Olivia Régnier

Ils n'avaient que quelques pas à faire pour atteindre le rivage. Sandrine dénoua son paréo bleu, qui tomba sur le sable de corail. Elle courut dans l'eau délicieusement douce, sans s'apercevoir qu'Hervé venait de pousser une pirogue à balancier.
(...).
Il la prit dans ses bras, la déposa hors de l'eau. Sandrine s'étira voluptueusement tandis qu'Hervé traînait la pirogue sur le sable. Elle contemplait sa musculature puissante mise en valeur par l'effort qu'il accomplissait. "Quelles forces déchaînées ce corps porte-t-il en lui?" songea-t-elle.
Une fois le bateau au sec, il s'allongea tout près d'elle. Sa main parcourut l'épaule de la jeune femme, et effleura un instant la pointe de ses seins avant de s'attarder sur ses hanches. Sandrine se releva légèrement, saisit Hervé derrière la nuque. Il se redressa silencieusement, puis disparut derrière les cocotiers. La jeune femme savourait, émerveillée, l'impression de calme irréel qui s'était maintenant emparée d'elle. Comment pourrait-elle faire partager cette émotion à l'homme qui en était la cause? Les mots qu'elle trouvait lui semblaient trop fades, mal adaptés à ce qu'elle ressentait. Voilà, c'était cela, "l'Amour", mais ce terme galvaudé avait perdu son sens.

C'était le jour prévu pour la visite de la demeure de Paul Gauguin.
(...)
En attendant son groupe Sandrine faisait les cent pas sur la terrasse avec impatience. Taro la héla du fond du bar obscur et désert.
- Mademoiselle Sandrine, ça ne t'ennuierait pas de prendre avec toi un ami à moi, un artiste, Hiro Tahuo? Il sculpte bien, tu sais, comme les ancêtres, et puis il est allé à Paris déjà. Il voudrait parler avec toi de ton pays. Le patron, il est d'accord pour que tu l'emmènes en excursion.
Un peu interloquée, Sandrine accepta. Elle s'attendait à rencontrer un pauvre garçon, un faux artiste, comme il y en avait tant dans les rues de Papeete qui vendaient de médiocres interprétations des Tikis primitifs. Elle voulait bien rendre service à l'ami de Taro mais elle était fatiguée d'avance des efforts supplémentaires de conversation qu'elle devrait faire avec un inconnu.
Elle fut frappée en montant dans le car de l'aspect de son nouveau voyageur. Hiro Tahuo était un Tahitien métissé de Blanc. Il possédait la carrure athlétique des Maoris mais il avait hérité de se ancêtres anglais ou français une finesse de traits qui lui donnait une grande distinction.

Il n'était pas question pour elle de présenter un visage de vaincue face à l'homme qu'elle allait revoir sans doute pour la dernière fois. Sandrine décida de se farder légèrement, commençant par éclaircir son regard d'une touche d'ombre à paupières, d'une nuance rappelant l'éclat de ses yeux, puis brossa ses longs cils avec du mascara. Un soupçon de fard à joues accentua légèrement ses fossettes. Saisissant une brosse, elle démêla ses longs cheveux roux, qu'elle noua d'un discret ruban de velours noir. Elle choisit un parfum léger dont elle versa quelques gouttes à la base de son cou et sur ses poignets.
Puis elle se décida pour une robe rouge qu'elle n'avait encore jamais osé mettre, tant il lui avait semblé jusqu'ici que cette couleur vive risquait d'attirer l'attention sur celle d'une façon trop provocante. C'était une robe plissée, en coton, attachée aux épaules par deux cordons et serrée à la taille par une petite cordelière.

Tu n'ignores pas que dans un pays comme le Sénégal un chercheur est une personnalité. Sa compétence est absolument nécessaire, donc les hommes politiques le traitent en conséquence.

En effet les jeunes gens accostent volontiers les touristes qui s'égarent dans les rues de la ville et leur font une cour pittoresque ; mais ils ont la sagesse de laisser en paix les promeneuses qui font partie de la population blanche, très minoritaire à Saint-Louis. Un peu comme les garçons et les filles d'un village qui sont allés à l'école ensemble entretiennent ensuite des rapports amicaux et sans équivoque.

De telles mésaventures sont rares dans ce pays. Je ne cherche pas à excuser ce jeune homme mais, voyez-vous, les touristes ne veulent pas comprendre que certains comportements tout à fait naturels en Europe peuvent ici paraître provocants...

L'acidité des couleurs donnait un caractère étrange à sa beauté de blonde, la coupe du vêtement soulignait la finesse de sa taille et la jupe droite, à peine évasée vers le bas, accentuait la longueur de ses jambes.

 Les harmonies des pagnes sénégalais sont vraiment extraordinaires et je suis étonné de voir comme celui dans lequel a été coupée votre robe s'accorde avec le blond de vos cheveux : vous irradiez !

 Je ne crois pas les hommes aussi intuitifs, même les phénix comme Christian ! S'il est devenu jaloux et agressif c'est, sans doute, parce qu'il n'a pas pu imposer son autorité.

Vous êtes sans doute intoxiquée par les idées nouvelles mais j'aime assez qu'une femme me résiste... me résiste pour mieux me céder ensuite.