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Citations de Olivier Rolin (348)


Et sans doute n'étaient-ce pas seulement les rues qui semblaient "puantes et malsaines" à Haussmann, mais aussi leurs noms: une rue hausmannienne, ça porte un nom de Préfet, ou de victoire, ça ne s'appelle pas rue du Grand Hurleur, que fit disparaître le boulevard de Sebastopol, ou rue des Frondeurs, où Vautrin, sous l'apparence de Carlos Herrera, donne rendez-vous à Esther la Torpille au début de Splendeurs et misères... Que les rues ne soient plus un poème mais une proclamation officielle, un ordre du jour, tel était le programme d'Haussmann.
(page 101)
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Son domaine, c'était les nuages. Les longues plumes de glace des cirrus, les tours bourgeonnantes des cumulonimbus, les nippes déchiquetées des stratus, les stratocumulus qui rident le ciel comme les vaguelettes de la marée le sable des plages, les altostratus qui font des voilettes au soleil, toutes les grandes formes à la dérive ourlée de lumière, les géants cotonneux d'où tombent pluie et neige et foudre.
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Il me plairait de penser qu'Alexeï Féodossiévitch sentit naître en lui une curiosité pour les météores en regardant rouler les nuages au-dessus de la plaine infinie. Peintres et écrivains ont maintes fois décrit ce paysage de la campagne russe ou ukrainienne. Profondeur vertigineuse de l'espace, vastitude où tout semble immobile, silence que ne trouvent que des cris d'oiseaux (...). Champs de blé ou de seigle, étendues d'herbes bleues piquées de fleurs jaunes d'absinthe, entre lesquels file un chemin creusé d'ornières. Bosquets de bouleaux et de peupliers graciles, les bulbes dorés d'une église brillant au loin, les toits d'un village, parfois l'éclat mince d'une rivière : c'est le paysage (...) de beaucoup de récits de Tchékhov,(...), le paysage de la poésie d'Essénine, de tableaux de Chichkine ou de Lévitan. Parfois, au fond d'une distance immense, la cheminée d'une locomotive rappelle qu'au sein de ce temps apparemment figé quelque chose de neuf est en train de se produire, qui est peut-être le progrès et qui est peut-être aussi une menace.
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Je conçus le plan désespéré de me rendre maître d’elle par les livres. Je choisissais les textes que j’allais lui lire avec le soin maniaque d’un magicien préparant un philtre, dosant et composant les effets attendus de crainte, de désir, de gaieté, de surprise, d’imaginations lascives ou terribles, suivant les mouvements que je voyais se faire dans son âme, en fonction aussi des moments du jour où elle m’appelait auprès d’elle, et par exemple je ne lisais pas les mêmes pages, ni ne les lisais de la même façon, selon que l’heure éclatante de la sieste glissait sur son corps allongé, à travers les persiennes, des lames obliques de lumière, tandis que le souffle des ventilateurs gonflait et soulevait légèrement, comme une matière vivante, frémissante, les feuilles dans leur coffret, ou que la fraîcheur de la nuit avait fait monter la brume de la mer et sortir des combles les grandes chauves-souris sacrées des Zapotèques.
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Son domaine, c'était les nuages. Les longues plumes de glace des cirrus, les tours bourgeonnantes des cumulonimbus, les nippes déchiquetées des stratus, les stratocumulus qui rident le ciel comme les vaguelettes de la marée le sable des plages, les altostratus qui font des voilettes au soleil, toutes les grandes formes à la dérive ourlées de lumière, les géants cotonneux d'où tombent pluie et neige et foudre.
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LA GIROLLE
Sa couleur va de l'ivoire au safran, passant par les nuances de la coquille d'oeuf, du sein de Japonaisse, de l'isabelle, du soufre, de la jonquille et de la robe de bonze. Elle allume une petite flamme dans l'ombre des sous-bois. On la nomme aussi chanterelle. Les deux vocables, nés sans doute d'une lente germination de spores verbaux dans l'humus forestier, appellent des idées plaisamment féminines et agrestes de chanteuses girondes et de tourterelles, de farandoles où s'épanouissent sous les girandoles les corolles des jupes. Il y a dans sa forme déhanchée du frou-frou de robe à volants. C'est toute une atmosphère de guinguette à la Renoir qui se lève au prononcé de ses noms. p 65
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Sur le toit d'un ascenseur à Krasnoïarsk
Je vais t'offrir toutes les fleurs et tous les champagnes, et aussi tous les fleuves et toutes les campagnes... les arabesques bleues du Brahmapoutre, les deltas arborescents des cours d'eau tropicaux, la dentelle des mangroves pour t'en faire une voilette... les méandres de l'Amazone scintillants au milieu des choux-fleurs géants... les miroirs brisės des rizières pour que tu t'y contemples mille fois, ô jeune pousse, les plages de blé pâle du Saskatchewan... les sillages de café-crème des trains de barges sur le Zaïre... te faire peur avec les crocodiles...
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On ne peut regarder sans émotion, sans cette espèce de stupeur que suscitent les lieux terribles, l’écrasante façade grise et ocre soutachée de corniches roses de la Loubianka… je dis « on » mais qui en fait ? Ceux qui ont compté d’une façon ou d’une autre, à un moment de leur vie, l’espérance révolutionnaire et sa mort sinistre. Car, s’il est un lieu qui symbolise ce meurtre de masse de l’idéal, cette substitution monstrueuse de la terreur à l’enthousiasme, des policiers aux camarades, c’est la Loubianka. C’est ici le centre de cette alchimie à rebours qui a transformé l’or en vil plomb. P 64
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Son domaine, c’était les nuages. Les longues plumes de glace des cirrus, les tours bourgeonnantes de cumulonimbus, les nippes déchiquetées des stratus, les stratocumulus qui rident le ciel comme les vaguelettes de la marée le sable des plages, les altostratus qui font des voilettes au soleil, toutes les grandes formes à la dérive ourlées de lumières, les géants cotonneux, d’où tombent pluie, neige et foudre. Ce n’était pas une tête en l’air – du moins je ne crois pas. Rien, dans ce que je sais de lui, ne le désigne comme un fantaisiste. P 11
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Et désespérément loin de tout se sent aussi, dans une chambre du quatrième étage du bloc quarante-huit de l'hôpital universitaire de Singapour, M. Chia Chan Khee dont les poumons sont comme des sacs de papier de verre, tapissés de poussière minérale parce qu'il a passé toute sa vie à travailler comme ouvrier dans les carrières. La pierre contre laquelle il s'est épuisé, blessé maintes fois, qui l'enfermait dans son cachot énorme, l'empêchant de voir le jour et les robes des filles dans les rues, et le soleil brillant sur la mer à travers les longs cils des palmes, toutes ces belles choses, la pierre qu'il creusait non pour s'évader, même pas, mais pour vivre, parce que c'était la part de vie qui lui était allouée, maintenant c'est lui qui l'enferme et c'est elle qui le mine, voilà la part de mort qui lui a été donnée. Son existence, songe-t-il, n'aura eu d'autre sens que d'accomplir ce pathétique retournement, creusant / creusé, vivant / mourant.
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Décrire ce qui est délicat, nervures d'une feuille, galbe d'une plume, ce qui est fugace, goutte d'eau brillante, songes que la nuit a emportés...
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Et pour une autre raison encore ce forcement des passes du Tage a quelque chose à voir avec ma petite histoire personnelle : le fort sous lequel était stationnée la corvette que Cournet va amariner, c'est la citadelle de Cascais dans laquelle j'ai résidé deux mois, y écrivant, sans plus désormais de porte-plume ni de stylo, ni d'encre, une partie de mon livre Extérieur monde - bien ignorant, là encore, de ce qui s'était passé sous ses murailles, et que la fantaisie de l'écriture m'y ferait revenir un jour.
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Je pensais, je lisais
Dans la Bible des vents
(Sergueï Essénine, L'homme noir)
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« La sombre construction sociale, poursuit-il, est ainsi faite que, grâce au dénûment matériel, grâce à l’obscurité morale, ce malheureux être qui contenait une intelligence, ferme à coup sûr, grande peut-être, commença par le bagne en France et finit par le gibet en Angleterre. » (« Grâce au dénûment matériel » ? On aurait plutôt écrit « à cause du dénûment matériel », mais qui est-on pour corriger le génie, le prodigieux artisan de la langue que fut Hugo, à travers qui parlait, selon Paul Valéry, « une divinité du Langage qu’illumine la toute-puissance de l’Ensemble des Mots » ?) Ce sont ces quelques lignes qui ont excité ma curiosité au point de me déterminer à entreprendre l’enquête qu’on vient de lire, et qui peut être considérée comme une note en bas de page du chapitre intitulé « La Charybde du faubourg Saint-Antoine et la Scylla du faubourg du Temple ». Les livres servent à en susciter d’autres, et si inférieure et chétive que soit leur descendance, peu importe : le mouvement de l’imagination, de l’écriture, de la lecture, se poursuit, qui est la vie même, la vraie vie, a dit un autre.
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Le huit mai 1934, quatre mois exactement après son arrestation, le détenu Alexeï Féodossiévitch Vangengheim est incorporé à un convoi à destination du SLON, "camp à destination spéciale des îles Solovki".
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J’aime Arkhangelsk à cause de son nom de ville de l’Archange, à cause du large estuaire qui la borde, qu’on traverse en hiver sur un chemin de planches, posé sur la glace et festonné, la nuit, de pâles lumières, à cause des maisons de bois qu’on voyait encore en assez grand nombre lors de mes premières venues (peu, depuis, ont résisté aux affairistes immobiliers), et parce qu’il me semble que les filles y sont particulièrement belles… Il me semble que Cendrars parle quelque part, des cloches d’or (ou des clochers d’or ?) d’Arkhangelsk, mais je n’ai retrouvé cela nulle part. Peu importe, les écrivains ne sont pas seulement ce qu’ils ont écrit, mais ce que nous croyons qu’ils ont écrit. P 14
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Le langage que nous aimons, maintenant, est celui de la communication! Des messages publicitaires! Des clips! Du marketing! Des sondages! Panels! Tout le monde y vient, les politiques, les hommes d'Église, les journalistes, les romanciers! Et on a raison! Efficacité, économie, rapidité! Des mots comme des missiles sol-air, standardisés, ultralégers, portables sur le dos, fonçant vers leur objectif à vitesse trisonique! Message délivré en un temps record! En plein dans le trou du cul de la tuyère! Dans le cœur de cible! Explosion d'images subliminales! Sublime! Une langue nouvelle, à la mesure athlétique de l'humanité sportive! Une langue saine et équilibrée, basses calories, pour un public aux performances sans cesse améliorées! Tenez, moi, par exemple, grâce à un entraînement raisonnable, jogging, club de gymnastique, à une diététique pensée, stricte mais sans excès, à des équipements conçus en fonction de concepts nouveaux, eh bien, sans être Carl Lewis, je cours tout de même plus vite que... que le soldat de Samothrace, par exemple! Beaucoup plus vite! Et je pense aussi plus vite! Donc! Normal! Mens sano! La pensée suit l'amélioration de l'espèce! Plus affûtée! Plus pointue! J'utilise la méthode de lecture du président Kennedy! Je balaie la page, je retiens l'essentiel! Et ça n'est pas grand-chose, souvent, croyez-moi! Suivez mon regard! Je programme mes connaissances! Je les formate et reformate! Constamment! A tous les niveaux! Je les articule en fonction du créneau! De la demande ! Suivi de marché! Il y a un marché des connaissances, et des mots aussi, señorita! Il y a des mots qu'on ne demande plus du tout! Personne n'en veut! D'autres qu'on s'arrache! Je les utilise en flux tendu, mes connaissances! Jamais plus de stocks! Rotations constantes, recyclages! Rentabilité maximum! Je n'ai peut-être pas un savoir, disons, encyclique, mais je le place mieux, je le vends mieux qu'un autre! Surtout qu'un poète! Un poète ! Faites-moi rire! Sombres blocs ils s'y croient! Sombres ploucs, oui! Vous connaissez, mademoiselle, je présume, Edward Allan Poe? Un désaxé! Un ivrogne, d'ailleurs soit dit en passant. Perdu d'alcool, comme monsieur! Un drunkard, un borracho, oui, un pochetron, comme on dit chez moi...
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J'aime les cartes j'en rapportais de chaque voyage, quand on pouvait encore voyager. Les boîtes qui les contiennent sont étiquetées par continent,Asie,Afrique,etc.( c'est ma façon discrète d'être maître du monde...)
J'éprouve à les regarder le même vertige que celui qui m'avait incité, il y a longtemps à entreprendre-L'Invention du monde-.: ce lieu,là, sur lequel je mets le doigt-le village d'Arouan,par exemple, sur ce trait fin qui monte presque verticalement de Tombouctou à Taoudeni (eau salée) (...) , il existe vraiment, concrètement, en ce moment. Si petit qu'il soit,des gens y font quantité de choses,y ont une foule de pensées. (..)
C'est le monde.J'aime les cartes.Un coin de mon âme est géographe. (p.83)
.
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Pourquoi raconter ça ? Je pourrais répondre, comme Michel Leiris dans -Biffures-,qu'un déménagement est "une fin du monde au petit pied",qui justifie bien qu'on y consacre quelques pages.Ce n'est jamais que notre monde personnel,d'accord,mais on y tient, on n'en a pas tellement d'autre.Notre petit tas de secrets,nos pleurs,nos joies,c'est là, entre ces murs décrépits,qu'il s'amoncelait. (p.15)
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Epigraphe
Admiranda tibi levit spectacula rerum (…) dicam : « Je te parlerai des spectacles admirables qu’offrent de petites choses. »
Virgile, Géorgiques, IV
p 12-13 L’écriture requiert de la précision, la gravure, art de patience et de discrétion, aussi. C’est ce que j’ai appelé, dans un autre texte consacré à Erik Desmazières, l’ « esthétique de la feuille d’herbe », en me souvenant d’un vers de Whitman qui dit I believe a leaf of grass is no less than tue journey-work of the stars, « Je crois qu’une feuille d’herbe n’est pas moins que le travail errant des étoiles ».
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