Traitée par Murnau quasi en ombres chinoises, cette scène approche au plus près le lien profond qui unit le personnage de Nosferatu au cinéma lui-même : le comte est un fantôme, une ombre, un jeu fragile de lumière et d'obscurité, qu'une surexposition excessive réduit à néant. Les scènes les plus impressionnantes du film sont sans doute celles où l'ombre du comte s'avance sur les murs, les portes, les victimes innocentes. On est très proche de la préhistoire du cinéma, des théâtres d'ombres, des lanternes magiques, des films de Méliès. Murnau accentue l'irréalisme de ce monde figuré en recourant à quelques trucages primitives : images négatives, plans accélérés, surimpressions, déplacement magique d'objet par animation. Mais surtout, il appuie la fable en imaginant un personnage dont la silhouette marquera l'histoire du cinéma.