientôt trahis par un homme qui proposait de les aider à traverser un fleuve. Ils sont arrachés à leur mère. Avant leur séparation, elle leur confie deux objets précieux. La servante qui les accompagne se jette à l'eau pour ne pas avoir à révéler leur identité sous la torture. Les enfants sont vendus comme esclaves à un seigneur cruel et corrompu, l'intendant Sanshô.

Les deux enfants ont des visions prémonitoires- En effet, ils partagent un rêve terrible qui les secouent dans leur âme dès leur première nuit de captivité dans la forteresse de Sansho – Anju la grande soeur sait déjà ce qu'elle devra faire pour que son petit frère puisse fuir mais elle ne dit rien. Son sacrifice silencieux sera suggéré de manière bouleversante.





2. le clan Abe (1913). On est au XVIIe siècle ( période Tokugawa). C'est un récit historique qui s'appuie sur une documentation rigoureuse, notamment la généalogie.

Le seigneur féodal (« daimyo ») Tadatoshi est mourant. Dix-huit de ses vassaux les plus proches reçoivent la permission de se suicider par éventration (« seppuku ») et d'accompagner ainsi leur seigneur dans la mort selon l'antique tradition des samouraïs. Mais son serviteur le plus fidèle et le plus dévoué, Abe Yaichiemon, voit sa demande rejetée. Tadatoshi lui ordonne de vivre pour servir son jeune héritier. Abe se plie aux volontés de son seigneur, mais, il est calomnié par les autres samouraï et il sait aussi que sans le consentement de l'empereur, 'il ne mourra pas d'une mort honorable mais d'une « mort de chien ». il prend alors une décision qui conditionnera le sort de tout son clan sur plusieurs générations.

Le récit est intéressant et impressionnant. Il est factuel, net et précis, sans fioritures. Il est accompagné d'explications sur le code de l'honneur( « bushido ») mais aussi sur les considérations politiques qui éclairent les décisions des uns et des autres. On comprend que la marge de manœuvre individuelle est très mince entre la pression collective et les considérations politiques.
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L'oie sauvage

"Ceci est une vieille histoire". Au début de l'ère Meiji, l'an 13 pour être précis, l'esquisse d'un amour se dessine devant cette maison triste à la porte treillissée. Un jeune étudiant passe tous les jours devant et échange des sourires avec la jeune femme qui vient d'emménager, maîtresse entretenue d'un usurier.



Un sourire, le hasard d'une rencontre, il faut un regard parfois pour trouver l'amour, et peu importe s'il reste enfoui au fond de soi, il est là, une bouffée d'oxygène à chaque pensée, à chaque sourire évaporé sous le clair de la lune bleue. Ah les histoires d'amour...



Se parleront-ils un jour, autour d'une tasse de thé ou d'un flacon de saké. Un parfum d'ivresse enveloppe cette maison de bric et de bois. Un cerisier se tient là, symbole d'un bonheur amoureux, une forêt de cryptomérias longent cette colline, quelques vieux ginkgos résistants apportent leur lot de tradition au paysage floral que j'observe dans la pénombre de ma lucarne.



D'ailleurs se sont-ils parlés un jour, au cours de ces clins d'oeil fortuits de la destinée. L'oie sauvage, c'est lire une histoire d'amour "effacée", par timidité ou par respect, qui se joue uniquement de silence et de sourire. Mori Ôgai, c'est lire la modernité dans la tradition, proposer un voyage dans le temps, où le Japon d'une autre époque s'ouvre à moi. C'est ouvrir un kimono sans l'écrire. C'est comme un air de shakuhachi, un grand taiko et une guitare électrique qui se mêlent dans une cacophonie sauvage et poétique, celle de la passion amoureuse.
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L'oie sauvage

Mori Ogai était sous l'ère Meiji (1868-1912) l'un des plus grands écrivains japonais, notamment avec Soseki. Il reste assez peu traduit en France. Si Soseki est un maître des ambiances poétiques et rêveuses, Ogaï se positionne davantage sur le créneau psychologique, avec des personnages qui ici se font quelques noeuds dans la tête : dissimulation, ratages...Le récit se déroule à plusieurs niveaux de narration. Le narrateur est étudiant, et ami d'un autre étudiant, Okada. La première image qu'il nous donne à voir, est la rencontre visuelle entre Okada et une belle jeune femme qui a tout l'air d'une geisha, Otama. Du coup, il décide de zoomer sur cette femme et sa situation...car un homme l'entretien comme maîtresse. Son vieux père a échoué à la marier, alors il faut trouver un homme prêt à l'entretenir. S'imposera un dénommé Suézo, qui va louer une maison tout exprès pour y installer Otama. L'occasion pour l'auteur de réorienter son zoom sur Suézo. Ce Suézo est un malin, on le croît riche commerçant, il est usurier. Il est en outre marié, à une femme laide qui lui a donné des enfants, mais pour laquelle il n'éprouve pas de sentiment et qu'il prend vraiment pour une dinde. Il ne pense qu'à faire prospérer sa fortune. Son aplomb et son verbe le sauvent encore quand sa femme découvre le pot aux roses, mais par la suite il ne cherche même pas à nier devant cette pauvre femme qui ne peut que constater les dégâts en se lamentant et en subissant. Mais Suézo s'intéresse finalement plus à l'argent qu'il n'a de réelle attention pour sa maîtresse, qu'il ne passe voir qu'en soirée et l'ennui commence à la gagner, ainsi qu'un certain malaise quand elle découvre qu'il a menti sur sa situation. Bientôt, Suézo, dont l'esprit était si vif pour manoeuvrer sa femme, ne voit pas qu'Otama rêve à un autre...Car l'auteur finit par retrouver son point de départ : la belle a aperçu de sa fenêtre ce charmant étudiant Okada passant dans la rue, et qui, évènement, l'a saluée, ce qui la met tout en émoi. Outre qu'il est bien élevé, il va lui sauver la mise dans une situation difficile...On pense alors qu'une belle histoire d'amour va éclore, mais elle restera à l'état larvaire, l'une se rêvant en audacieuse, l'autre décidant de partir étudier en Europe. Ces deux êtres auraient pu se trouver, mais des ratés anodins ont fait dévier leurs routes de peu...L'ami narrateur nous apprendra dans les ultimes lignes qu'il raconte cette histoire 35 ans après les évènements, mais laissera planer le mystère sur la manière, et la source qui lui a permis de nous livrer le pan de vie de Otama vécu avant sa rencontre avec Okada, dont nécessairement il n'a pas été le témoin direct.



L'action est ténue dans ce roman. C'est l'histoire d'une rencontre ratée, par timidité, par égoïsme, par ambition placée ailleurs...On pense au Grand Maulnes, et pourtant le traitement est plus réaliste, moins poétique et non onirique. On en retient un art consommé de la narration avec ce système un peu gigogne, mais pas complexe pour autant, accompagné d'une belle écriture classique. La psychologie des personnages est fouillée, c'est un indéniable point fort. le roman est particulièrement instructif sur le sort de la femme à cette époque, bien maltraitée non pas physiquement, mais intellectuellement. Certains passages seraient absolument inimaginables aujourd'hui tellement ils sont sexistes et mettent la femme à un niveau d'intelligence à peine supérieur à l'animal. Mais c'était une autre époque, dans un pays où cependant aujourd'hui encore les femmes peinent parfois à s'émanciper.

Si la petite pirouette de fin signalée plus haut stimule notre curiosité, il apparaît quelque peu décevant d'avoir laissés en rade Suézo, sa femme, et le vieux père d'Otama, personnages clés des trois quarts de ce court roman de 160 pages. Mais le sujet était bien cette vraie-fausse rencontre éphémère Otama-Okada, faite d'occasions manquées, comme si le destin s'opposait à tout rapprochement physique entre ces deux jeunes gens. Cette approche psychologique alliée à l'action minimaliste et à la qualité d'une écriture classique a un côté flaubertien, celui de l'Education sentimentale. S'il est plus concis, il n'a cependant pas la même puissance.



Un roman qui se lit néanmoins avec un certain plaisir, mais qui manque un peu de sel et d'action. Une expérience Mori Ogaï à renouveler pour en avoir le coeur net.
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L'intendant Sanshô

L'Intendant Sanshô est peut-être l'oeuvre la plus connue de Ogai Mori. Ce récit aux allures de nouvelle (environ 50 pages grand format) doit largement sa célébrité au film de Kenji Mizoguchi tourné en 1954. Ce texte est ici accompagné d'un autre récit, le clan Abe.



L'intendant Sanshô voit une mère, ses deux enfants (sa fille Anju et son fils Zushiô) et une servante marcher sur des chemins dangereusement fréquentés, partant à la recherche du père, Mutsunojô Masauji, ancien gouverneur de la région et disparu depuis douze ans, exilé. Un homme se propose de les aider. S'apprêtant à coucher sous un pont au bord d'une rivière, un bâtelier les aborde et après les avoir hébergés chez lui pour la nuit, se propose de les acheminer par bateau. Rapidement, il va les trahir, les vendant à deux autres bâteliers concurrents, qui vont embarquer dans des directions opposées, l'un, les deux enfants, l'autre, la mère et la servante, celle-ci se suicidant rapidement en se jetant à l'eau. La famille est impitoyablement séparée. Les deux enfants vont être menés chez le seigneur de la région, l'intendant Sanshô, qui va les maintenir captifs et les obliger à travailler, filant la soie et battant la paille. Rêvant d'évasion, ils parviennent à exfiltrer Zushiô, Anju se noyant pour faire diversion. Zushiô, protégé par son amulette de Jizô porte-bonheur, bénéficie de la complicité d'un évèque en lien avec l'empereur, et va quelques années plus tard devenir gouverneur de la région sous le nom de Masamichi, donc devenir plus puissant que l'Intendant Sanshô, contraint d'affranchir ses esclaves. Zushiô Masamichi va bientôt entreprendre de rechercher sa mère sur l'île de Sado où elle avait été débarquée…

Un récit agréable et une histoire marquante qui m'a cependant laissé un peu sur ma faim du fait du style un peu sec, sans description de paysage, d'ambiance, de psychologie des personnages : l'auteur va droit au but, à l'action, ce qui est bien caractéristique du format nouvelle et non d'un roman. C'est efficace car l'action n'est pas freinée, rondement menée, mais le lecteur ne peut s'attacher aux personnages, maintenu à distance. En outre, j'ai été également surpris de rôle finalement secondaire de l'Intendant Sanshô.



Le second récit, le clan Abe, ne manque pas d'intérêt non plus. le récit prend place vers 1640, au temps des shoguns Tokugawa, qui ont lutté pour l'unification du pays. Les samouraïs sont au service des seigneurs régionaux, les daimyos. Lorsque Tadatoshi Hosowara, daimyo de Kumamoto sent qu'il va mourir, la règle veut qu'il autorise nominativement certains de ces samouraïs à se suicider selon le rituel du seppuku. Dix-huit le seront, et passeront à l'acte. Mais un autre, Michinobu Yaïchiemon, chef du clan Abe, entend bien le faire aussi, alors que son maître ne l'a jamais autorisé, souhaitant qu'il serve son successeur, son fils Mitsuhisa. Malgré les pressions, Yaïchiemon se suicide, laissant l'instruction aux cinq fils de s'entendre pour préserver l'avenir du clan Abe. Mais l'aîné est rapidement exécuté pour avoir insulté la mémoire du daimyo défunt Tadatoshi. le sort des quatre autres semble scellé. Se retranchant dans une forteresse, ils vont être attaqués par les combattants du daimyo. La bataille sera sanglante, le clan Abe y survivra-t-il ?

Un récit haletant dans sa partie finale, qui pour un peu m'aurait plu davantage que le récit présenté comme principal. Il est cependant pénalisé par la litanie des dix-huit suicidés initiaux, que l'auteur nous présente un à un, en précisant le salaire qu'il percevait au service du daimyo, ce qui s'avère assez ennuyant, d'autant qu'on se perd complètement dans la profusion des noms et prénoms, l'organigramme et la filiation de tout ce beau monde.



Malgré les points faibles déjà relevés, ces nouvelles présentent d'indéniables qualités, à commencer par le rythme, le caractère de récits d'aventures épiques, et une écriture de bonne facture, simple, directe, sans emphase. Surtout, elles plongent le lecteur dans la fascinante période du shogunat, avec ses règles particulières, sa structure sociale, et des personnages ayant le sens de l'honneur, qui n'hésitent pas à mourir pour une cause et pour leur seigneur. Au finale, une lecture plaisante, d'un des écrivains témoins de la fin de l'ère Meiji, marquée par l'ouverture du pays à l'occident.

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L'oie sauvage

En l'an treize de l'ère Meiji(1880),à Tokyo,le regard d'un jeune étudiant en médecine,Okada,croise celui d'une jeune femme ,maîtresse d'un usurier.Le narrateur est un autre étudiant,ami d'Okada et jouera un rôle fatal dans l'histoire.Ce récit pudique et poétique raconte la trajectoire de deux destinées,l'histoire d'un amour rêvé,discret et silencieux et l'importance du hasard dans le cours de nos vies.Les multitudes de détails sur la morale,la vie sociale ,la littérature de l'époque en parallèle avec la trame nous captent jusqu'à la fin,dans ce court roman de 172 pages.

C'est le premier livre de Mori Ôgai(1862-1922) que je lis.C'était un homme étonnant pour son époque,chirurgien,romancier,novelliste,poète,

dramaturge,critique,traducteur,parlant plusieurs langues.J'ai adoré ce livre,et particulièrement la fin qu'il ponctue avec une note d'humour.
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L'oie sauvage

Espoirs esquissés

J'ai beaucoup aimé ce court roman de l'ère Meiji.

1880. Le narrateur a pour ami Okada, étudiant en médecine comme lui. Ils logent tous les deux dans la même pension. Chaque jour, Okada passe distraitement sous la fenêtre d'une triste demeure voisine. Un soir, il voit une jeune femme, de retour du bain, y entrer. En entendant le bruit des socques de bois d'Okada, elle se retourne et son regard croise celui du jeune homme...

Ce roman est construit comme un assemblage de poupées russes. Le narrateur esquisse le portrait de son ami , puis celui de la jeune fille, raconte brièvement la vie de son vieux père, de l'homme qui l'entretient, de la femme de celui-ci. Il multiplie les points de vue, décrit les espoirs et les devoirs des uns et des autres avec beaucoup d'humanité et de réalisme. Les sentiments ne sont pas dits. Ils sont exprimés dans les gestes quotidiens d'une grande sensualité ( la vaisselle par exemple) et dans de belles métaphores poétiques. Un doux roman sur nos espoirs envolés.

Lu dans l'édition Cambourakis traduit par Reiko Vergnerie.





































































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L'oie sauvage

Je lis les auteurs de Meiji surtout pour l'ambiance particulière de cette époque, qu'ils décrivent dans leurs récits. Soseki mis à part pour ses prises de position politiques, les oeuvres de Nagaï Kafu et Ogaï Mori nous font prendre conscience du passage du temps et leurs personnages, à travers leur vie quotidienne, leurs émotions, semblent nous rappeler à cet instant charnière où les relations humaines vont irrémédiablement changer en d'adaptant au nouveau cadre de vie.

Ce livre, s'inscrit dans cette mouvance. Une histoire qui prend son temps, des relations amoureuses contrariées, des considérations sur l'existence, des descriptions encore naturalistes... Il manque peut-être juste un peu de relief à cette intrigue pour que je sois pleinement satisfait.
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L'oie sauvage

Mon 1er roman de Mori Ogai, et certainement pas le dernier.



Outre l'aspect instructif (et édifiant!) sur la condition de la femme au Japon fin du 19ème siècle, une très belle écriture nous immerge très rapidement dans ce court roman.



J'ai apprécié tout l'art du non-dit typiquement japonais, tout en nuance et en suggestion. Une belle découverte.
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L'oie sauvage

Ce texte est un pur bonheur de lecture.

Le style est limpide et précis.

Un étudiant en médecine passe chaque jour devant une maison. Il entraperçoit la jeune femme qui y habite. Au fur et à mesure des promenades, des échanges de regard, ils en viennent à se reconnaître, à se dire bonjour, puis à s'attendre imperceptiblement, à se chercher, mais sans pouvoir briser le silence, la politesse et les obligations qui les éloignent l'un de l'autre.

De 144 pages d'une histoire de rien, l'auteur nous en révèle pas à pas toute la profondeur et conserve intacts notre intérêt et notre émotion.

L'auteur tient jusqu'au bout son pari, pas d'éclat, pas de larmes, pas de solution, ni d'élan poétique. Quelque chose a eu lieu, et qui n'est déjà plus ; deux trajectoires se sont effleurées et... plus rien.

Une magnifique réussite, celle d'une tragédie invisible au monde, une austérité infiniment touchante, émouvante et inoubliable.
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L'intendant Sanshô

Les deux récits se situent dans le Japon médiéval. Une femme part sur les routes à la recherche de son mari bannit alors qu’il était gouverneur de leur village. Elle est accompagnée de ses deux jeunes enfants, une fille et un garçon. Lors d’une étape, les enfants sont séparés de leur mère et vendu comme esclaves à l’Intendant Sanshô. Ils restent ensemble et cachent leur ascendance noble afin de ne pas être encore plus maltraités.

La sœur se sacrifie pour permettre à son frère de fuir. Il deviendra quelques années plus tard, gouverneur à son tour et abolit l’esclavage sur le territoire qu’il administre, avant de quitter ses fonctions pour partir à la recherche de sa mère qu’il retrouve, vieille, loqueteuse et aveugle mais heureuse de pouvoir serrer son fils dans ses bras.

Le deuxième récit concerne également un gouverneur, celui-ci est atteint d’une maladie incurable, ainsi que de sa cour de samouraïs qui l’entoure.

Décidemment je suis totalement béotienne en matière d’us et coutumes du Japon en général et du Japon médiéval en particulier. Alors que j’ai toujours cru que les samouraïs se faisaient Hara Kiri pour laver leur honneur, là, qu’apprends-je ! Qu’il s’agissait également d’un privilège honorifique pour les hauts dignitaires désignés par les nobles locaux, que de se suicider de cette manière rituelle à la mort de celui qu’il servait !

Ce sont de très beaux, très cruels, très hiératiques récits qui ont inspirés des cinéastes japonais des années cinquante.

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La Danseuse

Voici un petit roman de Ogai Mori où l'action se situe à Berlin au début du XIXeme siecle, où l'auteur a vécu lui-même.

L'action est très simple . un fonctionnaire de l'ambassade japonaise à Berlin se prend d'affection pour une pauvre femme qu'il entreprend d'aider financièrement. Peu à peu, un lien amoureux va se créer. Mais ce fonctionnaire reçoit une promotion pour un poste au ministère à Tokyo.

Affeux dilemme. Sans lui, cette femme n'a aucune chance et il lui est impossible de l'emmener avec lui au Japon. L'alternative serait de refuser le poste, mais sa carrière s'arrêterait là et son ambition est très forte. Je vous laisse decouvrir la chute.

Nous sommes là en plein naturalisme japonais. L'homme, avec son individualite reconquise après les siècles de shogunat Tokugawa est mis face à ses choix.

On n'est pas tres loin De Maupassant, dans la peinture d'un milieu où l'individu doit se débattre avec sa propre conscience.

Un bon petit roman pour une introduction à la littérature de l'ère Meiji.
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Vita sexualis, ou, L'apprentissage amoureux..

C’est là un bien étrange récit, qui décevra grandement ceux qui voudraient y trouver nombre d’anecdotes croustillantes… Ce roman, dont une large part doit être autobiographique, nous entraîne dans l’enfance et la jeunesse du professeur de philosophie Kanai Shizuka, au début du vingtième siècle.

Mori Ogai commence par nous présenter Kanai Shizuka, son alter ego, qui a étudié la philosophie (comme l'auteur la médecine), et qui se pose des questions sur la façon dont le désir vient aux hommes… Après diverses digressions allant de la statuaire grecque à la philosophe allemande, cet intellectuel distingué entreprend de rédiger un journal indiquant comment, entre ses six ans et ses vingt et un ans, il a été confronté au désir.

Ce journal occupe l’essentiel de l’ouvrage (133 pages sur 166), et est en fait pour nous l’occasion de plonger dans la vie quotidienne d’un jeune garçon de la classe moyenne dans le Japon du début du vingtième siècle. Tout un petit monde urbain prend vie au détour des pages, comme sans y prendre garde : les habitations, les rues, les voisins, les coutumes, les écoles et les études sont décrits avec un réalisme saisissant, comme allants de soi. Le sujet « principal » de l’ouvrage reste à vrai dire anecdotique, et plus que du désir, il s’agit ici de voir comment le jeune Shizuka fait la découverte, à différents âges, du monde des femmes, un univers secret qui se superpose au sien et n’entre en relation avec lui qu’au cours de rares épisodes qu’il détaille.

Ainsi, de jeunes voisines en tantes ou relations familiales, de partis éventuels en geishas plus ou moins intéressées, nous suivons l’itinéraire d’un enfant prodige (comme l’auteur) qui tente de découvrir le monde du désir davantage par la fréquentation assidue des classiques chinois que par celles des jeunes filles !

Comme beaucoup de jeunes gens de l’époque, il sera finalement la « proie » à demi consentante d’une professionnelle, au terme d’une relation qui laissera sur leur faim ceux qui rechercheraient le moindre érotisme dans un livre qui en est singulièrement dépourvu.

Le récit se termine sur les réflexions désabusées du Shizuka philosophe, qui se demande si son « audace » littéraire était nécessaire…

L’intérêt du livre (qui fut interdit au Japon à l'époque de sa parution) réside surtout dans une plongée dans la vie quotidienne du Japon urbain du début du siècle dernier. La traduction de Amina Okada est excellente, et participe du grand confort de lecture de ce texte, où les rares notes en bas de page permettent de préciser le sens de quelques termes conservés en japonais, et des ouvrages chinois cités. La présence dans le texte originel de nombreux mots et expressions en anglais, français et surtout allemand est aussi notée, montrant qu’à l’origine Mori Ogai s’adressait bien à une minorité de lettrés.

On peut par contre se dispenser de la lecture de la préface d’Etiemble : pédante et lourde, elle ne semble utile que pour glorifier les conceptions de son auteur sur ce que doit être une bonne traduction (et un bon traducteur), pour lui permettre de régler quelques comptes obscurs et pour tresser des lauriers à la traductrice de l’ouvrage. Non dépourvu de sous-entendus, ce texte n’est réellement plus d’actualité.

Au final, un texte intéressant qui ouvre une porte sur une description vivante et charnelle d’un Japon aujourd’hui disparu.
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Vita sexualis, ou, L'apprentissage amoureux..

Histoire d'un apprentissage, tout en douceur, de la sexualité à un jeune homme. On peut imaginer le scandale. On est encore à l'ère Meiji et le Japon commence à s'ouvrir à l'occident. Toujours est-il que Ogaï Mori nous offre des pages d'un grand raffinement, comme à son habitude. Quelques décennies avant, pour expliquer la sexualité aux profanes, la mode était aux estampes Shunga, beaucoup plus explicites. L'écriture naturaliste de Mori, comme celles de ses contemporains Soseki et Kafu est beaucoup plus douce et nous immerge dans un Japon en pleine mutation. Mes trois étoiles s'expliquent surtout par un aspect un peu répétitif du récit sans intrigue véritable.
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Vita sexualis, ou, L'apprentissage amoureux..

Ce livre est un récit de l'apprentissage affectif et sexuel du héros, constitué des moments marquants de sa vie pendant lesquels il a été confronté au sexe entre 6 et 20 ans. Ce récit est très largement autobiographique, et le fait que l'auteur soit membre de l'école naturaliste japonaise rend l'écriture sobre et avec une volonté de réalisme marquée.



Quand on pense que ce livre fit scandale en 1909 lors de sa parution, on mesure combien les mœurs ont changé au Japon ( surtout quand on connait un auteur comme Murakami Ryû ou certaines spécialité audiovisuelles japonaises, mais ce n'est pas le sujet .... ) L'auteur raconte son initiation à la sexualité, et le moins que l'on puisse dire c'est que ce n'est pas un Casanova, sans être Mister Abstinence ! C'est une sexualité que je qualifierais de normale pour l'époque. Il est donc amusant de constater l'extrême pudeur des autorités au sujet de ce livre interdit à l'époque, qui a portant le mérite de parler de sexualité de manière pondérée.

C'est donc loin d'un livre à scandale ( une part de moi le regrette un peu, je l'avoue ... ) et davantage un livre militant qui veut montrer un apprentissage laborieux de la sexualité. Les jeunes ne fréquentent que peu le sexe opposé, et le sentiment amoureux n'est jamais inculqué, ce qui réduit le jeune garçon à de l'embarras et de l'avidité devant les choses du sexe. Il semble que les jeunes hommes grandissent frustrés par des pensionnats non mixtes et n'aient le choix qu'entre un mariage précoce et arrangé ou la fréquentation des quartiers de plaisir pour assouvir leur sexualité.

Vita sexualis porte ainsi bien son titre, car elle reflète une observation distanciée et péjorative de la sexualité du héros, représentatif des jeunes japonais de l'époque.



PS : ce livre est aussi intéressant pour qui connaît le Japon actuel, à des fins de comparaison, où certains problèmes du livre persistent : femme hyper sexualisée et vue comme le sexe faible, mais aussi de constater l'apparition de nouveaux phénomènes comme celui du manque d’intérêt pour le sexe.
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Vengeance sur la plaine du temple Goji-in e..

Ce recueil compile cinq nouvelles d’un des maîtres de la littérature japonaise des ères Meiji et Taisho, couvrant la fin du 19e et le début du 20e siècle.

Si les récits présentés ici ont été écrits entre 1913 et 1915, ils se déroulent à des époques bien antérieures, ce qui leur vaut leur qualificatif de récits « historiques ». Toutefois, Mori Ogaï brodait plutôt sur un fait au lieu de le reconstituer minutieusement, et ses récits sont donc bien des fictions, même si leur base est réelle.

Une autre originalité de ces histoires est le personnage principal de chaque histoire, qui est une femme, et même de celles que l’on nommait à l’époque de Ogaï les « nouvelles femmes », dont l’auteur démontre qu’en fait elle n’avait rien de bien nouveau…

Les héroïnes de Mori Ogaï tentent de conjuguer leur liberté avec leurs « obligations » sociales, leur statut, et ce à tous les âges, à des époques et dans des situations variées.

Le premier récit, Vengeance sur la plaine du temple Goji-in, nous entraîne, en 1833, à travers tout le japon à la poursuite d’un meurtrier. On y apprend qu’à l’époque la famille de la victime pouvait recevoir une « autorisation de vendetta » lui permettant de traquer et de mettre à mort le coupable du meurtre. Ici, le fils, la fille et un frère du défunt souhaitent accomplir cette vengeance. Seuls les deux hommes vont s élancer sur les routes, la fille, Riyo, devant être avertie lorsque le coupable sera retrouvé, afin qu’elle aussi puisse se venger. Alors que son oncle et son frère pensaient la chose difficile, Riyo sera pourtant présente à l’instant décisif.

Madame Yasui nous raconte les choix et la vie de l’épouse d’un homme célèbre, fort savant, mais hélas au physique peu avantageux. O-Sayo-San, jeune et belle, choisira son destin en se liant avec un homme brillant dont elle ne pourra que rester dans l’ombre.

Yu Xuanji nous amène en Chine, sous la dynastie Tang (vers l’an 860), où une belle poétesse va accéder à une célébrité si importante qu’elle lui sera fatale.

Dans le récit suivant, Run, une vieille femme, vit avec un vieil homme, Iori, une passion qui semble surprenante à leurs voisins stupéfaits, jusqu’à ce qu’ils apprennent quelle a été la vie de ce couple étonnant de fraîcheur décrit dans la nouvelle les petits vieux.

La dernière héroïne, Ichi, est une jeune fille de seize ans qui, dans le dernier mot, va proposer aux autorités un marché inattendu pour sauver la vie de son père condamné à mort pour escroquerie.

Toutes ces histoires nous plongent dans un Japon disparu et lointain, dans une culture parfois surprenante, dont les lois, écrites ou non, vont rythmer la destinée de femmes qui ne sont en rien soumises, mais dont certaines vont accepter librement les apparences d’une subordination. Le style de Mori OgaÏ participe de ce dépaysement, mais avouons qu’il n’est pas à recommander pour une première approche de la littérature japonaise. En effet, imaginons qu’un auteur écrive : « A se rendit chez B ». Avec Mori OgaÏ, cela deviendra :

« Au cours de sa vingt-troisième année, A, Vassal de C, dépendant du gouverneur D, de la maison E, se rendit le troisième jour de la quatrième lune de l’an IV de l’ère Meiji, à la fin de l’heure du bœuf, chez B, dans le pays de X, du Canton de Y. » J’exagère à dessein afin de prévenir le lecteur, d’autant que les précisions apportées par Ogaï, donnant l’illusion d’un grand travail d’historien, sont en fait partie intégrante de la fiction qu’il crée.





La traduction est excellente, et n’a pas du être facile, tant le style de l’auteur, et ses tournures de phrases, sont particulières ! E. Lozerand a intégré de nombreuses notes de bas de page, bien placées et bien lisibles, qui donnent divers renseignements utiles sur les mots, les situations ou les références culturelles du texte.



Le livre, au format 16x22 cm, imprimé en France, contient 175 pages de texte, et 25 d’une postface utile du traducteur, qui replace les récits dans leur contexte et les commenta intelligemment (ce qui n’est pas si fréquent). Une notice biographique termine l’ouvrage, ainsi qu’une bibliographie mentionnant les œuvres traduites de M. Ogaï.

Comme souvent aux éd. des belles lettres, les caractères sont assez gros, ce qui facilite la lecture, surtout pour les moins jeunes, et le papier d’excellente qualité, légèrement velouté. Deux rabats permettent de se dispenser de marque-page.
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L'oie sauvage

C’est fou ce qu’arrive à dire Ogai Mori en aussi peu de pages !, et avec un récit d’une fluidité exemplaire. C’est un grand plaisir de lecture. On pourrait croire à un instantané : la vie d’un quartier où résident des étudiants à proximité de la faculté de médecine à Tokyo. Le récit met de côté assez vite les étudiants pour se concentrer sur une jeune femme, un usurier marié qui l’entretient, et le père de la jeune femme, et on devine les changements qui commencent à poindre notamment du côté des femmes, leur reconnaissance et leur désir.
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Le jeune homme

Le jeune homme, Junichi, quitte sa province, une lettre de recommandation à la main pour un écrivain auprès de qui il souhaite prendre conseil, et "monte" à Tokyo dans l'espoir d'y devenir écrivain. Il se lie d'amitié avec un étudiant en médecine, fréquente les cercles intellectuelles, et fait la connaissance de quelques figures féminines, dont une veuve, Madame Sakai, qui le trouble tout particulièrement.

Le Jeune homme est un roman d'apprentissage, une sorte d'éducation intellectuelle et sentimentale, très plaisant à lire, les descriptions précises (les promenades notamment se sont appuyés sur un plan que l'auteur a établi lui-même). On suit l'introspection du personnage dans le récit, mais aussi à travers deux passages de son journal qui sont insérés. Le livre permet de se plonger dans la vie intellectuelle japonaise du début du XXième et de suivre les tourments d'un jeune homme, notamment ses désirs sexuels.

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Le jeune homme

Le jeune homme" de MORI Ôgai c'est 230 pages pour se promener dans le Japon des milieux étudiants et intellectuels au début de XXème siècle. De nombreux renvois en bas de page nous renseignent sur les "vrais personnages". Ainsi dans cet extrait, Fuseki est en réalité SÔSEKI Natsume.

..." Tel était le ton. Fuseki ne forçait nullement sa voix. Mais il n'avait pas non plus cette "éloquence empêtrée" dont parlent les critiques à propose de Setsurei. Et entendre soudain cette voix si originale venue imprudemment briser la monotonie, c'était comme lire en sténo une conférence de Setsurei." ...
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Le jeune homme

Un jeune homme aisé arrive de province à Tokyo. Il envisage de devenir écrivain. Il ne souhaite pas faire d’études. Il fait des rencontres, assiste à des conférences, lit, discute. Et trois figures féminines croisent son chemin.



Une sorte de roman d’apprentissage dans le Japon du début du XXe siècle. Pas d’événements spectaculaires, des rencontres, des conversations, des sensations….Un portrait se dessine par des touches discrètes, en même temps que le tableau d’une époque ; d’ailleurs des écrivains célèbres, comme Natsume Soseki se cachent derrières certains des personnages du roman.



Un livre en demi-teintes, ou tout est dans l’art de la nuance et de la suggestion.

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Chimères

Ces textes apparaissent, d’un même mouvement, denses et décousus. On ne comprend pas bien où l’auteur veut mener le lecteur mais, à coup sûr, pas à un coup de théâtre dans l’intrigue.
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