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Bibliographie de Pierre-Alexis Muenier   (1)Voir plus

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Ici, nous doublons une interminable colonne de zouaves qui s'en vont au combat. Habillés tout de neuf, bien gardés du froid par leurs capotes moutarde, ils grimpent à une allure endiablée la côte du Cabaret-Rouge. La plupart de ces hommes ont déjà à coiffé leurs casques couleur de terre. Mais beaucoup d'entre eux conservent encore et conserveront jusqu'au moment critique la traditionnelle chéchia. A leurs postes de marche, capitaines et chefs de bataillon mènent le train, un bâton à la main ou, tout simplement, s'appuyant sur leur sabre. Plus haut, sur la route stratégique de Souville à Belrupt qui, à travers bois, nous conduit à la caserne Chevert, une autre colonne de zouaves arrive, se dirigeant, par Fleury et Douaumont, vers Louvemont. Ceux-ci vont plus vite encore; et je retrouve le grand pas allongé, le pas du bled de la 45e division traversant Paris en toute hâte, le 2 septembre 1914.

Et, comme le 2 septembre, ainsi qu'à chaque tournant critique de cette guerre, les troupes d'Algérie vont arriver sur le champ de bataille à l'heure où il n'y a plus de place que pour des héros!

Après les zouaves, ce sont des tirailleurs dont les files profondes émergent de la nuit obscure, brusquement éclairées par nos phares.

Étrange apparition! Sous les casques jaunes, ces visages d'Orient semblent plus lointains que de coutume. Avec leur teint cuivré et leurs longs yeux en amande, ils évoquent les anciens Samouraïs du Japon. Les plus grands et les plus beaux --- dents blanches et barbes annelées--- ressemblent aux Sarrasins du moyen âge. Et dans le nombre, tant chez les blancs que chez les indigènes, surtout chez les vieux sous-officiers arabes, quels fiers visages militaires et quelles superbes démarches !

L'allure de ces hommes est si belle, si tranquille, et si sûr est leur élan que je voudrais écarter comme un cauchemar l'idée qui s'impose à mon esprit : « Encore quelques heures, deux ou trois à peine, et ils vont, à leur tour, entrer dans la fournaise ! »

Reposées, complétées avec amour, ces compagnies vont s'effriter, se dissocier, perdre le meilleur de leur moelle et de leur sang. Orgueil de nos chefs, réservées pour leurs plus grands desseins, demain peut-être elles ne seront plus là, irrémédiablement décimées. Et ces braves gens qui, ce soir encore, ne manquent de rien et s'en vont, pleinement vigoureux, bien abrités par leurs chaudes capotes et leurs peaux de moutons, par les grands cache-nez qui protègent leurs cols frileux, quelles souffrances abominables, quels supplices vont-ils subir tout à l'heure, couchés dans la neige par un froid qui atteint dix degrés, sans espoir de manger ou de boire, plusieurs jours, le moindre aliment chaud, exposés à la plus violente trombe d'acier qui se soit jamais abattue sur un champ de bataille!

Et des corps voleront écrasés, ouverts, éparpillés dans un tourbillon de terre et de fumée âcre, et d'autres seront percés, tailladés non point jusqu'à la mort immédiate, mais jusqu'aux plus extrêmes douleurs qu'aviveront encore la gelée mordante et l'impossibilité de revenir en arrière ou d'y être transportés pour chercher des soins.

Cependant, ils s'élancent vers cette horreur, aussi vite qu'il leur est possible, zouaves et tirailleurs, ceux-ci parce qu'il y a « service » des Français qu'on ne discute point et que les Arabes sont trop fiers pour craindre la mort, ceux-là parce que le sang français d'Algérie et les traditions qu'il inspire sont les plus nobles et les plus généreuses du monde, et parce que, depuis quatre-vingts ans, il y a un corps français porteur de la chéchia qui s'est partout couvert de gloire.

Les quatre régiments qui s'en vont là, tout seuls, vers les éclairs, une poignée de douze mille hommes, --- unique renfort disponible de cette nuit, --- avec le devoir d'appuyer les débris d'un corps épuisé et de tenir envers et contre tout, leurs titres sont les plus nombreux et les plus beaux qu'une troupe puisse revendiquer: petits-fils des zouaves d'Inkermann et de Sébastopol, de Magenta et de Solférino, des tirailleurs de Froeschwiller et de Wissembourg, héros eux-mêmes de Charleroi et de Guise, de Quennevières et de la Champagne, noblesse héritée et noblesse acquise les obligent à la fois. Ainsi la 37me division marche au-devant du plus terrible effort qu'on puisse demander à des soldats. ( 2e et 3e régiment de Zouaves, 2e et 3e régiments de Tirailleurs algériens de la 37e DI montant au front à Verdun le 24 février 1916)
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