Olivier Py

LE JARDINIER- La guerre est-elle aussi laide que les poètes le disent?
LE DIABLE- Nous n'avons pas dû lire les mêmes.

Je suis la Princesse solitaire, prisonnière d'un lion rouge, avec pour seule compagne cette horloge qui fait un bruit de squelette en dansant.

il viendra sans présage
Dans ce palais de givre
Décacheter les pages
Les pages de mon livre.

Ô chanson de l'absence !
Dans ce palais de givre
L'amour est délivrance
L'amour seul nous délivre.

LE PRINCE
Il faut me pardonner. Je ne suis né que pour deux choses : t'aimer et combattre. Je ne connais la guerre que par les jeux d'enfant. Épées de bois, chevaux de bois, sang de bois sur les armures de bois. En un jour, Dieu m'a fait deux fois homme. Tes bras cette nuit, mon armée au matin. Je suis heureux et naïf, je reviendrai heureux et sage. N'oublie pas que je suis un prince. L’absence est mon blason.

Ton visage est éclairé comme un livre simple et c'est mon destin que j'y lis.

Regarde,la mort semble mélancolique Elle achève sa danse. Elle vient vers moi avec un regard définitif !

LE GARÇON DANS L'ARMOIRE. Ceci est l'histoire d'un homme qui a trouvé la Joie.
La Joie que les mystiques brigandent sur les chemins obscurs du renoncement et de l'extase, mais, pour cet homme, la Joie n'est pas Dieu, ni la Sagesse.
Cette Joie n'est rien, rien qu'une manière d'être au-dessus de toutes choses, regardant sa vie comme une fable intéressante, acceptant tous les destins, souriant dans les fatalités, faisant de l'inachèvement l'achèvement du poème, oui, il acquiesce à tous les possibles, cet homme, ce fauve, ce poète.

CYTHÈRE. Qui a dit que la condition humaine était misérable ?

LE GARÇON DANS L'ARMOIRE. Faux plis de la métaphysique, qu'est-ce qu'on pourrait désirer d'autre que de mourir et souffrir ?

CYTHÈRE. Combien de vies attendent l'honneur de la vie ?

LE GARÇON DANS L'ARMOIRE. Un tel homme existe-t-il et son sourire de faune existe-t-il vraiment ?
Cet homme, peut-être ne fait-il que jouer quand il affirme qu'il sait vivre ?
Mais la valeur de ce mensonge est proprement inestimable et peut faire vaciller les puissances, elle est la légitimité de tous les pouvoirs, la source du désir vrai, l’aimant des religions.

CYTHÈRE. Au-delà du bien et du mal seule importe la fable. La fable est-elle bien rebondissant ?

Le Diable :
On m'a donné bien des noms.
Bruit d'orage.
Poids de rien
Roi de ruse
Mord la foi ...

Sapiens sapiens se plante une épine dans le pied. Il voit que sa douleur n'est pas partagée par ses camarades alors il invente le théâtre.

LE DICTATEUR. Les politiques se contentent de négocier le réel, ce n'est pas de la politique, c'est de l'intendance, et encore si elle était probe ! Moi, je vois le chef comme un prophète, il voit le réel, non pas dans le poids de ses limites mortelles, mais dans l'énergie de son devenir, la politique c'est la science du demain, mais qui ose encore de nos jours choisir l'avenir comme jardin du réel.

FLORIAN. Le poète...

LE DICTATEUR. Savent-ils vivre les poètes ?

FLORIAN. La seule manière de vivre est de vivre poétiquement.

Il y a théâtre quand il y a émerveillement soudain pour les choses vues tous les jours.

Le théâtre est la vie intérieure d'une nation.

Besoin ? Qui parle de besoin ?
  Même les misérables ont besoin d'inutile !
  Le besoin d'inutile fait de nous des humains !
  Ne donner aux humains que selon leurs  besoins
  C'est faire tomber l'homme au niveau de la bête.

11 : - Je ne suis rien !
- Que tu es belle quand tu dis "je ne suis rien"...
- C'est toi qui me trouve belle quand je dis que je ne suis rien.
- Tu es belle quand tu dis que c'est moi qui te trouve...
- C'est toi qui dis que...

Il faut entendre le théâtre comme recommencement. Recommencer non au sens de répéter le même, mais de retrouver le point originel.

Le théâtre n'est pas jeunesse mais jouvence, jeunesse qui vient toujours.

Le théâtre est cette lampe que l'on voit à une fenêtre quand on marche la nuit dans une ville inconnue, et que l'on rêve de la vie qu'il y a là, comme un lieu de clémence et de miséricorde.

Le Benjamin :
L'eau de la vie ?
Le père :
oui, quelque part,à l'absolu perspective,ou point où toute chose est rassemblée en une,nul ne sait, comment savoir? Dans un jardin blanc coule une source,, l'eau de la vie. Qui en boit est sauvé. Cette eau sauve , sauve de soif même.

Le théâtre, c'est la chambre qui cherche les amants

Le théâtre est présence réelle, non pas d'un dieu mais d'un homme.

Il doit y avoir quelque chose de péremptoire dans les affirmations du théâtre poétique, l'arrogance de la beauté qui ne perd pas de temps à convaincre. La plus petite critique, la plus dérisoire des réserves annulent tout le processus de l’œuvre la plus colossale, qui ne cherche ni la perfection esthétique, ni la pureté éthique, mais simplement à être ce qu'elle est. Les compliments l'affligent aussi car ils privent l’œuvre de sa nécessité et la renversent dans la contingence des réussites formelles. C'est comme de discuter du cri d'un mourant avec la grammaire d'un critique d'opéra épris d'exactitude sonore. Le théâtre est un être qu'il faut aimer ou laisser, suivre ou nier, adorer ou éviter. Et comme les êtres, il ne fait l'unanimité que lorsqu'il ment.