Sur le trajet de la maison, Kisliakov brûlait d'impatience, pressé de jouir de sa solitude. Il était las de ne pouvoir jamais rester en tête à tête avec lui-même. Mais une fois dans sa chambre, en s'approchant de sa bibliothèque, il sentit soudain, à la vue des livres, un certain ennui. Il n'avait rien à faire avec lui-même. Il n'éprouvait pas le besoin de prendre un livre. La pièce vide ne le réjouissait pas, le silence lui pesait, il avait envie de sortir.
Sans doute, à force d'être longuement interrompu, tout mouvement intérieur s'était arrêté en lui.
Il en avait perçu depuis longtemps les symptômes menaçants : il ne pouvait plus rester seul une heure, il avait envie de sortir dans la rue, d'aller au théâtre comme si cet arrêt de la vie intérieure le rendait en permanence dépendant des stimulations extérieures.