Je marche en haut des falaises du vallon de l’Aiguebrun. C’est déjà la fin de l’après-midi, le soleil est bas dans le ciel. Le thym a pris des coups de soleil et distille son odeur forte, entêtante, qui assaille les narines et donne mal à la tête. On sent que la nature a été écrasée toute la journée par le cagnard, qu’elle est toute mouligasse, et qu’elle voit arriver la fin du jour avec soulagement. Les pins respirent, se redressent, les oiseaux recommencent à voler, les lézards se baladent à gauche à droite. On sent que pour une heure ou deux, la nature est de sortie, qu’elle a saisi l’opportunité de vaquer à ses occupations après s’être terrée toute la journée. Elle fait comme dans les pays nordiques, elle cherche à profiter au maximum de l’été après un si long hiver. Comme sous l’effet d’un soleil de minuit, les ombres se rallongent et diffusent une fraîcheur insomniaque. Je marche rapidement à travers les buis, avec le vallon à mes pieds. Le sentier est très accidenté : il suit l’arête du rocher, monte et descend sans arrêt, de caillasse en caillasse.
Au détour d’un virage en épingle, mes pas s’arrêtent d’un coup : là, un peu plus loin sur le sentier, des boucs et des chèvres jouent les équilibristes entre les blocs de calcaire. Ils ne m’ont pas vu arriver : je m’accroupis sans faire de bruit, je me tapis dans les buis pour les observer un moment. Ils sont une petite quinzaine, ils sont magnifiques.
Début du premier chapitre