Au-dessus des toits inégaux, si serrés qu’ils semblaient aussi bien praticables que les rues, les mouettes rôdaient et jacassaient par dizaines. Le quai royal était large et dégagé, isolé du port marchand par une longue digue de pierre. Mais au-delà de l’entrée gardée par la milice, le supplice de la ville d’Assir-naïn commençait. Une immense fourmilière aux effluves discordantes, assujettie au pied de la colline abritant le Village du Roi. On ne pouvait pas voir les dômes bleus du Village depuis le port, cachés derrière la végétation et les épaisses murailles, mais Jekka les imaginait reluisants par un temps aussi clair.
Lorsque la rumeur fut retombée, l’homme gratta paisiblement son instrument. Il ouvrit la bouche en grand, révélant une voix douce et chaude, timbrée d’un fort accent de l’Est.
Une Reine au beau visage vivait en ces lieux,
Exquise et sauvage, tous la voulurent parmi les dieux.
Elle ne se promit point, et gravit les montagnes,
Effrayée à l’idée de devenir leur compagne.
Elle avait vu d’étranges canots en fer, vides, plus imposants que ceux des militaires. Happés puis engloutis par une mer effrayante. D’un noir profond et visqueux, celle-ci semblait défier l’ordre naturel et couler vers le ciel par endroits, enveloppant peu à peu les barques.