Orezza d` Antes

Vous avez même une sacrée réputation de tueuse sans pitié. En ce moment, dans sa colère, Charlie Kennedy n’arrête pas de vous comparer à une mante religieuse ou à un crotale. Mais dans les deux cas, ça ne me fait pas peur. Mon peuple a suffisamment mangé d’insectes et de serpents pour survivre ! Donc je vous garantis que vous ne m’approcherez pas d’assez près pour pouvoir me planter votre couteau entre les côtes ! Je vous aurai, vous aussi ! Et, en vous regardant tomber, je dirai : encore un autre qui mord la poussière ! — Encore un autre qui mord la poussière ? Vraiment ? Vous voulez parier ? Je n’ai pas besoin de vous approcher pour vous faire éprouver la morsure de mon couteau ! le provoqué-je, en commençant à tourner autour de lui, le poignard prêt à voler vers sa poitrine.

Quand le moment arrivera, le Fâ décidera. Le destin naîtra par lui et parmi l’une des deux cent cinquante-six combinaisons de l’oracle symbole des possibilités de vie humaine. Papa Legba y veillera. Les sacrifices nécessaires seront accomplis. Nous y sommes prêts. Tous pour des raisons différentes. La vie de chacun renferme son lot de secrets pesants dont il veut s’extraire. Je n’ai fait que les trouver et proposer une solution. Et chacun d’entre nous a accepté le prix à payer.
Nous sommes déterminés à sacrifier nos vies pour renaître et possédons la foi qui renverse les montagnes.
L’oracle l’a prédit, Ils viendront. Le bokono a fait parler ses chapelets de coquillages. Leur message a été inscrit dans le sable du plateau. Trait par trait.
Puis, sous les doigts du prêtre, l’odu18 royal est apparu. Alors peu importe que nos sangs coulent. Il a été dit que personne n’a jamais vu l’inaccessible maître des cieux et que personne ne le verra jamais. Olorun, source de toute vie, seigneur du visible et de l’invisible, n’a pas de forme et ne se montre pas aux humains.
Sa volonté sera encore une fois respectée.
Nos yeux seront aveugles.

Je savais les Séraphins tout aussi capables de posséder des corps que les démons, mais j’ignorais qu’ils pouvaient se montrer aussi fourbes qu’eux. Stupidement, depuis mon enfance, bien guidée en cela par la propagande officielle, je croyais que le camp du Ciel était meilleur, qu’il avait une éthique, et qu’il ne commettait pas de sales coups. Je découvre qu’il n’en est rien. Ses agents sont tout aussi mauvais que les autres ; démons ou anges, aucun des deux ne s’encombre la conscience de futilités morales. Le nombre des vies humaines sacrifiées pour parvenir à leurs fins ne compte pas. Tout leur appartient sur Terre, ils peuvent donc tout détruire sans aucun remords.

Nul besoin de rouler des hanches sous le nez de Big Jim pour le ferrer. Un regard bleu acier droit dans la noirceur nébuleuse du sien en rentrant dans le bar miteux où il a ses habitudes, une langue effleurant sensuellement mes lèvres, et il est venu me manger dans la main. Au cours de notre brève discussion, ses yeux m’ont bien indiqué à quel niveau de mon anatomie se situait le grand intérêt que je lui inspirais.

Je suis libre, belle et sexy ; donc j’en profite sans me poser de questions de morale à deux balles. Je vis, je tue et je baise selon mes envies. Éros et Thanatos confondus en moi. Les questions tordues, je laisse ça aux intellos. Il serait mal venu de m’interroger sur des points de détail de ce genre. J’ai un serment scellé de mon sang et de celui de mon père à honorer.

Il y a eu assez de vengeance et de sang comme ça ! Pour rien ! Nous avons une chance de tout effacer, de repartir de zéro et d’être... heureux... Tous les deux. Réfléchis, Reina... C’est inespéré et inestimable !
Ses mots ciblent mon point faible.
Pendant une longue minute, je ne peux pas répondre. Je n’arrive même pas à soutenir son regard. Trahison, amour, raison, vengeance, haine, je suis perdue. Le passé et le présent se mêlent devant mes yeux. Je revois mon père, le sucrier qui tombe et éclate en mille morceaux, ma peluche Godzilla… J’entends aussi mes cris, et les déflagrations qui claquent alors que je m’enfuis à toutes jambes Autant de choses qui m’ont façonnée et qui ne s’oublient pas.

T’es une vraie bombe... Le genre chaude comme la braise qui met le feu aux braguettes partout où elle passe ! Ces quelques mots me ramènent à la réalité. Ils sont également une déception cruelle pour mes fantasmes. Dans ses rapports avec les femmes, Charlie Kennedy ne cultive pas la finesse, mais le machisme bien lourd, à l’image de son rade. Quant à penser qu’il devrait se contenter d’être beau et se la fermer, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement dans ma tête. Néanmoins, l’enjeu de plusieurs dizaines de milliers de billets calme ma riposte verbale.

"Mes ennuis, la peur qui me ronge sans répit doivent cesser. Or, c'est si facile maintenant...Il suffit que mon coeur se taise...Je l'ai bien compris...A peine une pensée et tout finira... Voilà."

Dire que j’avais cru que t’étais une fille forte, intelligente et mature. Je t’avais traitée comme une princesse, MA princesse ! Mais, tu n’es qu’une traînée sadique, doublée d’une petite fille paumée à son dingo de papa ! En fait, t’es juste une pauvre conne avec un beau châssis, comme j’en ai sauté des dizaines ! T’as rien d’exceptionnel. Sauf ton obsession à te venger d’un truc, certes regrettable, mais involontaire et mérité, arrivé il y a plus de vingt ans ! Il faut être tarée pour en être arrivée à ce niveau de délire !

La seule exception à laquelle j’ai consentie a concerné le Necronomicon. Pour accéder à l’exemplaire authentique que le coven garde farouchement, j’ai dû composer. Mais je n’avais pas le choix : ce livre est une légende et un incontournable, à tel point que beaucoup pensent qu’il n’est qu’une fiction créée par H.P. Lovecraft pour les besoins de ses histoires fantastiques. Ce qui est totalement faux. En fait, en dépit de la destruction de nombre de ses copies, cet ouvrage existe bel et bien.