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4.35/5 (sur 61 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Lyon , le 13/12/1933
Biographie :

Marcelin Pleynet est un poète, romancier, critique d'art et essayiste français.

Il a publié un grand nombre de volumes de poésie, de multiples essais sur l'art et la littérature, quatre romans et huit volumes de son Journal littéraire.

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Édouard Manet (1832-1883) : Nuits magnétiques par Jean Daive (1983 / France Culture). Diffusion sur France Culture le 8 juin 1983. Peinture : Édouard Manet, "Autoportrait à la palette", 1879. Par Jean Daive. Réalisation Pamela Doussaud. Avec Philippe Lacoue-Labarthe (critique, philosophe, écrivain), Dominique Fourcade (écrivain), Marcelin Pleynet (écrivain, critique d'art), Jean-Pierre Bertrand (artiste peintre), Joerg Ortner (graveur, peintre), Jean-Michel Alberola (artiste), Constantin Byzantios (peintre), Isabelle Monod-Fontaine (conservatrice au musée Georges Pompidou) et Françoise Cachin (conservatrice au musée d'Orsay). Lectures de Jean Daive. Édouard Manet, né le 23 janvier 1832 à Paris et mort le 30 avril 1883 dans la même ville, est un peintre et graveur français majeur de la fin du XIXe siècle. Précurseur de la peinture moderne qu'il affranchit de l'académisme, Édouard Manet est à tort considéré comme l'un des pères de l'impressionnisme : il s'en distingue en effet par une facture soucieuse du réel qui n'utilise pas (ou peu) les nouvelles techniques de la couleur et le traitement particulier de la lumière. Il s'en rapproche cependant par certains thèmes récurrents comme les portraits, les paysages marins, la vie parisienne ou encore les natures mortes, tout en peignant de façon personnelle, dans une première période, des scènes de genre : sujets espagnols notamment d'après Vélasquez et odalisques d'après Le Titien. Il refuse de suivre des études de droit et il échoue à la carrière d'officier de marine militaire. Le jeune Manet entre en 1850 à l'atelier du peintre Thomas Couture où il effectue sa formation de peintre, le quittant en 1856. En 1860, il présente ses premières toiles, parmi lesquelles le "Portrait de M. et Mme Auguste Manet". Ses tableaux suivants, "Lola de Valence", "La Femme veuve", "Combat de taureau", "Le Déjeuner sur l'herbe" ou "Olympia", font scandale. Manet est rejeté des expositions officielles, et joue un rôle de premier plan dans la « bohème élégante ». Il y fréquente des artistes qui l'admirent comme Henri Fantin-Latour ou Edgar Degas et des hommes de lettres comme le poète Charles Baudelaire ou le romancier Émile Zola dont il peint un portrait : "Portrait d'Émile Zola". Zola a pris activement la défense du peintre au moment où la presse et les critiques s'acharnaient sur "Olympia". À cette époque, il peint "Le Joueur de fifre" (1866), le sujet historique de "L'Exécution de Maximilien" (1867) inspiré de la gravure de Francisco de Goya. Son œuvre comprend des marines comme "Clair de lune sur le port de Boulogne" (1869) ou des courses : "Les Courses à Longchamp" en 1864 qui valent au peintre un début de reconnaissance. Après la guerre franco-allemande de 1870 à laquelle il participe, Manet soutient les impressionnistes parmi lesquels il a des amis proches comme Claude Monet, Auguste Renoir ou Berthe Morisot qui devient sa belle-sœur et dont sera remarqué le célèbre portrait, parmi ceux qu'il fera d'elle, "Berthe Morisot au bouquet de violettes" (1872). À leur contact, il délaisse en partie la peinture d'atelier pour la peinture en plein air à Argenteuil et Gennevilliers, où il possède une maison. Sa palette s'éclaircit comme en témoigne "Argenteuil" de 1874. Il conserve cependant son approche personnelle faite de composition soignée et soucieuse du réel, et continue à peindre de nombreux sujets, en particulier des lieux de loisirs comme "Au Café" (1878), "La Serveuse de Bocks" (1879) et sa dernière grande toile, "Un bar aux Folies Bergère" (1881-1882), mais aussi le monde des humbles avec "Paveurs de la Rue Mosnier" ou des autoportraits ("Autoportrait à la palette", 1879). Manet parvient à donner des lettres de noblesse aux natures mortes, genre qui occupait jusque-là dans la peinture une place décorative, secondaire. Vers la fin de sa vie (1880-1883) il s'attache à représenter fleurs, fruits et légumes en leur appliquant des accords de couleur dissonants, à l'époque où la couleur pure mourait, ce qu'André Malraux est un des premiers à souligner dans "Les Voix du silence". Le plus représentatif de cette évolution est "L'Asperge" qui témoigne de sa faculté à dépasser toutes les conventions. Manet multiplie aussi les portraits de femmes ("Nana", "La Blonde aux seins nus", "Berthe Morisot") ou d'hommes qui font partie de son entourage (Stéphane Mallarmé, Théodore Duret, Georges Clemenceau, Marcellin Desboutin, Émile Zola, Henri Rochefort). Sources : France Culture et Wikipédia

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Citations et extraits (253) Voir plus Ajouter une citation
CHANT II


ON connaît les commencements
                              on connaît les fins
sans nombre travaillant à endiguer l'humidité
           amas de richesses plus vertes au nord

ou sur les rives
           plantés au nord
ou proche dans le réseau anonyme qui passe de bouche
en bouche

   veine brune ou bleue
                     baignée
                            regard
                                  retour

rien n'a changé
            tout a changé
                           mort il avance avec
l'Égypte qui s'était levée derrière lui je l'entends entre
deux ânes dans un cahier d'écolier
                            sur la route de Den-
dera
   Nasser sur le nil en larme
                          sans dire comment ni
pourquoi
        le travail noir des porteuses d'eau
                                       dans le
matin rouge et rose
                cortège levé avec l'aurore
                                   clien-
tèle de l'histoire
             (l'autre est amont)

voyage d'intellectuel avec tout son bagage mort
brûlante complaisance de ce qu'ils ont trouvé enseveli
                                     de ce qui brille
encore dans la pierre
      ou quelques pièces à la carnation pour service
                                            rendu
      ne sachant jamais céder ni obéir…

p.49-50
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Ce qui sera repris quelques années plus tard par M. Bucci : « Giotto est donc à l’opposé de Dante qui est resté un homme de l’ancien régime » Mais nos auteurs ne sont-ils pas encore, eux aussi à leur façon, prisonniers de la légende ? En effet même à suivre les déclarations de Filippo Villani , contemporain du peintre, et selon qui Giotto aurait été un homme d’une grande culture et d’une éducation raffinée, peut-on vraisemblablement imaginer, en ce tout début du XIVe siècle, une discussion dogmatique entre un peintre et l’auteur du Convivio et du de Monarchia, un des plus subtils et complexes savants érudits de son siècle (E. Gilson), dont l’oeuvre « représentait la somme du savoir et le principal accès des esprits à l’ordre supérieur » (A. Chastel . Faut-il rappeler ici ce que G. Duby nous dit de la situation de l’artiste en cette fin du XIIIe et en ce début du XIVe siècle ? Le dialogue entre les deux hommes ne semble pas beaucoup plus vraisemblable que leur lien d’amitié ; et ce non pour des raisons d’accords ou de divergences doctrinales, mais pour des raisons sociales. « Les Alighieri qui se disaient de souche romaine, appartenaient à cette vieille bourgeoisie urbaine qui, propriétaire de maisons en ville et de domaines ruraux, pouvait sans exercer de négoce et d’industrie, sans pourtant se confondre avec l’ancienne noblesse féodale, mener la vie de gentilhomme . » Selon la légende, Giotto était un pauvre berger et son père « simple laboureur et bonhomme » (Vasari). Deux conditions sociales qui ne semblent pas devoir à priori faciliter de rencontres, ni d’échanges intellectuels, mais qui tout au contraire laissent supposer (mais faut-il vraiment insister sur ce point ?) que, si grande et « raffinée » qu’ait été la culture de Giotto, elle ne pouvait avoir aucune commune mesure avec celle de Dante ; et qu’en conséquence un débat dogmatique entre les deux hommes était impensable. Dante, pour jouer un rôle politique à Florence, semble condescendre à s’inscrire en 1293 à l’Art des médecins et apothicaires, il a 28 ans ; Giotto malgré sa gloire, devra attendre jusqu’en 1327, il a 60 ans, pour pouvoir faire partie de cette même congrégation qui n’admettra les peintres, qu’à partir de cette date. Notons par ailleurs que le même Filippo Villani, qui déclare que Giotto « à part la peinture, fut un homme d’un grand esprit », croit encore devoir écrire en 1380, soit 43 ans après la mort de l’artiste : « Beaucoup considèrent, et non sans raisons, que les peintres ne sont pas intellectuellement inférieurs à ceux que les arts libéraux ont menés à la maîtrise ; ceux-ci acquièrent par l’étude et l’instruction les règles de leur profession rédigées dans les livres, mais ceux-là ne dégagent les règles de leur art que par la force de leur talent et la vigueur de leur mémoire . » Ce qui est en effet beaucoup dire et notamment qu’à la fin du XIVe siècle on pouvait encore considérer les peintres comme « intellectuellement inférieurs ». Mais au demeurant, et si nous nous en tenons aux faits établis, nous n’avons rien à imaginer ou à inventer. Ces oeuvres sont toutes deux grandes, et si le même siècle qui les voit naître inévitablement les associe, c’est que chacune selon sa spécificité se trouve fondamentalement associée aux structures explicites et implicites, conscientes et inconscientes, qui génèrent ce siècle. C’est bien entendu d’abord parce que du De vulgari eloquentia, au Convivio, au De Monarchia, à la Divine Comédie, Dante s’emploie à jouer et à établir les débats dogmatiques (philosophiques, théologiques, esthétiques) qui dynamisent et divisent son siècle, que Giotto se trouve partie prenante dans l’oeuvre du poète. Chacun dans sa discipline spécifique se marquant au premier plan de ce que le siècle compte de plus grand. Et de l’un à l’autre le rapprochement tient essentiellement à ce qu’un même dynamisme, une même force motrice porte et emporte l’oeuvre. Lorsque renversant la proposition de Vasari on veut opposer les deux hommes, en déclarant Dante « médiéval » et Giotto « moderne », on oublie un peu facilement que des deux c’est le « médiéval » qui fut au ban de la société de son siècle et qui mourut en exil, alors que le « révolutionnaire », le « moderne » se trouvait bénéficier des faveurs de la papauté et honoré dans la même cité qui condamna le poète à être brûlé. De cet excès de peines à cet excès d’honneurs le siècle me semble manifester si bien ce qui l’occupe que la postérité reconnaîtra, avec raison, dans ces deux hommes les pères de « l’italianité », les fondateurs d’une nation. Mais alors, mais pourtant, et en fonction même du rôle qu’on leur attribue, qu’en est-il des forces qui habitent et dynamisent ces deux oeuvres ?
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Marcelin Pleynet
CETTE BONTÉ

Difficile à vivre cette bonté d’os
entre les deux rives
où, ce qui attendait, secrètement fleuri
semblable à l’amour

Rien d’humain
la tête entre le ciel et la terre...

Le désert fleurit dans cette envolée
comme les amandiers du printemps sous le haut soleil

Éloignés nous sommes proches, bien que séparés
À chaque fois l’herbe renaît parmi les sables
et de très grands écarts

J’ai sous les yeux son règne et ces bâtisses,
le marbre doré qui célèbre le relief vivant des choses.

Nous rêvons
nous arrivons à la rive déjà dépassée

Personne ne veut savoir ce qu’est un arbre
Pourtant sous les ombrages le dialogue se poursuit
et la brise est fraîche au bord de l’eau
et bien que divisés nous sommes uniques

Il est temps de le dire
nous sommes un rythme

Rien ne se perd de cette bonté.
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Provisoires amants de nègres


... Ici les rivières n’ont plus de nom — Le pays cherche
encore sa lumière — Nous sommes sans nouvelles de nos
ancêtres

Nous nous sommes arrêtés ici — Sans nous connaître
nous nous rassemblons — nous échangeons nos souvenirs
de guerre — nos plaies ne sont pas les mêmes elles se cica-
trisent — nous ne sommes pas seuls

Nous sommes dans un pays gelé

*

À chaque pas le paysage s’interrompt — l’automne
accueille les adieux — puis nous nous endormons de
tristesse
Ici les rivières perdent jusqu’à leur nom — nous nous
baignons dans un lit d’eau anonyme — nous oublions de
vivre — nous sommes seuls…

p.18-19
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Blévy, 4 octobre 1980

« Je pourrais passer des heures, des jours entiers à noter le lent déplacement de la lumière sur le mur du jardin. Je peux être attaché à cette chaleur qui passe sur le mur du jardin comme à la vie même. Toute ma vie est là dans la sensualité diffuse de la lumière et des couleurs qu’elle brûle. Toute ma vie, ce très peu de vie des pierres de la muraille qui brûlent en fin d’après-midi d’un feu roux et blond toujours prêt à s’éteindre. Ai-je jamais vécu autre chose que cet éclat de la lumière qui dans la chute du jour pénètre l’âme comme un parfum ? En fin d’après-midi chaque plante, chaque chose semble s’ouvrir à un volume que la douceur de la lumière enveloppe d’une chaude confiance. Lentement passe et décline ce que nous connaissons, la vigne, le laurier, le toit d’ardoises bleues du clocher voisin ; l’air se fige et il semble presque, alors, qu’on puisse tenir la journée dans son ultime présence. Mais les ombres pâlissent, rosissent, toute la maison s’éclaire du couchant dont les rayons touchent maintenant le pied de la cheminée du petit salon du rez-de- chaussée. L’humidité de la rivière proche se fait sentir, le vent commence à se lever, et même le chant des oiseaux se rouille dans le bruissement des feuilles. Le jour passe. Il est passé. Je le sais, je l’ai suivi. Je l’ai suivi comme j’aime suivre un livre, un écrit, sans autre volonté, sans autre désir que d’être là, d’être présent à celui-là. Je passe ainsi très facilement de la page à la lumière du jour sur le gravier du jardin, sur le treillis de bambou où les roses commencent à sécher. Il en est de certains livres comme de ces longues journées d’automne, on voudrait ne jamais s’en séparer, parce que sans plus, page après page, ils nous font l’amitié, étant simplement dans ce qu’ils sont, d’être là. »
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Parler


Couleur passée au rouge : à l’intérieur les fruits le jardin – s’il s’échappe : être là dans sa lassitude absent à tout comme de l’autre côté ce qui n’a pas de côté vient dans la voie qui reste sans venir musique de ce qui ne vient pas – Je l’entends, les choses, les fleurs elles aussi se présentent dans le miroir comme des abeilles laborieuses, elles bourdonnent comme elles demandent à être entendu bien qu’elles soient le silence de ce qui les traverse et les colore – une corbeille de fruit silencieusement me regarde comme si j’y étais et je comprends il faut aimer ce qui brille dans l’indifférence de ce qui nous occupe à jamais de l’autre côté.
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Hier, aujourd’hui, demain, c’est le même. Ai-je assez vécu ce même dans une toujours autre musique ? Et la parole qui s’élève et dialogue avec elle-même...
Rien ne passe, tout revient à nouveau dans l’espace qui s’offre gratuitement au passant, à l’habitant heureux d’être là, dans le tableau : Conversation sacrée.

Depuis leurs premières exécutions modernes, voilà quatre-vingts ans, les Vêpres de la Vierge, de Monteverdi, publiées pour la première fois fin 1610, sont devenues l’une des pierres angulaires du répertoire classique. Leur musique, magnifique, solennelle, sensuelle et rythmiquement saisis­ sante, exerce un attrait immédiat, cependant que l’usage du plain-chant, comme base de toutes les mises en musique des Psaumes, ajoute à l’exquis Ave Maris Stella, et au gran­diose Magnificat, conférant à l’ensemble une cohérence et un dessin sans pareil...

Je ferme les yeux, et je vois. Les Psaumes reposent ici sur une technique simple, chaque verset est chanté sur la même phrase musicale... Ce qui est extraordinaire, c’est l’absolue inventivite, l’alternance des deux textures basiques (Dixit Dominus) qui côtoie une serie de variations sur trois lignes de basse differentes (Laetatus sum).

Je rouvre les yeux. Près de moi, à San Zaccaria, le grand Bellini semble emporté par la musique... Conversation de la Vierge Marie avec l’Enfant et quatre saints... Chacun clans son monde... De quoi s’entretiennent-ils, si ce n’est du des­tin depuis toujours déjà joué de l’Enfant-Dieu...

Et a nouveau cet Ave Maris Stella...

Parlons-en... N’en parlons plus ...

Je quitte l’église avec cette image dans le coeur.

« Un coeur calme en son fond, calme devant Dieu comme celui-ci le veut, Dieu le touche volontiers, car ce coeur est son luth. »
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Marcelin Pleynet
2/
Il faut savoir qu’Ezra Pound a écrit et publié plusieurs volumes de poésies avant de se consacrer, pendant plus de cinquante ans, exclusivement à l’écriture des Cantos, qui ne voient le jour qu’à partir du moment où le poète trouve une forme susceptible d’assumer sa vision à la fois ponctuelle, fragmentée, discontinue et panoramique de l’histoire.

L’oeuvre d’Ezra Pound s’impose, et produit un événement sans précédent dans l’aventure de la poésie moderne, le jour où le poète découvre l’étude de Fenollosa sur Le Caractère écrit chinois. Il en retient que, dans le procès de composition de l’idéogramme, « deux choses adjointées ne forment pas une troisième chose, mais suggèrent une relation fondamentale entre elles ». Fort de cette découverte, qui implique que « lire le chinois ce n’est pas jongler avec des concepts, mais observer les choses accomplir leur destin », Ezra Pound va s’employer à faire dialoguer entre elles, dans l’accomplissement actuel de leur destin, les figures fragmentaires et dispersées, des civilisations, des langues et des cultures. Et plus essentiellement la culture occidentale et la culture orientale, à travers Dante et Confucius. On doit ainsi comprendre que les pictogrammes chinois qui figurent dans les Cantos s’imposent comme manifestation essentiellement programmatique de l’oeuvre.

Au cours du « Canto LXXVII », Pound accompagne la présence de deux idéogrammes chinois du commentaire : « Savoir ce qui précède et ce qui suit vous aidera à mieux comprendre ce qui se passe. » « LA MUSIQUE »

On entendra que la monumentalité du projet, et sa réalisation, ne sont pas, en conséquence, sans soulever de très nombreuses difficultés d’interprétation et de lecture. Lié au tissu complexe de relations qu’il établit entre des éléments transhistoriques (citations, situations, évocations, références politiques, économiques, linguistiques, artistiques...), chaque « Canto » présente des difficultés, voire des opacités de lecture, qu’il ne faut pas dissimuler. Et moins encore dans la mesure où Pound en revendique le sens porté et l’intelligence mobile. Dans une lettre adressée à Thomas Hardy, en 1921, il écrit : « Je suis parfaitement désireux d’exiger que le lecteur lise avec autant de soin qu’il mettrait pour un texte grec ou latin un peu difficile. »

La poésie de Pound, qui, des années 1920 aux Cantos pisans (1948) est de plus en plus didactique, ne fera jamais l’économie de cette exigence. A un jeune poète, admirateur de l’ensemble des Cantos, mais qui ne comprend pas pourquoi Pound a mis une partition musicale dans l’un des Cantos pisans, Pound répond : j’entends que « vous ne lisez pas la musique ».

C’est là incontestablement un des problèmes que pose cette édition française de l’oeuvre de Pound. A l’exception des traductions de Denis Roche [9], la musique savante manque totalement à la transcription française de la prosodie poundienne. Il en est malheureusement souvent ainsi des traductions. Cela n’en est pas moins particulièrement douleureux appliqué à un poète qui a consacré un temps considérable à ce problème, et dont l’oeuvre principale se constitue de l’intelligence active et du jeu musical qui associent entre elles les langues les plus diverses.

Faute « du rythme qui en poésie correspond exactement à l’émotion ou au degré d’émotion à exprimer » on aurait pu attendre, près de trente ans après la mort de Pound, une édition française qui éclaire le sens et les portées des Cantos en les accompagnant d’un index et d’une chronologie rigoureuse. Il n’en malheureusement rien. Sans index, et curieusement clanique, tendancieuse, partielle, la chronologie de cette édition exclut par exemple aussi bien l’histoire de l’Europe que celle des Etats-Unis (qui occupent pourtant une place centrale dans Les Cantos) pour s’encombrer de très misérables casseroles poétiques. Tout reste à faire en deçà et au-delà de cette édition qui, comme les précédentes, permet pourtant heureusement d’évoquer aujourd’hui le nom de Pound et de partager avec lui cette certitude :

« Ce que tu aimes bien demeure, le reste n’est que cendre
Ce que tu aimes bien ne te sera pas arraché
Ce que tu aimes bien est ton seul héritage
A qui le monde, à moi, à eux ou à personne ?
D’abord tu as vu, puis tu as touché
Le Paradis, même dans les corridors de l’Enfer,
Ce que tu aimes bien est ton seul héritage,
Ce que tu aimes bien ne te sera pas volé. »
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Marcelin Pleynet
La beauté


L'avion qui vole, me semble-t-il, exceptionnellement bas, vient de passer au-dessus des Pyrénées. Je suis, comme chaque fois que je fais ce voyage, stupéfait par la grandiose beauté du paysage. Qui la dira ? Qui la décrira jamais ? Nous traversons ces montagnes qui coupent nos deux horizons en moins de quinze minutes. Rien n'est comparable à la splendeur de ce déroulement… aucune œuvre humaine ne peut rivaliser avec ce chef-d'œuvre naturel… Il y faut bien entendu l'avion, mais comme la misère et la tristesse de cet appareil, comme ses miraculeuses prouesses s'oublient vite en présence de ce monde vivant, fini et infini, de formes et de couleurs que magnifient les quatre éléments.
À l'altitude où nous sommes, les forêts qui montent à l'assaut de la montagne ne sont que de vastes manteaux sombres posés sur les épaules de lourds géants assoupis dans la blancheur neigeuse des cimes, et dont les membres étendus, dispersés par un sommeil qui n'a pas d'âge, se drapent plus bas de la délicate transparence perlée du brouillard. Sur l'ocre brun de leurs flancs, découpés d'une suite infinie de ravins et de falaises, sinue le fil clair des torrents et des rivières dont les lignes bleues aboutissent à des lacs grands comme des points d'exclamation, et où plonge notre ciel… Tout cela dans la mouvance désormais figée d'un monde, de dessins et de volumes, refermé sur la beauté d'une immensité sans partage…


Extrait du journal de l'année 1981, Le jour et l'heure, coll. « POL », Hachette, 1989.
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L'art ne s'adresse qu'à un nombre excessivement restreint d'individus.
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