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Citation de Erveine


En 1923, le cours moyen deuxième année est mené par un instituteur réputé, Louis Germain. L’instituteur, personnage important à Belcourt, Carpentras ou Lille, enseigne toutes les matières. M. Goulesque, le directeur, donne, lui, des rudiments d’arabe à ses élèves. Germain appartient à une élite d’instituteurs connus, Nizard, Goran, Ceccaldi, Cazalet, même si tous ne sortent pas de l’école normale de la Bouzaréah. Grand, raide, l’élocution précise, Germain joue de la clarinette et respecte la partition. « Germain ne connaît que le métronome », disent certains. Collectionneur de cartes postales, l’instituteur distribue des calottes et coups sur les fesses avec son « sucre d’orge », grosse règle de bois rouge. Intransigeant sur l’orthographe, la ponctuation, la présentation des devoirs d’arithmétique ou des rédactions, il organise des concours de calcul mental. Avec sa lanterne magique, il offre deux fois par mois à ses gamins ébaubis des projections de géographie ou d’histoire naturelle.
Les instituteurs ont une mission, élever les enfants, ouvrir l’esprit critique et les préparer au certificat d’études primaires, premier grade de l’enseignement français qui permet de postuler dans la fonction publique. Les instits croient au progrès. En Algérie, comme en métropole, beaucoup sont militants, radicaux, socialistes ou communistes. Louis Germain lit La Libre Pensée. Sans bouffer du curé, il se méfie de l’Église. Pendant ses cours d’instruction civique, lorsqu’il est « question de Dieu [dans le programme] », il explique que « certains y croient, d’autres non ». Et que dans la plénitude de ses droits, « chacun fait ce qu’il veut ». Pour les religions, il se borne à indiquer celles qui existent. Il ajoute qu’il y a « des personnes ne pratiquant aucune religion ».
Les instituteurs imprègnent les enfants d’un ordre social républicain. Ils ont en tête la « lettre aux instituteurs » de Jules Ferry : « En matière d’éducation morale, vous n’avez à enseigner […] rien qui ne soit familier à tous les honnêtes gens […] Vous êtes l’auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille. » Germain est un second père pour Albert ― ou le premier. Après quatre ans de guerre, il se sent des devoirs envers les pupilles de la nation : « Ton pauvre papa, que j’ai toujours considéré comme mon camarade. » À la fin du trimestre, l’émotion en sourdine, Germain lit à voix haute le roman de Roland Dorgelès, Les Croix de bois, qui décrit la vie des tranchées, les assauts à la baïonnette, les blessés, l’horreur de la guerre, beaux sujets de dictée : « …Une rumeur monta vers la droite, des cris ou une chanson : ‘’Les zouaves sont sortis !‘’ Une rafale de 105 éclata, cinq coups de cymbale… ‘’En avant la troisième !’’ cria le capitaine. »
Albert sait que son père fut zouave. Dans ses instructions, Ferry poursuivait : « Ce que vous allez communiquer à l’enfant, […] c’est la sagesse du genre humain. » Camus et ses camarades l’apprennent, la France incarne toujours des valeurs universelles, après la Grande Guerre comme avant. (P. 30, 31)
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