
Tout le monde peut-il devenir Hitler?
On entend souvent dire, notamment par des chrétiens ou par des personnes influencées par la psychanalyse: "N'importe qui peut devenir un monstre. Il s'en faut de très peu pour faire basculer le meilleur des hommes dans la monstruosité et le crime." Cette idée a un air sérieux, conscient, réaliste. Je me rappelle moi-même avoir dit à mes élèves, après avoir lu un livre de Jung: "Nous vivons tous sur un volcan intérieur qui peut entrer en éruption à chaque instant." Cette idée fait sérieux, mais elle est fausse.
Elle ne tient tout simplement pas compte de l'essentiel: le conditionnement à la violence qu'on a ou qu'on n'a pas subi dans l'enfance. Un enfant qui a subi des traumatismes et qui n'en est pas conscient, qui a accumulé, à cause de la violence ou de l'indifférence de ses parents, des abus sexuels qu'il a subis, une énorme charge de violence, peut effectivement devenir un criminel endurci, un "monstre", un Hitler. Un enfant qui a pu garder au cours de son enfance son intégrité, dont le cerveau n'a pas été perturbé par ses éducateurs, qui a été aimé et respecté, ne deviendra jamais un monstre. S'il lui arrive, sous la pression de circonstances particulières ou par accident, de commettre un délit, voir un crime, il en éprouvera de tels remords qu'il cherchera de toutes ses forces à le réparer. L'humanisme classique qui ne tient pas compte de cette distinction n'est qu'une pensée abstraite sans rapport avec la réalité des conditionnements subis par les enfants, et qui, de plus, dissimule cette réalité.
En fait, l'important et ce qui déterminera à moyen et long terme des "gagnants" face à une crise, une "crisette" ou tout simplement la transgression d'une règle, c'est votre patience et votre capacité à intervenir au lieu de réagir au comportement. Si vous réagissez, vous déclarez à coup sûr deux perdants sans aucun gagnants: vous et votre enfant. Par contre si vous intervenez adéquatement, il y aura deux gagnants: vous mais également et sûrement votre enfant.
Certains y voient une intrusion de l'Etat dans la vie des familles. Mais on n'oppose pas cet argument à l'interdiction faite aux maris de frapper leur femme.
Partout où on été faites des enquêtes sérieuses sur la violence éducative, elles donnent les mêmes résultats: 80 à 90% des enfants sont soumis à la violence éducative pratiquée dans leur pays.
Humilier ses victimes, les torturer, faire de leur humiliation un spectacle, c'est un comportement acquis, culturel, qui ne doit rien à l'animal qui et en nous.
"Qu'est-ce qui peut d'avantage prédisposer au mal que le mal auparavant subi?"
Lytta Basset, Guérir du malheur