Pour accompagner notre dossier Cent tableaux à voir et revoir, nous avons demandé à cinq personnalités de choisir, et commenter, un tableau. Aujourd'hui, le peintre Gérard Traquandi éclaire la Nature morte avec amour en plâtre, oeuvre pleine de merveilleuses surprises et où Cézanne est partout.
C'est une nature morte apparemment comme une autre, composée de pommes, d'oignons et d'une statuette de plâtre représentant un Amour, copie d'une oeuvre du sculpteur baroque marseillais Pierre Puget, l'un des plus grands sculpteurs du XVIIe siècle. Mais à bien regarder ce papier marouflé sur toile, on s'aperçoit vite que tout est de guingois. L'atelier de Cézanne est basculé, la perspective inexistante et les fruits prennent des proportions étranges. On a longtemps pensé que les distorsions venaient de la volonté du peintre de tout montrer, les fruits et la sculpture sur la table comme ses tableaux entassés sur le mur du fond. le peintre Gérard Traquandi, que l'oeuvre de Cézanne passionne, avance une autre idée - une autre analyse -, plus intuitive, plus séduisante et surtout beaucoup plus convaincante.
RÉALISATION
Pierrick Allain
Olivier Cena
TÉLÉRAMA -AVRIL 2021
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La "petite sensation" chère à Cézanne ne fait plus recette.
Nous ne regardons plus le monde.
Nous n'en percevons plus la simple beauté.
Hors du sensationnel véhiculé par les écrans ce monde n'existe pas.
Quelques irréductibles pourtant demeurent. Ils perpétuent, comme Christian Sorg, une certaine idée moderne, la prévalence du regard, la recherche poétique.
(A propos de Hans Hartung au MAM de Paris)
Le peintre invente des espaces magnifiques, vertigineux, d'où jaillit la lumière. Il retrouve "la terreur ensorcelante" des orages qu'il éprouvait enfant, la beauté des éclairs qu'il attrapait au vol et qui remplissait les pages de ses cahiers d'écolier, la puissance des cieux qui lui transmit "l'urgence de la spontanéité" - une splendeur déchaînée. C'est éblouissant.
[...] Bernard Réquichot, lui, en découpant un détail dans une page de magazine, en le multipliant, en l'assemblant avec d'autres détails, en jouant avec leurs couleurs, fait de la photographie une véritable forme plastique, l'égale de la touche du pinceau . car Réquichot est peintre, absolument peintre, jusqu'au désespoir.
La sobriété chez un jeune artiste est souvent une affèterie fabriquée, un minimalisme cérébral.
Soulages s’est consacré jusqu’à sa mort au monochrome noir qui lui a assuré une grande renommée mais se situe à l’opposé d’un tableau de Marfaing : quand l’un reflète la lumière extérieure, l’autre fait jaillir cette lumière du cœur du tableau. Les deux auraient pu bénéficier d’une même réussite, mais le monde de l’art, surtout marchand, n’aime guère les rivalités aux destins aléatoires et a préféré, excluant l’un, parier sur le vainqueur.
A l’art le témoignage poétique de la magnificence du vivant, de ce mystère qui suscite notre émerveillement.
Aujourd'hui l'argent, en art comme dans beaucoup d'autres domaines, règne, seul. Il catalogue les artistes, invente une hiérarchie, entraîne le marché dans un modèle industriel où la carrière importe plus que l'œuvre, où la marchandise s'exporte en Asie ou au Moyen-Orient. Il est maître des inélégances. Mais quand un artiste refuse de travailler pour l'argent seul, au service de quelles "idées des plus hautes" œuvre-t-il sinon de l'art lui-même, que l'on écrira alors avec une majuscule : l'Art ?
...Joseph Beuys posait sur le monde un regard sensible et émerveillé - le même que celui de Zhu Da et Shitao, en somme. Mais encore faut-il que le trait restitue ce regard. Ainsi, lorsque Zhu Da peint au lavis un poisson ordinaire, il place l'animal en haut de la feuille, de telle sorte qu'un bout de la queue manque. C'est un détail. Mais il exprime la vie, le mouvement du poisson plongeant dans les fonds de la feuille; il dit la liberté du peintre. C'est admirable.
Longtemps la peinture fut en France détestée. Cette posture contemporaine était censée témoigner de l'intelligence et de la dimension visionnaire du contempteur. La mort de la peinture annonçait peut-être même la mort de l'art...
Comme en politique, il est difficile aujourd'hui de réussir dans l'art sans une bonne dose d'écologie.