Entretien Pablo Servigne, L'effondrement expliqué à nos enfants et à nos parents au 35 e Festival du Livre de Mouans-Sartoux
En 2010, les épisodes de sécheresse en Russie ont par exemple amputé de 25% la production agricole et de 15 milliards de dollars l'économie (1% du PIB), obligeant le gouvernement à renoncer cette année-là à des exportations.
Réchauffement et sueurs froides-p67-
Le rationnement peut finalement être considéré comme une politique solidaire dans un monde comprimé par des limites. Alors que "l'abondance permet l'indépendance, [...] la limitation des ressources introduit l'interdépendance". [...]
Il y a deux idées fortes associées au rationnement : "celle des parts justes, c'est-à-dire calculées de façon équitable à partir de la quantité disponible, et celle d'une égalité de tous, évoquant une suspension des privilèges sociaux".
-Et l'humain dans tout ça ?-p245-
Alors que certaines catastrophes sont bien réelles et nourrissent le besoin d'actualité des journaux - accidents d'avion, ouragans, inondations, déclin des abeilles, chocs boursiers ou guerres -, est-il pour autant justifié d'insinuer que notre société "va droit dans le mur", d'annoncer une "crise planétaire globale" ou de constater une "sixième extinction de masse des espèces" ?
Intoduction-Il faudra bien aborder le sujet un jour...
-p13-
[...] non seulement les instabilités géopolitiques et le réchauffement climatique menacent gravement le fonctionnement normal des réacteurs (terrorisme, conflits armés, manque d'eau pour le refroidissement, inondations,etc.), mais, en cas d'effondrement financier, économique puis politique des régions nucléarisées, qui pourra garantir le maintien en poste des centaines de techniciens et d'ingénieurs chargés de la simple extinction des réacteurs ?
Chap 9 Une mosaïque à explorer p 200
Dans l’univers d’un élevage de dindes, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes : l’éleveur vient tous les jours donner des grains et il fait toujours chaud. Les dindes vivent dans un monde de croissance et d’abondance... jusqu’à la veille de Noël ! S’il y avait une dinde statisticienne spécialiste de la gestion des risques, le 23 décembre, elle dirait à ses congénères qu’il n’y a aucun souci à se faire pour l’avenir...
(...) l'utopie a changé de camp : est aujourd'hui utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant.

Ce qui nous fait peur dans l'idée d'une grande catastrophe, c'est la disparition de l'ordre social dans lequel nous vivons. Car une croyance extrêmement répandue veut que, sans cet ordre qui prévaut avant le désastre, tout dégénère rapidement en chaos, panique, égoïsmes et guerre de tous contre tous. Or, aussi étonnant que cela puisse paraître, cela n'arrive pratiquement jamais. Après une catastrophe, c'est à dire un «événement qui suspend les activités normales et cause de sérieux dommages à une large communauté [*]», la plupart des humains montrent des comportements extraordinairement altruistes, calmes et posés (sont exclues de cette définition les situations où il n'y a pas d'effet de surprise, comme les camps de concentration, et les situations plus complexes des conflits armés). «Des décennies de recherches méticuleuses sur le comportement humain face aux désastres, aux bombardements durant la seconde guerre mondiale, aux inondations, aux tremblements de terre et aux tempêtes à travers le continent et ailleurs dans le monde l'ont démontré [**]». Dans ces situations, certains prennent même des risques insensés pour aider des personnes autour d'eux, aussi bien des proches que des voisins ou de parfaits étrangers. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l'image d'un être humain égoïste et paniqué en temps de catastrophe n'est pas du tout corroborée par les faits.
[*] D.P. Aldrich, Building Resilience. "Social Capital in Post-Disaster Recovery", University of Chicago Press, 2012.
[**] R. Solnit, "A Paradise Built in Hell : The Extraordinary Communities That Arise in Disaster", Penguin Books, 2012.
L’utopie a changé de camp : est aujourd’hui utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant.
L'effondrement est tel que nous devons nous interroger sur la place de l'humain sur cette Terre. La science ne prescrit pas de solutions à cette question.

Prendre un tel chemin [la collapsologie] ne laisse pas indemne. Le sujet de l'effondrement est un sujet toxique qui vous atteint au plus profond de votre être. C'est un énorme choc qui dézingue les rêves. Au cours de ces années de recherches, nous avons été submergés par des vagues d'anxiété, de colère et de profonde tristesse, avant de ressentir, très progressivement, une certaine acceptation, et même, parfois, de l'espoir et de la joie. En lisant des ouvrages sur la transition, comme le fameux manuel de Rob Hopkins, nous avons pu relier ces émotions aux étapes d'un deuil. Un deuil d'une vison de l'avenir. En effet, commencer à comprendre puis à croire en la possibilité d'un effondrement revient finalement à renoncer à l'avenir que nous nous étions imaginé. C'est donc se voir amputer d'espoirs, de rêves et d'attentes que nous avions forgés pour nous depuis la plus tendre enfance, ou que nous avions pour nos enfants. Accepter la possibilité d'un effondrement, c'est accepter de voir mourir un avenir qui nous était cher et qui nous rassurait, aussi irrationnel soit-il. Quel arrachement !